Déversement d’eaux usées dans le Saint-Laurent

Un collecteur de Montréal réparé sans arrêt de service l’hiver dernier

QUÉBEC — Québec et Montréal disent n’avoir d’autre choix que de laisser les égouts se déverser dans le fleuve pour réparer une conduite qui dessert six arrondissements. Or, Transports Québec a renforcé l’hiver dernier un collecteur sous l’échangeur Turcot sans interrompre l’écoulement des eaux usées.

Le chantier s’est amorcé en novembre dernier dans le cadre de la reconstruction du pont d’étagement de la rue Saint-Jacques. Il s’est terminé en mars.

Des ouvriers sont descendus dans le collecteur Haut Saint-Pierre, d’un diamètre de trois mètres, afin de poser du béton armé sur les parois intérieures. Dans une seconde phase du chantier, toujours en cours, la canalisation sera déviée, puis raccordée aux sections renforcées.

Pour empêcher une interruption de service pendant la première phase des travaux, les ouvriers ont bâti une cloison temporaire étanche à l’intérieur du tuyau. Ils ont dégagé une zone sèche pour effectuer leurs travaux sans interrompre l’écoulement des eaux usées.

Des photos et une description détaillée des travaux se trouvent sur le site web de Transports Québec.

Ce chantier a exigé des mesures de sécurité « extrêmes », explique-t-on à Transports Québec. Les travaux devaient se dérouler en hiver, une période où les précipitations sont plus rares. La météo était surveillée de près, car la moindre fonte de neige aurait pu provoquer un torrent qui aurait mis la vie des travailleurs en danger.

Le renforcement des deux tronçons de la conduite a coûté 60 millions, a précisé la porte-parole du Ministère, Caroline Larose. Cette facture ne comprend pas les frais qui s’ajouteront pour la déviation de la canalisation.

Le chantier a présenté un « défi technique », a-t-elle convenu, mais la conduite a pu remplir sa fonction.

« Le collecteur est resté en service pendant toute la durée des travaux. »

— Caroline Larose, porte-parole de Transports Québec

La Ville de Montréal souhaite vider complètement l’intercepteur Sud-Est, qui recueille les eaux usées de six arrondissements, afin de déplacer une chute à neige et de retirer des cintres. Le maire Denis Coderre martèle depuis une semaine qu’il n’y a aucune solution de rechange à cette stratégie. La construction d’une conduite auxiliaire pour diriger les eaux usées vers l’usine d’épuration aurait coûté un milliard, a-t-il dit.

Le ministre de l’Environnement David Heurtel, qui a autorisé Montréal à purger l’égout, a repris cet argument à l’Assemblée nationale.

UNE OPTION POUR LA VILLE, SELON LE SYNDICAT

Mais selon le Syndicat professionnel des scientifiques à pratique exclusive de Montréal (SPSPEM), qui regroupe les ingénieurs municipaux, la Ville aurait pu envisager d’employer la même méthode que le MTQ sous l’échangeur Turcot.

Le président, Martin Tremblay, soutient que ses membres n’ont jamais reçu l’instruction de trouver une solution moins polluante que la fermeture complète de l’intercepteur.

« Aucune commande n’a été faite aux ingénieurs de la Ville afin d’analyser une méthode de rechange permettant de minimiser le volume des effluents non traités déversés dans le fleuve. »

— Martin Tremblay, président du SPSPEM

« Notamment, on aurait pu envisager la technique utilisée au collecteur Haut Saint-Pierre dans le cadre de la réfection de l’échangeur Turcot », a ajouté M. Tremblay.

Au bureau du maire Coderre, on affirme que la stratégie utilisée par le MTQ n’aurait pas pu s’appliquer à l’intercepteur Sud-Est.

« Les travaux effectués dans le collecteur Haut Saint-Pierre n’ont absolument rien à voir avec les travaux prévus dans l’intercepteur Sud-Est, a indiqué la porte-parole du maire, Catherine Maurice. Il s’agit de deux situations complètement différentes. »

Elle souligne que la canalisation possède un diamètre presque deux fois plus grand que le collecteur Haut Saint-Pierre. Par temps sec, deux mètres d’eau y coulent en tout temps, contre 50 centimètres sous l’échangeur Turcot. C’est pourquoi il serait impossible de bâtir une cloison à l’intérieur de la conduite pour effectuer des travaux.

Par ailleurs, la réparation du collecteur Haut Saint-Pierre a eu lieu à moins de 100 mètres du point d’entrée dans l’égout. Dans le cas de l’intercepteur Sud-Est, les travailleurs devront parcourir jusqu’à 500 mètres pour se rendre au site du chantier, ce qui présenterait un risque important pour leur sécurité, selon Mme Maurice.

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