Vaincre la phobie du dentiste

Votre rendez-vous annuel chez le dentiste vous effraie ? Vous n’êtes pas seul. La peur du dentiste est prise de plus en plus au sérieux aux États-Unis. Psychologues et dentistes s’associent pour élaborer des psychothérapies comportementales pour vaincre cette phobie.

Au moins trois groupes de chercheurs universitaires mettent au point des programmes qui pourraient être offerts par du personnel sans formation en psychologie, comme des hygiénistes dentaires.

« Un nombre effarant de gens ne vont chez le dentiste qu’en cas d’urgence, alors qu’ils ont des assurances qui devraient leur permettre d’obtenir des soins préventifs », explique Lisa Heaton, psychologue à l’Université de Washington, qui a mis sur pied un programme de désensibilisation à la peur du dentiste conjointement avec la clinique de l’école de dentisterie de son établissement. 

« Notre psychothérapie comportementale donne aux patients des trucs de relaxation, puis les amène à apprivoiser la clinique dentaire. »

— Lisa Heaton, psychologue

« Certains ont besoin de deux rendez-vous seulement pour réussir à s’asseoir sur la chaise du dentiste sans crainte, affirme Mme Heaton. J’ai déjà eu une patiente qui n’en avait pas vu un depuis 15 ans. De plus en plus de cliniques dentaires universitaires offrent ce genre de psychothérapie. »

À l’Université Temple, à Philadelphie, le psychologue Richard Heimberg, directeur de la Clinique de l’anxiété, travaille à une psychothérapie par vidéo. Pour chaque type d’opération ou de nettoyage dentaire, le patient voit trois vidéos : le dentiste et le patient au grand-angle, puis un gros plan sur le visage du patient, enfin la perspective du patient, avec un gros plan sur le visage du dentiste et la lampe au plafond. Une récente étude publiée dans le Journal of Dental Research a montré que l’intervention d’une heure a réduit de moitié le nombre de patients qui souffraient toujours de phobie du dentiste, après un mois de suivi.

« Notre objectif est maintenant de faire une formation pour le personnel des cliniques dentaires, dit M. Heimberg. Les hygiénistes pourraient accéder aux vidéos par l’internet. Les cliniques dentaires non universitaires n’ont souvent pas accès à un psychologue. Il faudrait éventuellement faire un suivi à plus long terme, et peut-être prévoir une psychothérapie plus intensive pour les patients dont la phobie n’est pas réglée par les vidéos. »

Tant Mme Heaton que les membres de l’autre groupe de recherche sur la peur du dentiste, à l’Université de Virginie-Occidentale, veulent adapter leur psychothérapie à l’internet au moyen de vidéos, comme M. Heimberg. « Depuis les années 80, les dentistes ont fait beaucoup de progrès pour tenir compte de l’anxiété du patient, avec des techniques de relaxation, de distraction ou en autorisant le patient à écouter de la musique », dit Cameron L. Randall, un étudiant au doctorat en psychologie clinique à l’Université de Virginie-Occidentale qui travaille sur ce projet internet. 

« Les psychologues ont fait de grands pas pour traiter les patients vraiment phobiques, qui représentent de 5 à 10 % de la population, explique-t-il. Maintenant, il faut intégrer nos travaux au quotidien des cliniques. »

Au Québec, les cliniques dentaires n’ont pas souvent de liens avec des psychologues, selon Nour Karra, directrice du programme des résidents dentaires de l’Hôpital général de Montréal du Centre universitaire de santé McGill. « Je ne suis pas sûre que c’est intégré dans la formation des résidents ici, dit la Dre Karra. Les psychologues s’intéressent plus [à ces programmes] que les dentistes. »

« Cela dit, en milieu universitaire, nous sommes habitués de travailler avec des patients qui sont suivis pour une autre maladie, par exemple en oncologie, et qui ont donc déjà beaucoup d’anxiété. Et chez les dentistes en général, on sait qu’offrir l’anesthésie générale ou la sédation ne guérit pas le problème, et qu’il vaut mieux dialoguer avec le patient, l’aider à relaxer avec de la musique et en lui expliquant bien le traitement dentaire. »