congrès du parti québécois

Le congrès du Parti québécois, qui se tient en fin de semaine, risque d’être marqué par la question linguistique. Il permettra en outre d’officialiser une nouvelle présidente.

Analyse

Un moment de vérité… pour Cloutier

QUÉBEC — Tout paraît en place pour un congrès sans histoire du Parti québécois en fin de semaine. Réuni hier soir, l’exécutif du parti mettait la dernière main à la proposition de compromis, susceptible d’apaiser les militants les plus déterminés sur la question linguistique.

Hier, une question restait sans réponse toutefois. Alexandre Cloutier, ex-adversaire de Jean-François Lisée, acceptera-t-il qu’on serre la vis à des établissements d’enseignement, même anglophones ?

Pas question d’assujettir aux dispositions de la loi 101 l’admission aux études collégiales. Seulement 33 associations de circonscription sur 125 s’étaient prononcées pour cette idée, qui depuis plus de 20 ans soulève des débats passionnés chez les militants péquistes. 

L’exécutif travaille autour d’une proposition de l’Estrie, préparée par Guillaume Rousseau, membre de l’exécutif national, professeur de l’Université de Sherbrooke et candidat potentiel aux prochaines élections générales. On y ajoutera qu’un gouvernement péquiste réduirait « progressivement » le financement des cégeps anglophones pour qu’il reflète le poids démographique de cette communauté. 

Montrant son ouverture à un tel compromis, Lisée avait promis la fin d’un « bar ouvert » pour les cégeps anglophones. En 2015-2016, sur les 28 000 inscrits aux cinq collèges anglophones, 7600 avaient le français comme langue maternelle, et 9100 étaient des allophones.

Mais cela reste un passage délicat. Alexandre Cloutier, constitutionnaliste et adversaire de Jean-François Lisée lors de la course à la direction du PQ l’an dernier, a fait savoir à des proches qu’il désapprouvait une formule qui réduirait le financement de l’éducation, quel que soit le but visé.

Reste à savoir si le porte-parole du PQ en matière d’éducation osera aller au micro pour s’opposer publiquement au compromis avalisé par le chef du parti pour rallier l’aile plus radicale.

Jamais, dans deux courses à la direction du PQ, Cloutier n’a proposé qu’on coupe les vivres à un réseau d’enseignement, rappelle-t-on dans son entourage. Il ne sera pas à l’atelier où aura lieu le débat. 

Mais que fera Cloutier quand le texte sera soumis à la plénière ? C’était silence radio du côté du député de Lac-Saint-Jean. Son porte-parole Jean Briand insiste : « On n’a pas vu de texte encore. » Dans le passé, les péquistes ont eu à se prononcer sur des résolutions qui liaient le financement des hôpitaux ou des universités anglophones au poids démographique de cette communauté. Elles ont été chaque fois repoussées.

« Si Cloutier se prononce contre, je vais le descendre en flammes », prévient Marc Laviolette, ténor perpétuel de l’aile radicale du PQ. Mais d’autres péquistes chuchotent que les militants pourraient bien être d’accord avec Cloutier, s’il se manifestait. La Fédération des cégeps avait déjà dénoncé en début de semaine le virage que s’apprête à prendre le PQ.

Période difficile pour Lisée

Les dernières semaines ont été difficiles pour le chef péquiste. Il avait maladroitement lié le coût de l’accueil des migrants à la frontière à la capacité de prodiguer des bains aux aînés en centre d’accueil. 

Après avoir promis la ligne dure d’un Québec qui ferait respecter ses frontières, il avait stigmatisé les « invités de Justin Trudeau », propos réprouvés par l’ex-ministre Louise Harel, longtemps fer de lance de l’aile progressiste du PQ. 

Plus tacticien que stratège, le chef péquiste paraît naviguer à vue, optant pour la ligne du jour, même si elle n’est pas alignée sur celle de la veille. 

L’attitude n’est pas nouvelle ; après avoir approuvé publiquement la charte de son collègue Drainville, il a soutenu y avoir toujours été opposé, une fois passé dans l’opposition. Plus tard, il a attaqué son adversaire Cloutier pour sa tolérance à l’endroit des signes religieux comme la burqa, qui peut, selon lui, servir à camoufler des armes ! 

Devenu chef du PQ, il a promis de mettre de côté la question identitaire avant de revenir à la charge quelques jours plus tard avec un programme plus musclé sur cette même question. 

Sans parler de l’épisode douloureux des discussions avec Québec solidaire, son obsession pendant des mois. Cette insistance s’explique peut-être par sa crainte d’avoir une rude lutte à livrer pour conserver son siège de Rosemont, un terrain normalement fertile pour QS. 

Cette semaine, celui qui s’est engagé à ne pas faire de référendum dans un premier mandat s’il est élu sentait le besoin de rassurer l’aile orthodoxe et ramenait la souveraineté au centre de son programme.

Les militants péquistes sont passablement inquiets devant les sondages qui montrent que la Coalition avenir Québec est parvenue à se hisser en deuxième place, derrière les libéraux. Avec un coup de baguette magique, on a fait croire que les jeunes ralliaient en masse le PQ – Paul St-Pierre Plamondon a grossi artificiellement cette cohorte en haussant le seuil à 40 ans. Lisée se veut rassurant : à un an des dernières élections fédérales, Justin Trudeau traînait en troisième place, ce qui ne l’a pas empêché de l’emporter.

Appui assuré au vote

À un an des élections générales, aucun mouvement n’est en branle pour contester le leadership de Jean-François Lisée. Contrairement aux chefs précédents, Lisée n’a pas demandé à la permanence de sonder étroitement l’humeur des délégués. Pauline Marois et Bernard Landry sentaient le besoin de relancer des militants moins enthousiastes à la veille du vote de confiance. Lisée n’en a pas senti le besoin. Il devrait récolter un appui non équivoque au congrès, pour peu que cela ait encore une signification. 

Pauline Marois avait décroché un appui de 93 %, un record. Deux mois plus tard, elle faisait face à une mutinerie sans précédent dans son caucus.

Gabrielle Lemieux

Un nouveau visage à la présidence

En conférence de presse cette semaine, le chef péquiste Jean-François Lisée a laissé Gabrielle Lemieux ouvrir le bal et s’exprimer longuement. Celle qui deviendra en fin de semaine la nouvelle présidente du Parti québécois l’a fait avec l’aplomb d’un vétéran. Qui est ce nouveau visage très public de la formation souverainiste ?

Le rendez-vous a été fixé dans un café de Saint-Henri. Parce qu’on est en 2017, Gabrielle Lemieux est arrivée à l’entrevue avec sa fille de 11 mois et quelques jouets.

Pas de bébé dans la photo, précise-t-elle cependant d’emblée : le risque est trop grand qu’on lui reproche de l’instrumentaliser, dit-elle.

Quand elle a dit qu’elle était sur les rangs pour devenir présidente du Parti québécois, Monique Richard, qui l’a été de 2005 à 2008, s’est exclamée : « Le fait qu’il y ait une jeune qui décide d’assumer la présidence, c’est de ça qu’on a besoin ! »

Cette déclaration ne laisse-t-elle pas présager qu’elle pourra elle-même être instrumentalisée, qu’on exploitera à fond son image de jeune femme ou de jeune mère tant recherchée par tous les partis politiques ?

« Ça aurait été un risque si j’étais arrivée de nulle part, admet-elle, mais je suis une militante de longue date et j’ai beaucoup plus à mettre à profit que le fait d’être jeune ou d’être une femme. »

« J’ai pris ma carte de membre du PQ à 18 ans », fait-elle remarquer.

Qu’est-ce qui l’a poussée vers le militantisme si tôt ? Déjà, à la maison, avec sa mère, fédéraliste originaire des Pays-Bas, et son père, souverainiste convaincu, « ça parlait beaucoup de politique. Mais mon vrai éveil à la chose politique, je l’ai eu pendant que j’étais aux études et que Jean Charest a voulu sabrer les bourses ».

Sur les pas de Pauline Marois

En 2015, sans y avoir songé longuement, elle se lance et se présente aux élections partielles dans Saint-Henri, que Dominique Anglade remportera.

Ce que cette expérience lui a notamment appris, c’est qu’une personne qui se lance en politique doit impérativement réfléchir à l’approche qu’elle veut adopter « plutôt que de se la faire imposer ».

Et son approche, à elle – qui dit tirer son inspiration de Pauline Marois et de Véronique Hivon – n’est pas celle du poing sur la table et des formules-chocs. « Je suis d’un naturel posé, mais je suis aussi quelqu’un de passionné qui prend sa place dans les débats. »

À la présidence du PQ, celle qui est titulaire d’une maîtrise en administration publique et qui travaille en éthique au CUSM sera notamment impliquée dans la stratégie électorale, mais elle ne sera pas sur les affiches.

« J’ai une petite fille et me rendre à l’Assemblée nationale toutes les semaines, ce n’est pas la vie de famille à laquelle j’aspire. »

— Gabrielle Lemieux, prochaine présidente du PQ

Les coulisses du Parti québécois lui conviennent donc mieux à l’heure actuelle.

Ce qu’elle veut changer ? « En tout premier lieu, le statut politique du Québec. L’indépendance, c’est la raison première de mon militantisme. La deuxième raison, c’est que je veux contribuer à atteindre une plus grande égalité des chances, surtout entre les riches et les pauvres. »

« En petite enfance, en santé, on a un beau modèle québécois, mais le glissement des dernières années vers la privatisation du système de santé et la modulation des prix dans les services de garde me préoccupent. »

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