Tout le monde en parle

Un échange sain et éclairant

La nuance n’est peut-être pas très sexy. C’était pourtant une des forces du débat sur cette lettre signée par une centaine de femmes françaises, dont Catherine Deneuve, qui dénoncent les dérives du mouvement #moiaussi et appellent à la « liberté d’importuner ». Un échange sain et éclairant entre quatre femmes, qui a donné le ton à ce premier Tout le monde en parle de 2018, hier soir.

Aurélie Lanctôt, chroniqueuse à Radio-Canada et au Devoir, et Léa Clermont-Dion, animatrice et documentariste, y ont vu du mépris à l’endroit de celles qui ont choisi de dénoncer. La deuxième croit que les signataires poussent la note un peu trop loin et caricaturent les féministes. De leur côté, la sexologue Sylvie Lavallée et la présidente de l’Action Nouvelles Conjointes du Québec, Lise Bilodeau, sont plutôt d’accord avec la centaine de femmes françaises.

La plus solide du quatuor, Aurélie Lanctôt, a tenu le discours le plus percutant. Quand Sylvie Lavallée a rappelé que nous étions des êtres sexués, des objets de désir, la chroniqueuse a souligné que les gestes dénoncés n’avaient rien à voir avec ce jeu de l’amour et de la séduction, que souhaitent préserver les signataires de la lettre. 

Aurélie Lanctôt se réjouit de l’élan d’empathie à l’endroit des victimes, notamment de la part des hommes, qui prennent conscience des gestes à dénoncer.

Lise Bilodeau craint que cette déferlante de dénonciations ait des effets négatifs sur les rapports entre hommes et femmes. « Qu’est-ce que sera le ressac ? Est-ce que les hommes ne nous craindront pas ? […] Je crains qu’on tue le charme, qu’on tue le droit de rêver. » Elle déplore aussi que la présomption d’innocence soit occultée par le battage médiatique. Sylvie Lavallée croit que le mouvement #moiaussi a pu brimer certains hommes et affirme que certains de ses clients ne savent plus comment exprimer leur virilité.

Aurélie Lanctôt et Léa Clermont-Dion ont profité de leur passage pour lancer #etmaintenant, un mouvement symbolisé par un cœur jaune, pour soutenir les personnes qui ont pris la parole et pour ouvrir des pistes de solution. Un site internet, etmaintenant.net, a été mis en ligne. Par ailleurs, Léa Clermont-Dion admet qu’elle en veut à Lise Payette de lui avoir conseillé de ne pas porter plainte pour agressions sexuelles contre l’ancien journaliste Michel Venne. « Lise Payette, c’était une idole pour moi, depuis toujours », dit-elle, retenant ses larmes. Elle dit tout de même lui avoir pardonné.

Avant Hochelaga, terre des âmes, François Girard n’avait réalisé que deux films en 17 ans, donnant beaucoup dans l’opéra, notamment. Le cinéaste considère que la technologie et les réseaux sociaux nous ont éloignés de notre devoir de mémoire. « Collectivement, on est plongés dans l’obsession du présent. […] On a une myopie du futur, une amnésie du passé », déplore-t-il. Rendant hommage aux Premières Nations, François Girard considère que la crise d’Oka a laissé des plaies qui ne se sont jamais refermées. « Les Mohawks et les Amérindiens ont raison d’être fâchés. » Lui aussi avait son mot à dire sur le mouvement #moiaussi, déplorant la crucifixion rapide de certaines personnes sur la place publique, et que la justice soit « court-circuitée par les marchands de journaux ».

On a parlé de tout et de rien avec les comédiennes des Magnifiques, Geneviève Schmidt, Léane Labrèche-Dor, Julie Ringuette et Marie-Hélène Thibault. Le quatuor symbolise le « girl power », mais « on rit autant des hommes que des femmes », a affirmé Julie Ringuette pour décrire la nouvelle émission de sketches. Même si son père y jouait, Léane Labrèche-Dor considère que les sketches du Bye bye sur Éric Salvail et Gilbert Rozon manquaient de mordant et passaient à côté du mouvement #moiaussi. Elle a préféré de loin le monologue d’ouverture de Seth Meyers aux Golden Globes.

On pouvait entendre une mouche voler durant l’entrevue portant sur la condamnation du meurtrier de Joleil Campeau, trouvée morte en 1995 alors qu’elle n’avait que 9 ans. Donna Sénécal a décrit avec émotion ses derniers moments avec sa fille. Impressionnant de voir comment la science a permis d’identifier son meurtrier, grâce à des parties d’ADN retrouvées sur une cagoule, une histoire racontée dans un docufiction de Canal D, Joleil Campeau : mon histoire. Troublant aussi d’entendre la mère relater comment elle s’est adressée au meurtrier de sa fille, parvenant malgré tout à lui exprimer du respect et souhaitant qu’il puisse réparer sa vie.

« Je trouve ça débile de voir que ton show, c’est le meilleur vendeur de billets. Parce que je te suivais dans les bars à tes débuts, et c’était pas toujours très bon ! », a avoué Julie Ringuette à François Bellefeuille. Quatre cents représentations plus tard, il s’est amélioré, même si « on devient bon après 20 ans », croit-il. Bellefeuille déplore qu’il n’y ait pas eu de commentaires officiels de Juste pour rire au sujet des dénonciations qui visent Gilbert Rozon. « On ne sait pas ce qu’ils pensent », affirme l’humoriste, qui a mis son Olivier aux enchères. Vincent Guzzo l’a acheté pour 10 100 $, somme que Juste pour rire et lui-même ont égalée, pour la remettre au regroupement des CALACS. Très beau de voir et d’entendre François Bellefeuille parler de son père qui est mort après avoir souffert de schizophrénie.

Correspondant de Radio-Canada à Washington, Christian Latreille a du mal à comprendre qu’on ait laissé le journaliste Michael Wolff, auteur du livre Fire and Fury, arpenter les couloirs de la Maison-Blanche durant plus d’un an, sans s’interroger sur sa présence. À l’image de l’amateurisme du gouvernement de Donald Trump, complètement désorganisé, dit-il. Le journaliste considère qu’Hillary Clinton a mené « une très mauvaise campagne » et que c’est « une très mauvaise politicienne ». Mais les Américains ont cru que Donald Trump pourrait devenir présidentiel, « ce qui n’arrivera pas », se dit convaincu Christian Latreille, qui ne croit pas impossible une candidature d’Oprah Winfrey.

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