Éditorial Laura-Julie Perreault

FERMETURE DE TROIS YMCA À MONTRÉAL
Pas trop tard pour sauver les meubles

« Jeune homme, il y a un endroit où tu peux aller. J’ai dit, jeune homme, quand tu manques de blé. » Voilà la traduction de deux phrases de la célèbre chanson YMCA du groupe Village People, une ode aux portes ouvertes de cette organisation de bienfaisance qui a pignon sur rue à Montréal depuis le XIXe siècle.

Malheureusement, le 31 décembre dernier, certaines de ces portes se sont refermées brusquement sur trois communautés montréalaises.

Le centre du complexe Guy-Favreau, en plein Quartier chinois, a cessé ses activités le dernier jour de l’année 2019. Le centre sportif du Y à Hochelaga-Maisonneuve a aussi fermé ses portes. À Pointe-Saint-Charles, où le Y est propriétaire de sa bâtisse, les activités sportives sont maintenant restreintes, mais les programmes communautaires se poursuivent. En 2021, le Y compte quitter définitivement la bâtisse.

Ces interruptions et ces diminutions de services ont eu lieu malgré une mobilisation exemplaire des usagers de ces trois YMCA : pétitions arborant des milliers de noms, manifestations, rencontres avec le directeur général de l’organisme. Malgré ces efforts, les gestionnaires ont mis leur plan à exécution. Et trois communautés se sentent maintenant orphelines.

Ça, c’est la mauvaise nouvelle. Mais il y en a aussi une bonne : il n’est pas trop tard pour sauver les meubles.

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Au siège social des YMCA, à la Ville de Montréal et dans les trois communautés touchées, on croit qu’il existe des solutions pour faire revivre les trois centres communautaires et sportifs.

Et ce ne serait pas un luxe. Dans les trois cas, il n’existe pas de solution de rechange à court terme à ces endroits qui, bien plus que des gyms, sont de véritables milieux de vie où on vient tantôt pour socialiser, tantôt pour suivre un cours ou encore pour recevoir de l’aide aux devoirs.

Le Y du complexe Guy-Favreau desservait notamment la population du Quartier chinois, qui représentait quelque 30 % de la clientèle. Dans Hochelaga-Maisonneuve et à Pointe-Saint-Charles, deux quartiers où on trouve toujours d’importantes populations défavorisées, on trouve des gyms commerciaux, mais aucun avec un niveau d’accessibilité comparable au Y, notamment pour ceux qui vivent avec un handicap.

Même s’ils reconnaissent le vide qu’ils laissent derrière eux, les gestionnaires du Y disent avoir été contraints de fermer ou de réorienter leur offre pour des questions de coûts. Ils avancent que les trois centres sont déficitaires depuis longtemps et requièrent des rénovations importantes.

Il est très difficile de confirmer leurs dires en plongeant le nez dans les états financiers de l’organisation. Toutes les activités du Y – ses 10 centres communautaires, son école de langue, son camp de vacances et tous ses points de services communautaires – y sont regroupées dans un même panier. Ce qu’on peut voir cependant, si on se fie aux états financiers de l’organisation en 2018, la dernière version disponible, c’est que l’organisation n’est pas dans le rouge, loin de là. On y voit aussi que sur des revenus de près de 58 millions par année, 24,9 millions sont des subventions diverses et des dons de Centraide.

Au YMCA, on affirme que ces subventions et ces dons sont touts liés à des prestations de services – que ce soit l’hébergement de réfugiés ou des programmes pour la persévérance scolaire –, mais qu’aucune somme ne sert à éponger les déficits opérationnels des centres sportifs ou encore les rénovations de bâtiments désuets, qui s’élèvent à plus de 5 millions pour les trois installations qui viennent de connaître des compressions, selon l’organisme.

Le Y dit avoir sonné l’alarme, mais n’avoir pas reçu de réponse assez prompte de la Ville et des autres ordres de gouvernement pour l’empêcher de mettre – à regret –  un terme à certaines de ses activités. À la Ville de Montréal, où l’on se dit prêt à aider, on estime que le délai a été bien court et la cloche, pas très bruyante.

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Qu’importe qui a raison et qui a tort à ce chapitre, il reste qu’un groupe important n’a pas été mis à profit : les citoyens.

Autant les usagers que tous ceux qui tiennent aux centres du YMCA pour ce qu’ils représentent. On les a mis devant un fait accompli plutôt que de les appeler à la rescousse. « Si on nous avait avisés avant, nous aurions pu nous mobiliser. Plusieurs d’entre nous, nous avons des contacts, nous connaissons des entreprises qui peuvent aider », a dit à La Presse Marie Tellier, ex-membre du Y d’Hochelaga-Maisonneuve et du groupe alternatif YMCA. Même son de cloche à Guy-Favreau et à Pointe-Saint-Charles.

L’occasion semble donc belle pour la mairesse de Montréal d’asseoir tout ce beau monde à la même table pour trouver des solutions. Les besoins sont là et la volonté aussi. De toute évidence, ces centres communautaires où santé personnelle et bien-être communautaire se côtoient ont encore assez d’adeptes pour mériter une deuxième vie.

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