LA FERME BOUFFARD ET CIE

Une vraie entreprise familiale

AYER’S CLIFF — S’il est assez rare de nos jours de trouver une famille de 12 enfants au Québec, il est encore plus surprenant de dénicher pareille lignée dont 8 des membres travaillent pour l’entreprise familiale, dans le secteur agricole de surcroît, et que 6 des enfants y occupent leur propre maison. C’est le cas de la Ferme Bouffard et cie que l’on peut qualifier, sans se tromper, d’authentique entreprise familiale.

Le transfert de propriété des exploitations agricoles a longtemps été le principal facteur de l’exode rural au Québec. Traditionnellement, c’est l’aîné de la famille qui héritait de la ferme familiale et les – nombreux – autres enfants du groupe étaient souvent contraints de quitter la région pour aller gagner leur vie.

Alain Bouffard et sa conjointe Pauline ont réussi au fil des ans le pari de développer et de faire grandir leur entreprise agricole à un point tel que chacun de leurs 12 enfants – 8 garçons et 4 filles – pourrait un jour y gagner sa vie.

Un pari pratiquement gagné puisque huit d’entre eux ont aujourd’hui pignon sur terre de la Ferme Bouffard et cie.

« Mon aîné a acheté sa propre ferme et l’opère lui-même. J’ai aussi une fille et son mari qui ont leur propre exploitation agricole. Mais j’ai huit enfants qui travaillent pour l’entreprise familiale, dont six qui ont chacun leur maison et leur terre qui font partie de la Ferme Bouffard et cie », résume M. Bouffard.

Tout a débuté en 1974 lorsque Alain Bouffard a racheté la ferme de son père à Ayer’s Cliff et qu’il a épousé la fille du fermier voisin, sa conjointe et partenaire Pauline.

« La même année, j’ai acheté la ferme de mon père et celle de mes beaux-parents. On s’est endettés, c’était un peu fou, mais ç’a été le premier de nos projets », relate-t-il.

De 1974 à 1991, Alain Bouffard a donc été producteur laitier, une activité où il se sentait toutefois un peu à l’étroit puisqu’il n’aimait pas être soumis aux quotas. Parallèlement, il avait mis sur pied une activité de coupe de bois et de production de sirop d’érable qui a fortement contribué à l’essor de l’ensemble de l’entreprise.

En 1991, il vend vaches et quotas et se lance dans l’élevage de bouvillons tout en décidant de devenir un producteur autosuffisant.

DE LA FERME AU CLIENT

« On voyait qu’il se dessinait une tendance où les consommateurs voulaient se rapprocher des producteurs. On a donc développé le concept de la ferme au client en élevant des bœufs naturels, sans hormones de croissance ni antibiotiques », explique le producteur-entrepreneur.

Avec les années, Alain Bouffard a racheté plusieurs fermes des Cantons-de-l’Est pour répondre à ses besoins en fourrage à partir de grains de qualité. Avec les années, il est devenu un important producteur et exportateur net de foin.

« Aujourd’hui, on a des terres dans un rayon d’une soixantaine de kilomètres. On possède 3800 acres et on loue 3000 acres additionnels qui servent à la production de foin pour les chevaux, de mil, de trèfle, de luzerne, d’avoine, de blé, d’orge et de maïs », énumère Alain Bouffard.

Les activités bovines ont aussi pris de l’ampleur. La ferme Bouffard et cie a un cheptel de 1400 têtes, dont 700 à Massawippi et 350 à Ayer’s Cliff.

Chaque année, l’entreprise enregistre de 400 à 500 vêlages et produit autant de bouvillons d’abattage. Bouffard et cie exploite une boucherie « La Face de Bœuf » à Bromptonville depuis 2010 et une deuxième « La face de Bœuf » à Ayer’s Cliff depuis juillet.

« On écoule 50 % de notre production dans nos magasins et l’autre 50 % dans des boucheries qui veulent vendre du bœuf élevé de la façon la plus naturelle possible », précise Alain Bouffard.

Ce sont toutefois les activités de vente de foin qui assurent la plus grosse part des revenus du groupe, suivies par l’élevage et l’abattage de bœufs ainsi que les activités de courtage en animaux que réalise l’entreprise. La culture des céréales, du blé et les activités forestières complètent le tableau.

UNE ENTREPRISE QUI GROSSIT

Mine de rien, l’entreprise a atteint une taille assez considérable aujourd’hui. Les fermes du groupe comptent une trentaine de bâtiments, 10 entrepôts à foin, 35 tracteurs, 3 camions, 10 remorques à foin et 6 remorques à bêtes.

Chacun des enfants qui travaille pour l’entreprise apporte une expertise particulière.

Il y a le fils responsable du transport et de la flotte de camions qui réalisent une dizaine de voyages par semaine aux États-Unis.

« Notre principal marché pour le foin à chevaux est dans la région de Boston. On vend aussi beaucoup dans le Vermont et le New Hampshire et aussi loin qu’en Floride », souligne Alain Bouffard.

Il y a le fils ferré en mécanique qui assure les réparations et la maintenance de tout l’équipement du groupe. Il y a ses deux enfants qui sont les experts dans les opérations forestières et qui réalisent aussi des travaux d’excavation.

« Nos belles-filles sont aussi impliquées dans l’entreprise. Il y en a une qui s’occupe de notre centre de grains à Massawippi. Il y en a une autre qui fait la logistique des champs, la rotation des cultures et qui calcule les rendements obtenus.

« Ma fille Sylvie s’occupe de nos deux boucheries où une autre de nos belles-filles est responsable de la comptabilité. »

Alain Bouffard a amorcé le processus du transfert de propriété à ses enfants en leur octroyant des actions du groupe et il n’a pas à s’inquiéter pour la relève.

Alain et Pauline Bouffard viennent en effet d’accueillir cette semaine leur 40e petit-enfant (!) et chaque Noël, Pauline se fait un devoir d’acheter à chacun d’entre eux un cadeau différent, ce qui est aussi une entreprise en soi…

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