Opinion
Bulletin scolaire

L'évaluation est aussi un outil d'apprentissage

En tant que professeures en formation initiale et continue des enseignants du primaire et du secondaire, spécialistes en évaluation des apprentissages, nous souhaitons réagir aux propos du ministre et soutenir les recommandations des membres du Conseil supérieur de l’éducation (CSE) en regard du bulletin scolaire.

Rappelons qu’au début des années 2000, le gouvernement du Québec a instauré un nouveau curriculum suivi d’une Politique en évaluation des apprentissages (2003) dans laquelle on retrouvait comme première orientation : l’évaluation en aide à l’apprentissage. Ce principe signifie concrètement que l’évaluation ne sert pas seulement à produire un résultat au terme des apprentissages, mais aussi à guider les élèves face à leurs apprentissages. Du côté de l’enseignant, celui-ci intervient dans le processus de l’élève pour réguler ses apprentissages et le mettre en situation où il peut démontrer ses apprentissages et développer ses compétences.

Cependant, dès 2007 et au moment de l’implantation des programmes par compétences au secondaire, plusieurs voix se sont élevées pour réclamer le retour aux notes chiffrées et à la moyenne de groupe, ce type de résultat étant plus lisible et compréhensible par les parents et aussi plus facile à fournir par les enseignants.

C’est ainsi qu’en 2007, puis en 2011, le bulletin unique a été instauré à la suite d’une décision politique visant à uniformiser le format et la façon de communiquer le résultat des apprentissages aux parents des élèves du primaire et du secondaire. Cela fait longtemps que les experts en évaluation savent que les notes et les résultats chiffrés sont socialement mieux acceptés que tout autre mode de communication en évaluation.

À la formation des maîtres, nous avons, depuis plusieurs années, axé notre enseignement sur l’évaluation en aide à l’apprentissage.

« Qu’est-ce que vous pouvez faire pour aider vos élèves à apprendre ? » est la question que nous posons à nos étudiants en début de session pour bien leur faire comprendre la visée de l’évaluation dans laquelle nous allons les former. Lorsque nous donnons la séance de cours portant sur le bulletin scolaire, c’est eux qui nous posent les questions : Pourquoi le bulletin scolaire ne tient-il pas compte des orientations de la Politique en évaluation ? Pourquoi faut-il mettre une note qui n’indique pas les forces et les faiblesses de l’élève ? Pourquoi tenir compte de l’ensemble des résultats si on veut savoir, à la fin, si l’élève a compris ou pas ? Est-il pertinent, valide, fiable d’évaluer des compétences en développement avec des chiffres ?

Amorcer une réflexion

Aujourd’hui, le CSE revient à la charge en mettant en lumières les lacunes de notre système en proposant, encore une fois, des façons de faire qui mériteraient au moins une réflexion. Le nouveau ministre de l’Éducation, fort de son expérience en enseignement, devrait minimalement prendre acte de ce document et tenter de faire le test de la cohérence avec les prescriptions dictées par son ministère en matière d’évaluation.

Les réformes au Québec durent près de 20 ans. Serions-nous prêts à amorcer une réflexion sur le sujet qui nous permettrait, à l’exemple de nos voisins de l’Ontario et de la Colombie-Britannique, d’entrer de plain-pied dans le monde d’aujourd’hui ?

* Signataires : André-Sébastien Aubin, professeur à l’Université du Québec à Montréal ; Anick Baribeau, professeure à l’Université de Sherbrooke ; Carla Barroso da Costa, professeure à l’Université du Québec à Montréal ; Sébastien Béland, professeur à l’Université de Montréal. Les signataires sont membres de l’Association pour le développement de la mesure et de l’évaluation en éducation – ADMEE Canada

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