Grande entrevue Burr Smith, PDG de Broadsign

Amoureux d’une tech québécoise, il en fait un succès mondial

Burr Smith est américain. Il vit à St. Louis, au Missouri, et est responsable de la société familiale qui fait fructifier la fortune héritée de son grand-père, l’un des quatre frères Davis, fondateurs de la chaîne d’alimentation Winn-Dixie, dans le sud des États-Unis.

Contrairement à une majorité d’entrepreneurs du monde des technos qui monétisent rapidement le fruit de leur innovation, Burr Smith a investi en 2008 dans la start-up montréalaise Broadsign avant de racheter la totalité de l’entreprise en 2012.

Aujourd’hui, Broadsign contrôle 44 % des parts de marché mondiales dans l’affichage numérique extérieur. La société publie du contenu publicitaire sur plus de 160 000 écrans dans le monde, ce qui représente 360 millions de publicités par jour et 150 milliards d’impressions par mois.

Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser à Broadsign en 2008 ?

À titre de gestionnaire du portefeuille familial, j’avais déjà été pressenti pour investir dans une entreprise techno canadienne, et ce même contact m’a présenté en 2007 Broadsign, qui développait une technologie pour l’affichage numérique. L’entreprise comptait 25 employés et n’était pas rentable.

Broadsign procédait à une ronde de financement en vue de la réalisation prochaine d’un premier appel public à l’épargne (PAPE). Puis est arrivé le krach boursier de 2008 et le PAPE n’a jamais eu lieu.

Je me suis intéressé à Broadsign et je suis devenu convaincu qu’avec une meilleure utilisation des technologies, l’affichage numérique sur écran extérieur pourrait devenir, après la radio, la télé et l’internet, la prochaine avenue de la publicité.

En 2012, la société familiale a racheté toutes les actions de Broadsign, qui était devenue rentable. Les gens ont commencé à annoncer de plus en plus sur les plateformes d’affichage numérique. J’ai pris le poste de PDG en 2014 et depuis ce temps, on réinvestit chaque année tous les profits dans le développement de l’entreprise.

Comment Broadsign en est-elle à arrivée à détenir 44 % des parts de marché mondiales de l’affichage numérique extérieur ?

On développe des logiciels de programmation avec un souci constant de la satisfaction de nos clients. On n’est pas propriétaire des écrans extérieurs qui affichent les publicités dans les aéroports, les métros, les bureaux de médecin, le long des autoroutes ou à Las Vegas, mais on gère l’infrastructure qui permet l’affichage des contenus publicitaires.

On a 44 % de la gestion mondiale de ces contenus numériques extérieurs et on facture des frais mensuels à nos clients.

On est présent dans 55 pays où on fait affaire avec les réseaux d’affichage publicitaire tels que JCDecaux. On réalise 41 % de notre chiffre d’affaires en Amérique du Nord, 39 % en Europe et le reste en Amérique latine, en Australie et en Asie.

On n’a pas de concurrents qui ont une force de frappe comparable à la nôtre. Il existe plein de petits réseaux numériques qui gèrent quelques centaines d’écrans, mais rien de comparable à ce qu’on a développé.

Le siège social de Broadsign est à Montréal et c’est ici que vous réalisez tout le développement de l’entreprise. Habitez-vous ici de façon permanente ?

Non, je passe une semaine par mois avec ma famille à St. Louis et le reste du temps, je voyage pour rencontrer des clients et je passe plus d’une semaine à Montréal, où le comité de direction se réunit une fois par mois.

On a un bureau à Toronto, un à New York et on a des représentants en Europe et en Chine, mais c’est à Montréal qu’on se rencontre tous les mois pour faire le suivi des derniers développements.

C’est ici que l’on met au point nos technologies. On a une équipe de 130 personnes, mais comme toutes les autres entreprises technos montréalaises, on a de la difficulté à recruter de nouveaux talents. On a une trentaine de postes à pourvoir et on commence à regarder ailleurs au Canada et en Europe pour trouver un bassin de talents capable de nous aider.

Il n’est pas question d’aller aux États-Unis. Les politiques américaines ne soutiennent pas les entreprises technos, mais favorisent les secteurs industriels du siècle dernier.

Vous êtes entré au capital de Broadsign lorsque l’entreprise pensait réaliser un financement boursier. Est-ce que vous songez à le faire prochainement ?

Non, pas du tout. On n’a pas le goût de gérer une entreprise cotée en Bourse avec toutes les contraintes que cela implique. On génère assez de revenus pour financer tous nos projets.

Ma philosophie est simple. Combien ai-je d’argent ce matin ? Si j’en ai assez, alors j’investis tous les surplus dans le développement. On ne se verse pas de dividendes. À quoi ça servirait, il faudrait réinvestir cet argent à la Bourse alors que Broadsign prend chaque année de la valeur.

On a enregistré un taux de croissance de 30 % l’an dernier, et cette année, on se dirige vers une progression de 40 %.

Votre grand-père est l’un des fondateurs du groupe Winn-Dixie aux États-Unis, qui a été un grand groupe alimentaire avec des centaines de magasins dans le sud des États-Unis. Avez-vous conservé des liens avec l’entreprise familiale ?

Non, notre branche familiale, qui regroupe ma mère et mes quatre frères et sœurs, on a coupé tous les ponts au début des années 2000 lorsqu’on a fondé notre société familiale.

Winn-Dixie, c’était un grand groupe aux États-Unis avec des magasins dans une douzaine d’États du Sud et son siège social en Floride. Mon grand-père était un génie des affaires, c’était mon modèle, c’est lui qui m’a tout enseigné.

Mais les affaires ont mal tourné et c’est pourquoi on a liquidé nos actions avant que Winn-Dixie ne se mette sous la protection de la Loi sur les faillites en 2005.

Quels seront les prochains axes de croissance de Broadsign ?

On développe beaucoup la publicité programmatique sur écrans extérieurs. Nos logiciels permettent de cibler des lieux et des heures propices à des campagnes très précises. C’est un secteur qui va prendre de l’ampleur.

Nos équipes de développeurs travaillent aussi à d’autres applications qui pourraient être utilisées avec les écrans extérieurs, telles que les communications corporatives ou des actives précises dans le commerce au détail. On va être plus orienté vers les nouveaux contenus.

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