Justice

Une Femen accusée de méfait réclame l'arrêt des procédures

Neda Topaloski ne devrait pas avoir de procès criminel à cause de son arrestation « excessivement brutale » et illégale, plaide son avocate. 

Même si elle a endommagé une Formule 1 en faisant un coup d’éclat les seins nus sur la rue Crescent lors du Grand Prix de 2015, la Femen Neda Topaloski ne devrait pas avoir de procès criminel, plaide son avocate. L’arrestation musclée lors de laquelle elle a été traînée « les mamelons sur l’asphalte » par des agents de sécurité justifie un arrêt du processus judiciaire, soutient Me Véronique Robert.

Mme Topaloski est accusée de méfait et d'avoir troublé la paix lors d’une activité du Grand Prix le 4 juin 2015. Son procès s’est amorcé en Cour municipale hier. Les seins nus, elle était montée sur une Formule 1 lors du « Pit Stop Challenge », hurlant « Montréal n’est pas un bordel » devant une foule nombreuse.

Le responsable de l’événement, Louis Bordeleau, a déclaré à la barre l’avoir d’abord laissée exprimer son message politique, « mais à un moment donné, j’ai demandé où était la sécurité », a-t-il expliqué. Des agents de sécurité privés embauchés pour l’événement ont alors tenté d’attraper l’activiste du groupe Femen, qui s’était hissée sur le bolide de course.

Selon Mme Topaleski, l’intervention a dégénéré dans une « violence démesurée ». « J’ai été propulsée sur une roue très brusquement. » Elle a ensuite été entraînée dans une ruelle, à l’écart de l’événement, hurlant toujours son slogan alors qu’elle était tirée sur le sol. « Mes seins et mon ventre frottaient l’asphalte », a-t-elle relaté. Un agent de sécurité lui a aussi arraché une poignée de cheveux quand sa chevelure s’est coincée sous sa botte. Des images de TVA montrant la séquence d’événements ont été déposées en preuve.

Mme Topaleski dit avoir eu des égratignures partout sur le devant du corps et quelques bleus.

Pour son avocate, Me Véronique Robert, cette intervention « excessivement brutale et choquante » était carrément illégale. Les agents de sécurité, contrairement aux policiers et agents de la paix, n’ont qu’un pouvoir d’arrestation citoyen, a-t-elle souligné. En l’occurrence, ils l’ont utilisé de façon inappropriée en faisant un usage de la force qui ne correspond pas à ce qui est enseigné dans les formations policières, soutient Me Robert.

« Ce qui s’est passé est surréaliste. On ne traîne pas les gens par terre, mamelons sur le sol. Cette intervention n’aurait pas été tolérée si elle avait été réalisée par des policiers de la SQ ou du SPVM. Le seul remède, c’est de mettre fin aux procédures criminelles contre ma cliente », a-t-elle fait valoir devant la juge Guylaine Lavigne, de la Cour municipale.

2546 $ de dommages

L’avocate de la Couronne, Me Gabrielle Delisle, a cependant souligné que l’intervention s’était déroulée de façon graduelle. Les agents ont d’abord laissé la manifestante scander son slogan, avant de tenter de l’écarter des lieux. « Une agente a même dit à Mme Topaloski : “Vous allez vous blesser.” Devant sa résistance acharnée, l’intervention est devenue plus musclée. »

« Résister à la douleur, ça fait aussi partie du message des Femen. C’est l’image d’une femme forte qui résiste au patriarcat. »

— Neda Topaloski

Dans son coup d’éclat, Neda Topaloski a endommagé le bolide sur lequel elle s’est assise pour hurler son slogan. Les vidéos déposées en preuve la montrent en train de s’appuyer sur un rétroviseur du bolide, qui a vraisemblablement cédé sous son poids. Dans une des vidéos, on entend le responsable de l’événement, Louis Bordeleau, crier d’un ton exaspéré : « Le char vaut plus cher que la femme. » Il a dit devant la juge regretter ces propos.

Lors d’une analyse du véhicule après les événements, le propriétaire du véhicule a aussi découvert des fissures sur le capot de fibre de verre sur lequel la manifestante s’était assise. « Ce ne sont pas des pièces qui peuvent supporter un poids. Elles ne sont pas conçues pour ça », a affirmé M. Bordeleau.

Selon la preuve, le coût des réparations s’est élevé à 2546 $.

Le procès de Mme Topaloski, première Femen à être accusée au Canada, se poursuit aujourd’hui.

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