Tour de ski du Canada

Therese la magnifique

Ça ne lui a pris que quatre minutes pour décider que cette balade sur le mont Royal allait se faire en solo. Therese Johaug a subitement augmenté le tempo. Le peloton a hésité. Il était déjà trop tard : la Norvégienne a dominé, hier, la première épreuve de l’histoire de la Coupe du monde de ski de fond à avoir lieu à Montréal.

Elle a mis 30 minutes et 5 secondes pour boucler les 10,5 km, avec une minute d’avance sur sa plus proche poursuivante. En bas de la montagne, devant le Monument à George-Étienne Cartier, le journaliste norvégien John Rasmussen regardait la meilleure fondeuse du monde franchir la ligne d’arrivée : elle s’est effondrée de fatigue, a levé les bras au ciel et a lancé un cri.

« En Norvège, tout le monde connaît Therese. Elle est comme un symbole, dit ce spécialiste du ski de fond au quotidien Dagbladet. Pour nous, le ski, c’est comme votre hockey. C’est notre sport national. C’est le sport que l’on pratique, que l’on regarde et que l’on aime. Les enfants jouent au soccer ou au handball. Mais l’hiver, ils skient tous. »

Ce baptême de la Coupe du monde à Montréal s’est terminé par un triplé féminin pour la Norvège et une neuvième place pour Alex Harvey chez les hommes, un peu plus tard.

Les reporters norvégiens ont vite entouré la gagnante. De mémoire de journaliste, on ne se souvient pas d’une mêlée de presse en norvégien dans le 514 (ni dans le 450). Ils étaient bien une dizaine autour d’elle à boire ses paroles.

C’est qu’en Norvège, la saison de Therese Johaug passionne les badauds. Depuis 2005, la meilleure skieuse du monde s’appelle Marit Bjørgen, elle aussi Norvégienne. Les deux dernières saisons ont été partagées entre elle et Johaug. Mais cette année, Bjørgen a eu un enfant et a temporairement mis le ski de côté.

Johaug, 27 ans, peut donc dominer en paix. Elle mène largement le classement mondial. Elle menace même un précieux record de Bjørgen, qui avait remporté 17 victoires sur le circuit de la Coupe du monde en 2011-2012. Hier, sur les pentes montréalaises, Johaug a gagné sa 16e course de la saison. Il lui en reste six à Québec et Canmore pour essayer de dépasser la marque. Le Tour de ski du Canada est la dernière étape de la saison, et donc sa dernière chance.

« Bien sûr que je pense au record », a dit Johaug après sa victoire, dans un anglais approximatif.

Personne ne peut mieux comprendre la force pure de Johaug que celles qui se mesurent à elle. La Québécoise Cendrine Browne a fini au 49e rang hier, la deuxième performance pour une Canadienne. À 22 ans, elle est encore très jeune et fait ses premiers pas sur le circuit.

« Moi, Johaug, elle m’impressionne vraiment. C’est toute une skieuse. J’espère un jour être capable de rivaliser avec elle, dit-elle. Elle a un rythme et une puissance incroyables. »

— Cendrine Browne

« On était 12 Canadiennes au départ, alors c’est super d’être deuxième. D’avoir la chance de courir avec les meilleures, c’est formidable. »

Le vent balayait le mont Royal, alors Browne a préféré rester dans un petit groupe. « Être toute seule sur un parcours comme ça, ce n’est pas super. C’est très difficile avec le vent », dit-elle.

C’est exactement ce que Johaug a fait pendant près de 25 minutes.

Les Norvégiennes ont monopolisé le podium. Elles sont expertes du style classique. Le parcours montréalais était aussi taillé pour elles : assez long, assez abrupt et assez venteux pour refroidir les ardeurs.

« Quand c’est long et dur, c’est habituellement un avantage pour la Norvège », a résumé celle qui a fini troisième, Astrid Jacobsen.

HARVEY SATISFAIT

Alex Harvey a aussi trouvé ardus les 17,5 km sur le mont Royal. Au départ de l’épreuve masculine, le Russe Sergey Ustiugov a imposé un train d’enfer au peloton de tête. À un moment, Harvey s’est retrouvé au quatrième rang. Il a tenté de réduire l’écart qui le séparait des trois premiers, en vain.

« J’ai essayé de réduire l’écart, mais j’ai explosé. J’ai payé le prix », a-t-il dit après sa course.

Le fondeur a tout fait pour rester dans le top 10 et ainsi aller chercher de précieux points. Il a finalement terminé au neuvième rang. Grâce à ce résultat et à sa 11e place mardi au sprint de Gatineau, Harvey se réveille ce matin avec le sixième rang du Tour de ski du Canada.

« C’est une bonne opération. On ne peut pas gagner le Tour en une journée. Mais on peut clairement le perdre en une journée. Le but est donc de ne pas le perdre. »

— Alex Harvey

Finalement, Ustiugov n’a pu tenir son rang jusqu’à la fin. Ses poursuivants norvégiens ont eu raison de lui. Il a d’abord été dépassé par le vainqueur, Emil Iversen. Puis en fin de course, le malin Petter Northug a donné un coup d’éperon dans une montée pour prendre le deuxième rang. Ustiugov a fini troisième, mais il conserve sa première place au classement du Tour.

« Le plus fort [hier], c’était Ustiugov, a dit Northug, bon joueur. On peut le remercier pour le rythme de fou qu’il nous a imposé. »

Le Tour se déplace à Québec

Après Montréal et Gatineau, le Tour de ski du Canada se déplace à Québec pour deux courses. Demain, les fondeurs vont s’affronter dans un sprint en style patin. Samedi, ils disputeront une poursuite de 10 km pour les femmes et 15 km pour les hommes. Dans une poursuite, les fondeurs s’élancent à tour de rôle selon leur place au classement et leurs écarts en temps.

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