Industrie du fer

Nouveau souffle pour le Plan Nord ?

Québec récoltera-t-il enfin les fruits de ses efforts pour mettre en branle son fameux Plan Nord ? Avec un prix du fer volatil, qui se relève peu à peu, les minières de la fosse du Labrador n’ont pas dit leur dernier mot. En 2018, de nouveaux acteurs prévoient une activité fourmillante de leurs sites mobilisant plus d’un millier de travailleurs. Le pire serait-il chose du passé dans l’industrie du fer ?

Si la tonne de fer se négociait, alors que la crise faisait rage, en décembre 2015, sous la barre des 40 $US, elle se vend ces jours-ci autour de 75 $US. C’est loin des sommets inédits de 2011, alors que naissait la première mouture du Plan Nord, avec une tonne qui s’écoulait à 189 $US. Malgré tout, de jeunes minières pourraient bien trouver leur compte en 2018.

« Je pense que ça va être une année pendant laquelle les choses vont aller en s’améliorant. Pour moi, c’est ce qui est important. Il y a beaucoup de potentiel. »

— Pierre Arcand, ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles 

En entrevue à La Presse avec le président-directeur général du Plan Nord, Robert Sauvé, les deux hommes sont plutôt optimistes.

L’État n’a d’ailleurs pas lésiné en déliant à plusieurs reprises, depuis deux ans, les cordons de sa bourse, dans l’espoir de donner de l’oxygène au Plan Nord. Québec a investi 100 millions en 2016 dans le secteur stratégique de Pointe-Noire à Sept-Îles, notamment en mettant la main sur les actifs de l’américaine Cliffs Natural Resources, qui n’a pas résisté à la tempête en 2014.

Une « pièce maîtresse »

Cette « pièce maîtresse » pour les expéditions des producteurs de la fosse du Labrador pourrait bien faire travailler 170 hommes en 2018. Ce qui n’est pas tellement loin du nombre de travailleurs qu’employait Cliffs avant de mettre la clé sous la porte. Après avoir expédié quelque 250 000 tonnes de minerai de fer en 2016, l’État pourrait en livrer 10 millions en 2018.

« On espère être rentables » en 2018, indique M. Arcand. Il faut comprendre que Québec a créé une société en commandite, appelée Société ferroviaire et portuaire de Pointe-Noire (SFPPN), avec sa nouvelle acquisition. Le site, un immense terrain de jeu de 1200 hectares, sera développé selon une approche multiusager pour favoriser l’émergence d’un maximum de projets.

« C’est normal qu’au départ il y ait certains déficits à absorber, mais on a bon espoir que l’opération [se fasse] avec des partenaires. Des partenaires qui vont payer des montants pour passer sur [notre] territoire », explique Robert Sauvé. Les minières « partenaires » investiront aussi dans les infrastructures du site selon leur utilisation.

Les jeunes sociétés, Champion Iron Limited et Tata Steel Minerals Canada, pourraient à elles seules embaucher un millier de travailleurs en 2018. Elles sont les premières partenaires de l’État dans la SFPPN. Les deux minières prévoient exploiter des gisements de la fosse du Labrador et n’ont d’autre choix que d’expédier leur production de Pointe-Noire à Sept-Îles.

Ces deux projets ont aussi largement profité du Plan Nord. Québec a injecté 175 millions dans les visées de Tata Steel Minerals Canada, ce qui en fait un partenaire à la hauteur de 20 %. L’État a de plus investi 25,2 millions dans la relance de la mine du lac Bloom, en plus d’accorder un prêt de 6 millions. Québec détient en outre 36,8 % du site minier de Fermont.

La Société du Plan Nord estime avoir généré jusqu’à présent 9 milliards de dollars d’investissements privés, dont le tiers a été investi dans des projets ferreux. Québec espère engendrer plus de 22 milliards d’investissements d’ici 2020, notamment dans le développement de 17 projets miniers.

Le marché du fer en 2018

Même si le marché du fer connaît une timide croissance depuis le creux de 2015, il faut s’attendre à « une certaine volatilité » encore en 2018, estime Nochane Rousseau, associé et leader du secteur minier pour le Québec chez PricewaterhouseCoopers. C’est que les stocks de la Chine, principal consommateur de fer de la planète, restent élevés. Il faudra aussi surveiller si Donald Trump lancera son ambitieux programme d’infrastructures, promis en compagne électorale, qui donnerait un élan au marché.

Pas assez pour un troisième lien

La production anticipée en 2018 est loin de justifier la construction d’un troisième lien ferroviaire reliant la fosse du Labrador au sud. Québec a révélé jeudi dernier que l’aménagement d’un chemin de fer entre Labrador City et Pointe-Noire coûterait 3,19 milliards. Il faudrait un volume annuel de 40 millions de tonnes pour rentabiliser l’investissement. Ces conclusions émanent d’une étude de faisabilité payée 15,2 millions par Québec.

Tata Steel Minerals Canada

En production depuis 2013, Tata Steel Minerals Canada exploite le site DSO, à cheval sur la frontière du Québec et du Labrador, près de Schefferville. En 2018, la société doit porter sa production à environ 4 millions de tonnes de minerai de fer et maintenir en poste 700 travailleurs, dont 150 autochtones. Tata Steel doit investir de 300 à 400 millions d’ici deux ans.

Rio Tinto IOC

Le géant Rio Tinto IOC prévoit exploiter le gisement Wabush 3 au second trimestre de 2018. L’investissement de 80 millions consolide les visées de la minière, qui cherche à faire grimper sa production annuelle de 18 à 23 millions de tonnes. Rio Tinto IOC emploie 2400 travailleurs à Labrador City et Sept-Îles.

Champion Iron Mines

Champion Iron Mines doit rallumer au début de 2018 les machines de la jeune mine de fer du lac Bloom, près de Fermont. Son projet, évalué à 350 millions, doit créer quelque 400 emplois dès décembre. La production anticipée atteint 7,4 millions de tonnes de concentré.

Tacora Resources

Tacora Resources a créé la surprise en mettant la main sur la vieille mine Scully au Labrador, placée en veilleuse par Cliffs Natural Resources en 2014. Ce qui surprend, c’est que le nouveau propriétaire américain souhaite la relancer, alors que certains la pensaient appauvrie de ressources. Tacora s’est déjà entendue avec le syndicat, qui comptait à l’époque 400 membres.

Pointe-Noire

La Pointe-Noire est une presqu’île qui donne accès à la baie de Sept-Îles. C’est là que se trouvent les actifs portuaires et ferroviaires appartenant à Cliffs Natural Resources que Québec a achetés au prix de 66,75 millions. En 2018, l’État pourrait, grâce à ses partenaires miniers, expédier 10 millions de tonnes de minerai de fer. Le site pourrait alors bruire de l’activité de 170 travailleurs.

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