ANALYSE

L’embellie budgétaire

Le ministre québécois des Finances Carlos Leitão est devant un beau problème : comment résister à la tentation de saupoudrer les millions quand il faut faire oublier l’austérité et préparer le terrain aux élections qui viennent, alors que Québec a toutes les chances d’enregistrer un troisième surplus d’affilée après un dépôt au Fonds des générations (FG) de 2,5 milliards en 2017-2018 ?

Après huit mois cette année, Québec a déjà dégagé un surplus de 1,95 milliard, soit 179 millions de plus qu’au cours de la même période de l’exercice précédent.

Ces 179 millions coïncident avec le coût additionnel de l’abolition complète de la contribution santé à compter du 1er janvier dernier, annoncée en octobre.

Il serait fort étonnant que la période du 1er décembre au 31 mars ait pour effet de faire disparaître complètement l’excédent accumulé au cours des huit premiers mois de l’année, compte tenu de la bonne performance de l’économie.

Ainsi, selon l’Institut de la statistique du Québec, les 44 000 emplois de plus relevés au quatrième trimestre par rapport au troisième représentent la plus forte progression de l’emploi depuis le deuxième trimestre de 2002. De quoi augmenter les rentrées fiscales au chapitre de l’impôt sur les revenus des particuliers, et sans doute aussi de ceux des sociétés.

Fonds des générations et péréquation

Quant aux 2 milliards prévus en 2016-2017 pour le FG, 1,29 milliard est déjà amassé. Comme il est perçu à partir de revenus dédiés, la cible est réalisable sans compromettre un excédent à partir des autres sources de revenus. L’objectif de 2 milliards ne serait sans doute pas non plus compromis par un choc soudain et imprévisible d’ici au 31 mars.

À la fin du présent exercice, l’excédent probable qu’aura dégagé Québec sera placé dans la réserve de stabilisation. Elle est riche de 2,191 milliards, soit l’équivalent du surplus de 2015-2016, après versement de quelque 1,5 milliard au FG.

Pour 2017-2018, Québec a prévu un nouvel équilibre, après le dépôt de 2,45 milliards au FG.

Pour y parvenir, la mise à jour budgétaire d’octobre a prévu des revenus de péréquation de 10,56 milliards pour 2017-2018.

Le 19 décembre, Ottawa a plutôt annoncé que Québec pourra compter sur 11,08 milliards. Québec sera d’ailleurs l’an prochain le grand gagnant de cet exercice de redistribution auquel il a pleinement droit, tandis que l’Ontario sera la moins choyée des provinces, cette fois-ci.

Variation des paiements de péréquation 2017-2018 c. 2016-2017 (en millions)

Cet ajout d’un demi-milliard est passé inaperçu, toute l’attention ayant été portée sur l’écart entre Ottawa et les provinces quant à l’augmentation des transferts en santé.

Jouant de prudence, Québec a budgété une augmentation de 2,3 % seulement des transferts fédéraux en santé.

Québec profite aussi de ses faibles besoins financiers en 2016-2017 pour devancer son programme d’emprunts 2017-2018.

Cette année, ses besoins totalisent 13,5 milliards. Il a déjà engrangé 20,2 milliards. Québec a donc emprunté 6,69 milliards en préfinancement pour ses besoins de 15,27 milliards en 2017-2018.

Le ministre Leitão a indiqué qu’il sera guidé par la prudence dans la préparation de son prochain budget et qu’une attention particulière sera portée à l’éducation.

On doit souhaiter qu’il ne profite pas d’un surplus probable en 2016-2017 pour annoncer des dépenses populaires mais non structurantes. Mieux vaudrait grossir la réserve de stabilisation.

Il n’est pas inutile de rappeler que cette réserve avait permis d’équilibrer le budget en 2008-2009 et d’amoindrir le déficit de 2009-2010. Québec avait traversé une récession, somme toute peu violente si on la compare à ce qu’a vécu l’Ontario ou à ce que vivent à nouveau l’Alberta et Terre-Neuve-et-Labrador, deux provinces qui ne touchent pas de péréquation. Rien ne dit que la prochaine sera aussi clémente.

D’ici 2025, la probabilité d’une récession est des plus élevées. Elle signifierait plusieurs années de déficit d’affilée qu’on pourra en tout ou en partie éponger avec la réserve de stabilisation.

Le Québec a toujours pour objectif de ramener le poids de sa dette brute à 45 % de la taille de son économie en 2025. L’an dernier, son poids représentait 53,8 %.

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