L’implication de La Meute sème l’inquiétude

L’implication de membres de La Meute dans le référendum sur le cimetière musulman à Saint-Apollinaire confirme l’expansion de ce groupe souvent qualifié d’extrême droite, prévient un expert. Des craintes exagérées, rétorque le porte-parole de l’organisation, qui assure n’avoir rien contre un lieu de sépulture musulman.

L’AVIS DU CENTRE DE PRÉVENTION DE LA RADICALISATION

« On vient de franchir un cap »

La participation de membres de La Meute dans le référendum sur le cimetière musulman à Saint-Apollinaire prouve que ce groupe souvent qualifié d’extrême droite cherche à étendre son influence et à « s’immiscer dans le processus démocratique », prévient le directeur du Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence.

Herman Deparice-Okomba suit de près les activités de ce groupe citoyen, créé en 2015, qui se présente sur sa page web comme « le dernier rempart avant de voir le grand bouleversement que les islamistes tentent de créer à travers l’Occident ».

L’implication de ses membres dans le camp du Non lors du référendum de Saint-Apollinaire marque sa première incursion sur le terrain politique. Un pas qui inquiète au plus haut point le directeur.

« On vient de franchir un cap, dit M. Deparice-Okomba. Il faut peut-être le prendre au sérieux. Ces personnes commencent à s’immiscer dans notre processus démocratique. »

Le cas de La Meute se distingue d’autres groupuscules d’extrême droite qui ont foisonné au Québec, estime-t-il. Dans le passé, la propagande était diffusée de façon anonyme sur le web. Cette fois, il s’agit d’un groupe organisé, très actif sur les réseaux sociaux et doté d’une stratégie de communication efficace.

L’implication de certains membres de La Meute dans la lutte contre le cimetière musulman permet au groupe de faire d’une pierre deux coups, dit M. Deparice-Okomba. Elle consolide sa base et lui permet de se faire connaître auprès de membres potentiels.

« La Meute a toujours un positionnement extrême, de l’appel à la violence. Pour moi, aujourd’hui, elle instrumentalise des débats légitimes de société à des fins idéologiques. Elle fait ce que les agents de radicalisation ont toujours fait. »

— Herman Deparice-Okomba, directeur du Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence

Car selon lui, il ne fait aucun doute que La Meute est un groupe violent, même si ses dirigeants ont toujours affirmé vouloir lutter contre l’islam radical et non contre les musulmans en général.

M. Deparice-Okomba dit avoir été contacté par des entrepreneurs qui ont eux-mêmes été contactés par le groupe « pour leur rappeler leurs valeurs et l’importance de ne pas se faire influencer par les islamistes ». Il y voit une stratégie d’intimidation et une tentative de confondre islam et radicalisme.

« Quel est le lien entre un cimetière musulman et l’islam radical ? demande-t-il. On découvre de plus en plus leur véritable agenda, à la fois idéologique mais surtout politique. »

Couillard déçu du résultat du vote

Le premier ministre Philippe Couillard a déploré hier l’impact du vote contre un cimetière musulman à Saint-Apollinaire pour l’image du Québec, et a affirmé être déçu du résultat – comme une bonne majorité de Québécois, selon lui. Rejetant les critiques de l’absence d’intervention du gouvernement durant la campagne ayant mené au vote, le premier ministre a dit que l’« histoire n’était pas terminée » et qu’il voyait « clairement la nécessité pour le gouvernement de s’impliquer pour trouver une solution ». M. Couillard a dit croire « fondamental » que les Québécois de confession musulmane puissent avoir la garantie « pour les prochaines années » d’espaces pour enterrer leurs morts. — La Presse canadienne

LA MEUTE SE DÉFEND

« On n’est pas responsables de ce que les gens pensent qu’on fait »

La Meute nie fermement encourager la violence et minimise son rôle dans la campagne référendaire sur un cimetière musulman à Saint-Apollinaire. En fait, dit son porte-parole Sylvain Brouillette, le groupe est favorable à ce que la communauté musulmane ait un lieu pour enterrer ses morts.

« On est parfaitement conscients que la plupart des musulmans qui vivent au Québec sont parfaitement intégrés, ce sont des gens qui vivent comme nous, qui ont les mêmes valeurs que nous, dit-il. Ces gens-là, leurs morts, il faut qu’ils les enterrent quelque part. »

M. Brouillette est propriétaire d’un commerce à Saint-Apollinaire. En entrevue, il assure que les intentions attribuées à son groupe sont exagérées, tout comme son implication dans la campagne contre le cimetière musulman.

« On est responsables de ce qu’on fait, on n’est pas responsables de ce que les gens pensent qu’on fait », résume-t-il.

Il confirme que La Meute a organisé une activité au conseil municipal lorsque les détails du projet de cimetière musulman ont été dévoilés. Le groupe s’opposait à l’utilisation de fonds publics pour en faire la promotion.

L’implication du groupe a cessé en avril et elle ne s’est pas poursuivie pendant la campagne référendaire, dit M. Brouillette. Seuls quelques membres ont continué à militer au sein du camp du Non à leur initiative.

Parmi ceux-ci, on compte Sunny Létourneau, porte-parole du Comité de l’alternative citoyenne.

« On s’est tassés de là parce qu’on ne voulait pas créer de confusion. Les raisons que les gens invoquaient pour bloquer le changement de zonage, ça ne représentait pas les valeurs de La Meute. »

— Sylvain Brouillette, porte-parole de La Meute et propriétaire d’un commerce à Saint-Apollinaire

N’en déplaise au Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence, La Meute n’est pas un groupe violent, assure M. Brouillette.

« Le Centre nous accuse d’avoir manqué à l’article 318 du Code criminel et nous accuse d’avoir fait des appels au génocide, des appels aux armes, dit-il. Ça, c’est totalement de la diffamation. Il revient avec ça et dit qu’on est un groupe violent. […] Ces gens-là parlent complètement à travers leur chapeau. »

Il compte rencontrer prochainement les représentants du Centre pour mieux faire connaître La Meute, un groupe fondé en 2015 par des retraités des Forces armées canadiennes qui revendique aujourd’hui plusieurs dizaines de milliers de membres.

Sortie en règle du maire Labeaume contre La Meute

Piqué au vif par la participation de membres de La Meute dans le projet avorté de cimetière musulman à Saint-Apollinaire, le maire de Québec Régis Labeaume a effectué hier une sortie en règle contre « ce genre de milice » qu’il qualifie de « potentiellement dangereuse » et « extrêmement toxique ». Le maire n’a pas mis de gants blancs pour démontrer son opposition à ces militants « d’extrême droite ». « Ça me dégoûte de voir ça parader en ville. Dans les pays où il s’est créé des milices, ça n’a jamais été de belles histoires. Moi, je n’accepte pas ça, Idéologiquement, ça me pue au nez des groupes comme ça. Si on veut combattre l’islamisme radical, il faut le faire dans les limites de la démocratie et du droit », a dénoncé M. Labeaume. — Le Soleil

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