Notre choix

Les affaires du cœur décortiquées

La rose la plus rouge s’épanouit
Liv Strömquist
Rackham
176 pages
4 étoiles

Voilà un album ambitieux de l’autrice et bédéiste suédoise Liv Strömquist, qui nous avait offert il y a deux ans le brillant I’m Every Woman, où elle décrivait avec un humour mordant les rapports de domination de plusieurs hommes célèbres avec leurs femmes (dont Elvis et Staline). Cette fois, elle commence par une question : comment se fait-il que Leonardo DiCaprio a enchaîné des relations amoureuses avec des mannequins, sans jamais tomber amoureux d’elles ? 

Ce point de départ la mène à cette hypothèse : le sentiment amoureux est de plus en plus rare. Nous serions tous des Leonardo DiCaprio. Pourquoi ? Liv Strömquist nous livre ici les principales théories avancées par plusieurs psychologues, sociologues ou philosophes, qui ont réfléchi à la question et qu’elle cite abondamment. Il est notamment question de notre narcissisme extrême (Buyng-Chul Han), de nos choix rationnels quasiment infinis, de notre détachement émotionnel (historiquement très masculin) qui mène à l’affirmation de notre besoin irrépressible d’autonomie, ou de notre obsession à évacuer la souffrance des relations amoureuses (Eva Illouz). 

Pour illustrer ces théories qui mènent toutes, selon elle, à la rareté (ou à la disparition) de l’amour, Liv Strömquist n’hésite pas à mettre en scène une foule de personnages, de Socrate aux Schtroumpfs, en passant par Samantha (Sex and the City), le Petit Prince, Beyoncé ou la poète américaine Hilda Doolittle, auteure du poème La rose la plus rouge s’épanouit (à l’origine du titre de l’album). 

Bien que le contenu soit assez dense (le texte est aussi important que le dessin), Liv Strömquist nous propose un formidable condensé de nos comportements amoureux (contradictoires) et de nos multiples interrogations sur le sujet : peines d’amour, élans du cœur, engagement (ou fuite), polyamour, tous les thèmes sont abordés avec intelligence et humour. Un livre illustré brillant… et utile pour qui s’intéresse aux affaires du cœur.

Ce que La Presse en pense

Un Clue avec des maîtres de l’énigme

Le Detection Club
Jean Harambat
Dargaud
136 pages
3,5 étoiles

Ce Detection Club est d’abord et avant tout une foutue bonne idée. Le club existe vraiment. Il s’agit d’une association d’auteurs britanniques de romans policiers fondée à la fin des années 20. Les sept membres de cet illustre club, parmi lesquels G.K. Chesterton et Agatha Christie, reçoivent la missive d’un certain Roderick Ghyll, riche homme d’affaires qui les invite sur son île en Cornouailles. Une fois arrivés à destination, les maîtres du roman à énigmes se font présenter un automate conçu par Ghyll avec l’aide d’un ténébreux scientifique, le Dr Arno Zumtod. Ce robot doté d’une intelligence artificielle aurait la capacité d’identifier les meurtriers de leurs romans à partir d’une petite liste de mots clés. Une invention que Ghyll voudrait manufacturer. Sauf que voilà, dès la première nuit, Ghyll disparaît. Et quelques jours plus tard, on retrouve son corps. En attendant l’arrivée de la police anglaise, ce sont les auteurs eux-mêmes qui tenteront d’éclaircir l’énigme afin de découvrir qui est le responsable de la mort de Ghyll. Comme dans tout bon roman policier, des indices sont disséminés dans l’album, une très chouette lecture qui nous projette dans une sorte de jeu de Clue, mené par les auteurs du genre. On aime.

Ce que La Presse en pense

La guerre des clans

Là où nos pas nous mènent
Jérôme Bouquet
Éditions Flblb
144 pages
3,5 étoiles

Voilà un album qui sort des sentiers battus. Nous sommes en présence d’un clan d’humains à têtes d’oiseaux (Rouge-Gorge, Mésange, Canard, etc.), qui vit dans une grotte, probablement à l’ère préhistorique. Première surprise, le chef de cette bande a une tête de chat et s’appelle Svante. Son espèce a été exterminée, il s’est retrouvé seul. Ensemble, ils vivent paisiblement leur vie lorsqu’ils croisent un autre clan, à la faveur d’une aventure (sexuelle) entre Rouge-Gorge et un étranger (Cacatoès)… Bref, cette autre bande d’humains à becs, dirigée par un certain Perroquet, est plutôt à l’avenant. Sa communauté est à la recherche du Cercle noir, sorte de terre promise où l’on vit « sans crainte et sans faim ». Tout ce beau monde, tels des migrants, s’engage ainsi dans cette quête, où d’autres clans surgiront… Jérôme Bouquet nous entraîne sans difficulté, et avec humour noir, dans ce monde animalier aux prises avec des problèmes proprement humains (ou des défis pour les plus optimistes) et des guerres de clans guidées par l’appât du gain et la soif du pouvoir. Une fable divertissante, qui fait ressortir ce qu’il y a de pire chez une autre espèce dont on parle moins ici : l’humain à tête d’humain.

Ce que La Presse en pense

Atmosphère, atmosphère…

Les couloirs aériens
Étienne Davodeau, Joub et Christophe Hermenier
Futuropolis
112 pages
3 étoiles

Autre mise en abyme, menée cette fois par le talentueux Étienne Davodeau. En fait, les trois auteurs de cet album sont de vrais amis qui viennent de passer le cap de la cinquantaine. Cette année-là, l’un d’eux (Christophe Hermenier) perd sa mère, son père et son boulot. Les couloirs aériens est donc centré sur le personnage d’Yvan (alter ego de Christophe), qui échoue dans la maison de campagne de son ami Thierry (dans le Jura) avec l’espoir de se retrouver. 

Dans cet album atmosphérique empreint de nostalgie, notre Yvan n’est évidemment pas le boute-en-train qu’il a peut-être déjà été. On pourrait même l’accuser d’être un peu lourd… Mais voilà, il file un mauvais coton (comme beaucoup de cinquantenaires apparemment) et on peut facilement se projeter dans son spleen (on préfère Paul à la maison de Michel Rabagliati, amusant en comparaison). 

Heureusement, une petite histoire y est rattachée, un épisode qu’ont vécu les trois amis alors qu’ils n’avaient que 20 ans et qui ressurgit. Des réflexions aussi, pas banales, sur la vie qui passe. Un album très personnel, joliment dessiné, qui se lit avec une tasse de verveine et l’envie de macérer dans sa mélancolie.

AUTRES SORTIES

Éternel Elvis

Elvis : ombre et lumière
Kent et Patrick Mahé
Seuil/Delcourt
112 pages

On commence, bien sûr, à bien la connaître, l’histoire d’Elvis. Ses débuts à Memphis, son association avec le colonel Parker, son succès fulgurant en 1956, ses conquêtes, ses films, Priscilla, etc., mais cet album vraiment bien fouillé nous raconte tout ça sans complaisance, avec une belle clarté et des dessins inspirants. L’œuvre du chanteur français Kent (Hervé Despesse, de son vrai nom), qui s’est associé à l’auteur Patrick Mahé. Pour les fans, mais aussi pour les plus jeunes qui seraient tentés de connaître l’homme derrière le mythe.

Ce que La Presse en pense

Astérix vu par…

Générations Astérix, l’album hommage
Les Éditions Albert René
140 pages

Les 60 ans d’Astérix (et du tandem Uderzo/Goscinny) ont été riches en sorties cette année, notamment ce magnifique album graphique de Catel Muller Le roman des Goscinny, qui raconte les débuts du génial scénariste René Goscinny. Cette fois, on a droit à une libre interprétation de ses héros (Astérix et Obélix), signée par nombre de bédéistes, dont Blutch, Fabrice Tarrin, Lewis Trondheim, Bastien Vivès, Delaf, Guy Delisle, Midam, Peyo, sans oublier les nouveaux gardiens de la série Didier Conrad et Jean-Yves Ferri.

Ce que La Presse en pense

Une conclusion des Liaisons

Liaisons dangereuses 3. L’hallali des amants
Stéphane Betbeder et Djief
Glénat
64 pages

C’est la conclusion d’une série menée de main de maître par le dessinateur québécois Djief, qui a fait équipe avec le scénariste français Stéphane Betbeder pour adapter en bédé ce classique de la littérature, du cinéma et du théâtre. Une histoire de Pierre Choderlos de Laclos, qui met en scène les célèbres personnages du vicomte de Valmont et de la marquise de Merteuil dans des jeux amoureux cruels au dénouement malheureux.

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