Pitbulls

Ce qui n’a pas été dit au gouvernement

L’Ordre des médecins vétérinaires du Québec écrit dans son rapport que les informations qu’il a recueillies pour le gouvernement sont « convergentes et suffisantes pour permettre de tirer des conclusions justes ». Mais les victimes de pitbulls lui reprochent d’avoir ignoré les passages les plus significatifs – et troublants – des études qu’il cite. Survol – mot à mot – de ce qui a été transmis au comité ministériel et de ce qui a été omis.

LES MORSURES À LA TÊTE ET AU COU (2012-2013)

Ce qu’a relayé l’Ordre

1. « Des 101 cas, 57 % des patients étaient âgés de moins de 10 ans. »

2. « Pour les patients avec morsures à la tête et au cou, 32 % étaient des morsures de pitbull et la race n’était pas indiquée dans 34 % des cas. »

3. « La deuxième race impliquée dans 6 % des cas était le golden retriever. »

Ce qu’il n’a pas relayé

1. « [Les victimes des pitbulls] étaient cinq fois plus susceptibles de devoir subir une chirurgie. »

2. « Contrairement à tous les autres chiens, les pitbulls étaient comparativement plus susceptibles d’attaquer un inconnu (+ 31 %) et sans provocation (+ 48 %). »

3. « L’importance des pitbulls comme responsables des morsures est une découverte clé. Elle confirme et élargit celles d’autres publications. »

LES BLESSURES OCULAIRES (2003-2013)

Ce qu’a relayé l’Ordre

1. « Le pitbull était responsable de 25 % des blessures oculaires. »

2. « Les autres races étaient les chiens croisés (19 %), le labrador (10 %), le berger allemand, le rottweiler, le golden retriever, le mastiff et le doberman (3 % chacun), le beagle, le boxer, le bulldog et le berger australien (2 % chacun), le dalmatien, le danois, le teckel et le collie (1 % chacun). »

3. « Trois patients avaient des fractures orbitales (doberman, labrador, husky). Un autre patient avait une fracture du nez (pitbull) et le 5e, une fracture du crâne (berger allemand). »

Ce qu’il n’a pas relayé

1. « Cette étude est la première à établir que les pitbulls sont les chiens qui causent le plus de blessures oculaires. »

2. « Plus alarmant, quand les attaques sont le fait de chiens inconnus, le pitbull est responsable de plus de 60 % des blessures générales ou oculaires. »

3. « Cette étude fournit une preuve solide que les pitbulls sont agressifs, sans qu’on sache la part de l’inné et de l’acquis, et sont le plus souvent coupables des blessures oculaires graves. [Cela devrait] façonner la politique publique afin d’accroître la sécurité des enfants. »

CAS D’AMBULANCE ET DE SALLE DE TRAUMA (2007-2013)

Ce qu’a relayé l’Ordre

1. « Vingt-huit races de chiens identifiées dont la plus fréquente était le pitbull (29,4 %), suivi des races croisées (14,2 %). La race était inconnue dans 24,5 % des cas. »

2. « Les limites de l’étude : les médias ayant couvert des attaques de pitbull dans la région, les patients et familles ont possiblement étiqueté davantage le chien coupable comme étant un pitbull. »

3. « Les résultats ne peuvent pas nécessairement se généraliser à d’autres régions. »

Ce qu’il n’a pas relayé

1. « C’est la plus vaste étude portant sur les blessures les plus graves. »

2. « Les pitbulls étaient responsables de 45,5 % des cas impliquant les 11 patients avec le plus fort AIS [une échelle de sévérité des blessures]. »

3. « Ils étaient aussi responsables de 38 % de toutes les morsures à la tête, au cou et au visage. »

4. « Ces résultats ont une grande pertinence pour la sécurité des enfants. »

BANNISSEMENT DE RACES

Ce qu’a relayé l’Ordre

1. « Certains pays qui avaient adopté des lois interdisant certaines races ont fait marche arrière (Angleterre et la région d’Aragon, en Espagne). »

2. « Pour le Manitoba : 310 hospitalisations pour morsures avant la réglementation ; 157 hospitalisations après la réglementation. »

3. « Pour les juridictions qui bannissent les pitbulls : 84 hospitalisations pour morsures avant les lois ; 157 hospitalisations après. »

4. « Malgré ces résultats, les auteurs concluent que le bannissement des races pourrait fonctionner. »

Ce qu’il n’a pas relayé

1. L’Angleterre et l’Aragon continuent au contraire de restreindre plusieurs races de chiens. Tout comme des régions et villes de 40 pays du monde, dont plus de 700 villes américaines et toutes les bases militaires américaines.

2. Lors de récents référendums, les citoyens de Miami-Dade, en Floride, et d’Aurora, au Colorado, ont choisi de continuer à prohiber les pitbulls.

3. L’étude manitobaine montre que le taux d’hospitalisations pour morsures de chien a chuté de 27 % pour les moins de 20 ans dans les villes où les pitbulls sont bannis. L’âge médian des victimes est ainsi passé de 11 à 22 ans.

L’EXEMPLE DE CALGARY

Ce qu’a relayé l’Ordre

1. « En adoptant une approche centrée sur la responsabilisation des propriétaires et une application rigoureuse de ses règlements municipaux, Calgary a graduellement réduit de 78 % son taux d’incidents impliquant les chiens. Ce modèle mérite certainement d’être étudié de façon plus approfondie. »

Ce qu’il n’a pas relayé

1. « À Calgary en 2014, on a compté 244 morsures d’une sévérité de niveau 3 ou plus (sur 6), contre 198 en 2013. »(1)

2. « Ce n’est pas pour rien que des endroits comme Toronto ont banni [les pitbulls et les rottweilers]. J’ignore s’il faut le faire à Calgary, mais il faut en faire plus pour faire comprendre aux propriétaires ce que signifie posséder une race qui peut blesser quelqu’un », a déclaré l’an dernier le directeur du service de régulation des animaux, après une série d’attaques graves.(2)

(1) CTV News (2) Calgary Herald

IDENTIFICATION DE LA RACE

Ce qu’a relayé l’Ordre

1. « La littérature scientifique démontre et prouve la difficulté de reconnaître et de distinguer les races au moyen de l’identification visuelle. L’identification visuelle de la race, comme c’est le cas pour le pitbull, est moins précise que les tests d’ADN. »

2. Les tests génétiques sont une « méthode objective » et « précise » d’identifier une race. Et leurs résultats pourraient rendre difficilement applicables certains règlements municipaux.

Ce qu’il n’a pas relayé

1. Les auteurs d’une étude similaire à celle invoquée par l’Ordre ont dû préciser : « La sensibilité et la spécificité du profilage génétique de race est inconnue et il n’existe pas de test pour le pitbull terrier américain, ni pour les pitbulls, puisqu’il s’agit d’un phénotype et non d’une race […] Peu d’informations existent sur l’exactitude des tests d’ADN pour identifier les races d’origine de chiens croisés. ».

Source : « Inconsistent identification of pit bull-type dogs by shelter staff » ; The Veterinary Journal, novembre 2105

2. L’entreprise qui offre le test génétique utilisé, Wisdom Panel, prévient : « Vu la diversité génétique de ce groupe, Mars Veterinary ne peut pas établir un profil d’ADN capable d’identifier génétiquement tous les chiens pouvant être classés visuellement comme des pitbulls. »

3. La SPCA américaine, dans un autre refuge, a eu un résultat opposé : « Le personnel a été assez bon [pour identifier à l’œil les pitbulls]. Il a correctement identifié 96 % des chiens comme portant au moins 25 % des races ciblées. »

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