Témoignage

Chère (ostie de) dépression

Tu t’es invitée dans ma vie en mai 2016. Bang ! Un coup de poing au ventre. Pow ! Un autre au cœur. Le souffle qui coupe. La douleur qui s’installe. 

Il y avait déjà quelques mois que tu préparais tes jabs et tes uppercuts, mais dans le flot de ma vie, je n’ai rien vu. Ou je ne voulais rien voir. Alors tu as frappé. Fort, mais pas assez pour me faire tomber tout de suite, juste chanceler. J’ai même pu te donner quelques coups. Comme je pensais t’avoir vaincue et que j’allais crier victoire, tu m’as donné le coup de grâce en me mettant pratiquement K.-O. au début de 2017.

L’année la plus difficile que j’ai eue à subir. À survivre.

Une longue année à avoir la sensation d’être à côté de moi, de faire du surplace, de ne plus vivre vraiment.

De ne plus me trouver bonne, de ne plus me sentir utile, d’avoir le goût de rien. Une année de deuils, de remises en question. Ne plus savoir qui j’étais, ce que je voulais, ce qui me faisait rêver et vibrer.

J’ai cru que je ne me retrouverais jamais.

(Ostie de) dépression… Tu as noirci mon ciel. Tu as caché le soleil, la lune et les étoiles. Tu m’as même enlevé l’étincelle qui caractérisait mon regard. Tu as tout fait pour me faire perdre ma route. Par chance, tu n’as pas su faire ombre à mes amis. Ces allumeurs d’étoiles filantes qui illuminaient le chemin quand j’étais dans l’obscurité la plus complète. Ils ne le savent pas tous, mais ils m’ont aidée à m’accrocher alors que j’allais perdre pied.

Maman. Une maman sédentaire qui se forçait à venir marcher le soir avec moi. Pour que je prenne l’air. Pour me remonter le moral. Maman qui a été témoin des moments où j’étais la plus vulnérable. Qui a toujours été là, même quand je ne voulais pas qu’elle sache à quel point ça n’allait pas.

Mais ô (ostie de) dépression ! Tu ne pourras pas dire que je n’ai rien fait pour me débarrasser de toi !

J’ai essayé le yoga, la méditation, les séances d’hypnose, les marches en forêt, les ateliers de croissance. J’ai assisté à des conférences, des tas de conférences. Lu des livres de développement personnel, regardé plusieurs vidéos YouTube (sur le tapping, la relaxation, etc.). J’ai modifié mon alimentation à l’aide d’une nutritionniste. Je me suis isolée ; je me suis entourée. J’ai pleuré ; j’ai ri. J’ai fait du divan. J’ai écrit, fait du coloriage et plein de passe-temps créatifs. Encore du divan. Trop de divan.

J’ai tenté de me « faire plaisir » alors que cette expression n'avait plus de résonnance en moi.

Ça, c’est sans compter le « fun » que j’ai eu avec la médication : changements de molécule ou de posologie à chaque mois… Avec eux : les épisodes de sevrage, d’effets secondaires (maux de tête, prise et perte de poids, anxiété, sommeil ou insomnie, cauchemars, faim pas faim, trop d’énergie, pas d’énergie), le tout accompagné de sautes d’humeur.

L'étincelle

Mais, dépression, ton règne tire à sa fin. Je le sais par les rayons de soleil qui ont recommencé à percer mon ciel. Par l’étincelle qui s’est rallumée dans mes yeux. Par ma hâte de retourner au travail : retrouver mes amis, mes collègues, mon employeur des 12 dernières années. Eux qui, dans un monde du travail où les problèmes de santé mentale sont encore tabous, ont respecté mon rythme de guérison alors que moi-même je trouvais que tout n’allait pas assez vite. Leurs messages. Leurs attentions. Leurs visites. Leurs appuis sentis.

Ô ! (ostie de) dépression. Je ne suis pas prête à dire que je suis reconnaissante d’avoir été sur le même ring que toi. Je suis encore sonnée de ton passage. Et franchement, je m’en serais bien passée. Mais force est d’admettre qu’en faisant le bilan de mon année passée avec toi, j’en ressors grandie, transformée, centrée et que je réalise que je suis vraiment choyée d’être si bien entourée. Vraiment.

Si une personne de mon entourage venait à souffrir de toi, je lui dirais : pendant la tempête, laisse-toi bercer par les vagues.

Ne combats pas les éléments, ne nage pas à t’épuiser. Garde simplement la tête hors de l’eau. Si tu n’y arrives pas, ose demander de l’aide. Accepte les bouées que les gens te tendront. Un jour où l’autre, le beau temps reviendra. Tout passe. Tout. Même si tu n’y crois pas, même si tu n’y crois plus.

Je dirais aux gens qui t’aiment de te le rappeler aussi souvent que possible. Et de te montrer qu’ils sont là. De te faire un câlin, un vrai, un câlin de « 3 Mississippi ». Qu’ils te répètent pourquoi tu es une personne importante pour eux. Ils ne peuvent pas vivre la douleur à ta place. Ni livrer le combat pour toi, mais qu’ils soient là pour te soutenir pendant ta bataille fera toute la différence.

Je voudrais aussi qu’ils sachent que si tu souris ou que tu ris, ce n’est pas nécessairement parce que tu vas mieux. C’est simplement que tu as envie d’oublier un peu… Ou de ne pas les inquiéter du tout.

Et je lui redirais : tout passe. Tout. Quand c’est trop dur, c’est une journée à la fois. Et s’il le faut, une heure ou même une minute à la fois.

Dépression, je te dis bye.

Si ce qui ne nous tue pas rend plus fort, à cause de toi, je vais bien devenir la future Wonder Woman de la santé mentale.

Faque décâlisse, pis reviens pas.

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