Élections provinciales

On déprime ou on s’exprime ?

La semaine dernière, nous avons assisté à la démission surprise d’un politicien écologiste français, Nicolas Hulot, disant qu’il n’en pouvait plus de se mentir au sein d’un gouvernement inactif devant les enjeux environnementaux. Nous avons aussi appris que la Cour d’appel canadienne renvoyait le gouvernement Trudeau à ses devoirs. La Cour critiquait vertement l’Office national de l’énergie pour avoir manqué à ses obligations de consultation des Premières Nations et de prise en compte de la dimension maritime du projet de pipeline Trans Mountain. Ce jour-là, honnêtement, je me suis réjouie, pensant à toutes celles, à tous ceux qui se battent inlassablement pour que les bottines suivent les babines : si un gouvernement se prétend écologiste, il ne peut encourager les pétrolières à se développer à l’infini.

Quel rapport avec les élections québécoises ? Chez nous aussi, les bottines doivent suivre les babines. Ce n’est pas en biffant des mots (pétrole, gaz) d’un site web qu’un parti, la Coalition avenir Québec, va nous faire croire à sa conversion écologiste. Ce n’est pas non plus le silence assourdissant du PQ et du PLQ qui peut nous convaincre que : oui madame-monsieur, j’y pense tout le temps à l’environnement !

Soyons sérieux. Ou bien nous acceptons avec une sorte de désespoir que nous ne pouvons plus rien contre les changements climatiques (Patrick Lagacé), un constat qui se défend quand on observe les gouvernements quels qu’ils soient. Ou bien nous décidons de nous « attaquer aux racines du problème, soit un modèle économique inadapté qui repose sur le dogme de la croissance infinie et qui détruit implacablement les conditions de vie sur la planète tout en exacerbant les inégalités » (Karel Mayrand et Hugo Séguin).

Mon choix, vous le devinez, est celui de l’optimisme et d’une certaine radicalité. Je ne parle pas ici de candeur. Je parle d’une lucidité qui doit nous pousser à agir. Lucidité, car il est exact que nous sommes devant une catastrophe annoncée et qu’il est bien tard pour allumer les consciences et forcer les dirigeants de la planète à agir. Le temps presse et ce qui apparaît radical aujourd’hui (par ex. : limiter au maximum l’utilisation des voitures autres qu’électriques) sera la norme demain, car nous n’aurons tout simplement plus le choix d’agir autrement.

Et mon optimisme ? Des milliers de gens, au Québec, sont déjà dans l’action.

Ils sont jeunes, imaginatifs, fougueux, déterminés. Ils bâtissent des projets, fondent des entreprises, développent des villages et des quartiers écologistes, mobilisent des communautés entières. Le livre Demain le Québec (Éditions La Presse, 2018) raconte leurs histoires. Ce qui m’a frappée : le plus grand obstacle à leurs rêves réalisables n’est pas la résistance de mes concitoyens, mais celle des bureaucrates, des gestionnaires à courte vue, des gouvernements pour qui un projet écolo, ça ne peut pas être sérieux !

Pourtant : chaque fois qu’on a développé du transport collectif chez nous, les gens se sont rués sur les trains et les nouvelles rames de métro. La demande est là, c’est l’offre qui tarde à se concrétiser. Pourquoi ?

Beaucoup la faute de gouvernements qui naviguent à courte vue : qu’est-ce qui va me rapporter des votes ? Qu’est-ce que mes amis de la finance vont aimer ? Et un peu notre inertie : ça sert à quoi de se battre ? On a déjà oublié la victoire des comités citoyens contre l’exploitation du gaz de schiste, la construction d’un port en eau profonde à Cacouna ou la vente du parc du Mont-Orford ?

Nous sommes en campagne électorale et il reste un mois aux chefs pour nous parler de leur vision du Québec de demain. Oui ou non, l’exploitation des hydrocarbures au Québec ? Oui ou non, devons-nous envisager sérieusement de freiner l’utilisation des voitures propulsées au pétrole et quand cesserons-nous d’en voir sur nos routes ? Oui ou non, la prolifération des plastiques qui aboutissent dans les océans et sont en train de tuer les poissons ? Oui ou non, l’utilisation démesurée des pesticides dans l’agriculture et l’appui à l’agriculture bio ? Oui ou non, un soutien résolu de l’État québécois à des entreprises qui développent des produits à haute teneur écologique ? Oui ou non, la construction et la rénovation de nos écoles avec les meilleures techniques vertes ?

Non seulement nous avons le droit de poser ces questions, mais, à mon avis, nous en avons le devoir.

Qui doit diriger le Québec : les lobbys gaziers et pétroliers, ceux qui veulent à tout prix développer une agriculture industrielle chez nous, les actionnaires de grosses entreprises soucieux de profits ou bien des personnes habitées par un sentiment d’urgence, celui de combattre de toutes nos forces le réchauffement de la planète, même si ça veut dire s’en prendre aux excès grands et petits du système économique actuel.

On devrait cesser de rire de ceux et celles qui s’évertuent à nous proposer autre chose que de la politique à la petite semaine. Je propose que l’on soit attentifs à des propositions qui sortent du cadre habituel, formaté à l’excès, des campagnes électorales. Ce serait si bon de rêver un peu ! Rêver logique, comme l’a déjà écrit Vivian Labrie, grande défenseure des droits sociaux. Mais rêver et exiger !

Comme l’a dit Gandhi : « D’abord ils vous ignorent, ensuite ils vous ridiculisent, puis ils vous combattent, mais à la fin vous gagnez. »

Je ne sais pas si nous pouvons gagner la course contre la montre contre les changements climatiques. Tout ce que je sais, c’est que je m’en voudrais à mort de ne pas avoir essayé. Pour sauver la vie des personnes seules, malades et pauvres qui meurent à cause des canicules. Une centaine cet été au Québec. Pour Antoine, Zoé, Émile, Jules et Éva, mes petits-enfants. Nous, adultes majeurs et vaccinés, sommes responsables des personnes vulnérables dès maintenant, mais aussi de la suite du monde. Nous sommes en campagne, soyons exigeants ! Exprimons-nous et le 1er octobre, votons !

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