Rick, 34 ans

Mardi, 18 h 45. Il fait noir, il fait froid, il pleut. Ce soir, le camion de Médecins du monde sera stationné devant Projets autochtones Québec (PAQ), un organisme qui héberge des sans-abri autochtones, inuits et métis, rue De La Gauchetière, tout près du Quartier chinois.

Un homme et une femme fument une cigarette dehors, près de la porte d’entrée de PAQ. « Tu peux nous parler, on ne te mangera pas », nous dit l’homme.

Il est mince et ses traits sont fins. Il s’appelle Rick, a 34 ans et vient d’Arctic Bay, « le village le plus au nord ». Il a peu connu son village natal : il n’avait que 6 ans lorsqu’il est arrivé à Montréal avec ses parents adoptifs et ses frères et sœurs adoptifs.

Pourquoi ses parents ont-ils quitté le Nord ? Rick n’en est pas certain, mais il présume que sa mère adoptive voulait avoir accès à de l’alcool à prix abordable. « Je me demande comment je ne suis pas devenu alcoolique ou drogué », dit Rick dans un français impeccable. Vous êtes sobre ? « Je fais de mon mieux. »

Son père adoptif, qu’il aimait beaucoup (« Il était honnête, payait ses bills »), a été happé à mort par une voiture, dans le Nord, il y a une vingtaine d’années. La famille s’est alors dispersée. Quatre de ses frères et sœurs adoptifs sont aujourd’hui décédés. Rick ne voit plus les autres.

Il y a un an et demi, il est retourné à Arctic Bay, à 10 heures de vol de Montréal, dans l’espoir de retrouver sa famille biologique. Il a rencontré ses parents biologiques et découvert qu’il avait 5 frères et 10 sœurs. « Apparemment, dit-il, je suis dans le milieu. »

Depuis 10 ans, Rick n’a pas toujours d'appartement. Voilà quatre mois qu’il dort en refuge. « C’est temporaire », assure-t-il. Il espère pouvoir bientôt emménager avec sa copine (la femme avec qui il fumait, à l’entrée) dans le cadre d’un projet mené par un membre de la communauté. Il y apprendrait le cerceau traditionnel et la sculpture.

Rick ne consulte pas de médecins. Il n’a jamais rencontré l’équipe de la clinique mobile de Médecins du monde non plus.

« On est trop habitués à la médecine traditionnelle. Les Inuits, on fait confiance aux Inuits. »

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