Opinion  Valeurs mobilières

Une occasion unique de tourner la page centralisatrice

En matière de réglementation des valeurs mobilières, l’industrie des services financiers est bien servie par la structure actuelle

Nombreux sont ceux qui pensent que la dernière tentative de l’ancien gouvernement fédéral visant la mise sur pied d’un organisme coopératif de réglementation des valeurs mobilières avait comme seul objectif de donner à ce même gouvernement et à l’Ontario la mainmise sur l’encadrement des valeurs mobilières et des instruments dérivés au Canada. Nous sommes de ceux-ci.

D’entrée de jeu, rappelons que la structure actuelle, décriée par l’ancien gouvernement fédéral, est encensée par les organismes internationaux, dont la Banque mondiale. Le rapport Doing Business 2013 de celle-ci, une référence dans le domaine, a classé le Canada au 4e rang pour la protection des investisseurs, devançant les États-Unis (au 6e rang) et le Royaume-Uni (au 10e rang) alors que le rapport 2014 sur l’état de l’économie canadienne du Fonds monétaire international (FMI) a de nouveau souligné la solidité du système actuel, qui repose sur la compétence des provinces.

Il est aussi temps de mettre fin au mythe qu’un régulateur unique, peu importe sa forme, constitue un rempart absolu contre la fraude. Les scandales Enron et Madoff n’ont-ils pas eu lieu aux États-Unis ?

Il n’existe pas de réels avantages à créer un tel organisme, tant du point de vue des consommateurs que de l’industrie des services financiers, et ce, autant au Québec que dans les autres provinces et territoires.

N’en déplaise aux promoteurs de ce projet, l’industrie des services financiers est bien servie par la structure actuelle et le système actuel de passeport grâce auquel le participant au marché peut accéder aux marchés de tous les territoires concernés en ne traitant qu’avec son autorité principale et en se conformant à un ensemble de lois harmonisées.

En fait, cette structure, reposant sur le regroupement de l’ensemble des provinces et territoires au sein d’une entité coopérative que sont les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM), est déjà une réponse concrète au projet fédéral. Tous les provinces et territoires y participent, y compris l’Ontario, qui est un grand contributeur. Le projet fédéral ne pourrait jamais prétendre parler « d’une seule voix » par l’absence de plusieurs provinces.

Cette structure a également comme avantage de respecter les compétences constitutionnelles tout en permettant la flexibilité et l’autonomie de réflexion et d’exécution dans le respect des nombreuses diversités régionales.

Le Canada dispose donc d’un système national efficace, quoique non centralisé sous le contrôle du gouvernement fédéral.

Force est de constater que le système actuel dessert bien l’ensemble du Canada et que le projet de l’ancien gouvernement fédéral constituerait un net recul en apportant davantage de lourdeur, de coûts et de conséquences économiques de toutes sortes. Les régulateurs, dont l’Autorité des marchés financiers, ont une grande importance dans l’écosystème financier et économique par leurs actions de nature à rendre les marchés plus efficients et les conditions d’investissement plus saines. Il importe de conserver cette agilité. Il vaut mieux consacrer les efforts de tous à renforcer le système actuel qui fonctionne que de créer quelque chose qui ne fonctionnera pas.

Il y a exactement quatre ans, la Cour suprême indiquait clairement que la réglementation en matière de valeurs mobilières relevait des dix provinces et des trois territoires du Canada. Souhaitons que le nouveau ministre des Finances, qui s’est personnellement engagé à changer l’approche d’Ottawa et à amener un vent de changement et un esprit de collaboration renouvelé, saura être attentif aux besoins réels de l’industrie et des consommateurs.

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