Mary, 39 ans

Une petite femme s’approche. Elle ne porte ni tuque ni mitaines. Seul un léger manteau lui couvre les épaules. Il pleut encore et il fait de plus en plus froid.

Mary (nom fictif) n’est pas ivre, mais elle sent l’alcool. Elle attend de dégriser avant de pouvoir entrer à l’intérieur. Comme dans les autres refuges, pour être admis à PAQ, les résidants ne peuvent être dans un état d’intoxication avancé.

En attendant que le camion de Médecins du monde se libère, Mary nous confie qu’un médecin la croit atteinte d’un cancer des ovaires. « Il a testé mon sang, dit-elle en anglais. J’espère que je n’ai pas le cancer. C’est pour ça que je prie. Ma mère est morte du cancer. »

Mary a quitté son village inuit il y a un an à peine pour venir à Montréal. Elle était enceinte et le père de l’enfant la battait. Et dans le Nord, dit-elle, l’alcool coûte cher : 100 $ le mickey (375 ml d’alcool), contre 13 $ à Montréal.

« Je suis venue ici pour avoir une vie plus facile, mais ma vie est plus lourde », laisse-t-elle tomber.

Son nouveau copain a été emprisonné pour un délit quelconque. Et Mary a accouché d’un bébé mort-né. « Quand le médecin l’a mis dans mes bras, il était tellement beau, dit-elle en mimant les gestes. Je ne voulais plus le redonner. »

Depuis, Mary, 39 ans, vit dans la rue, loin de ses deux enfants de 12 et 22 ans qui vivent dans le Nord. Elle est seule, avec tous les dangers que cela implique. À trois reprises, dit-elle, elle a été violée.

« Je ne veux pas retourner à la maison sans mon bébé. Je suis tellement embarrassée de rentrer à la maison », dit Mary en éclatant en sanglots. Une femme inuite accourt vers elle et l’enlace. Il pleut encore.

***

Il est près de 22 h, la sortie tire à sa fin. L’infirmière Laurence Éthier et Sarah McConnell Legault, médecin bénévole, ont rencontré sept patients ce soir. Trois mois après son arrivée à Médecins du monde, Laurence Éthier se sent aujourd’hui acceptée par la clientèle. « Ça a pris du temps avant que ça débloque », confie-t-elle.

Les cas cliniques les plus fréquents ? « Tout ce qui se rattache à la peau : plaies, punaises de lit, explique Laurence. Les problèmes reliés à la consommation – abcès, cellulites, phlébites. Des entorses à la cheville. Et des dépistages de MTS. »

Des ordonnances collectives permettent à l’équipe de remettre divers médicaments : Advil, Tylenol, Gravol, traitements contre diverses MTS et contre les infections vaginales. « Et du Narcan, pour la détresse respiratoire liée à une surdose d’opiacés. »

En retournant vers les bureaux de Médecins du monde, rue Sherbrooke, Nadja Pollaert nous parle de la générosité des bénévoles et des partenaires, des besoins de l’organisme (on cherche des dentistes bénévoles), des moyens financiers restreints et la difficulté, parfois, à rentrer dans les cases tracées par le gouvernement.

« Ce sont des soins, mais c’est plus que ça, dit Nadja Pollaert. C’est de l’humanisme, de la gentillesse, de la générosité. Et c’est d’accompagner ces personnes pour qu’elles puissent avoir accès aux soins dans les institutions de santé. »

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