Budget Leitão Chronique

Québec sort 2,2 milliards pour le REM

En janvier, le rapport du BAPE dénonçait l’épais brouillard financier qui entourait le projet du train de la Caisse de dépôt et placement. Hier, d’un seul coup, le budget du Québec est venu complètement dissiper ces incertitudes.

Plusieurs aspects demeuraient nébuleux. Mise de fonds approximative du gouvernement du Québec, captation foncière complexe, contribution élevée des municipalités, etc. Désormais, finies les imprécisions, c’est Québec qui paie la facture, essentiellement. Vive les surplus !

Tout pris en compte, le gouvernement décaissera 2,2 milliards pour la construction du projet. Par la suite, il contribuera, chaque année, à l’essentiel des coûts d’exploitation additionnels qu’occasionnera le Réseau électrique métropolitain (REM) par rapport au réseau actuel. Ces coûts additionnels sont estimés à 157 millions par année, et Québec paiera 85 % de cette somme, soit 133,5 millions (1).

Nota bene : en décembre, votre humble serviteur avait estimé les coûts additionnels à 160 millions par année, un calcul qui avait été vertement dénoncé par la Caisse de dépôt.

Les municipalités seront heureuses de cette nouvelle. Ces derniers mois, cette lourde facture avait fait bondir les élus municipaux de la région de Montréal, qui jugeaient impossible de la refiler à leurs citoyens. Avec le budget, ils n’auront plus que 15 % à payer (23,5 millions).

Maintenant, comment se décortiquent les 2,2 milliards injectés au départ. D’abord, le gouvernement du Québec verse 1,28 milliard comme mise de fonds, et la même somme est demandée au fédéral (2). Cet investissement en capital donnera à chacun des gouvernements une participation de 24,5 % dans le REM, tandis que l’injection de 2,67 milliards de la Caisse lui donnera 51 %.

Le gouvernement du Québec espère obtenir un rendement de plus de 3,7 % avec cet investissement de 1,28 milliard, soit l’équivalent du coût d’emprunt de ses fonds, est-il indiqué au budget. Il empochera des dividendes dès après que la Caisse aura pu obtenir les 8 % de rendement qu’elle réclame pour tenir compte des risques et responsabilités qu’elle assume. C’est la première fois que ce rendement de 8 % est précisé (il a déjà été question de 10 %, par exemple).

Le partage des profits, intimement liés à l’achalandage, a fait l’objet de longues négociations, dont les conclusions ont été présentées dans le budget. Ainsi, à partir du moment où la Caisse aura son 8 %, les profits additionnels seront répartis selon la formule 28/36/36, soit 28 % pour la Caisse, mais 36 % pour chacun des deux gouvernements (3).

Finie la captation

Cela dit, l’injection de départ du gouvernement ne se limitera pas à 1,28 milliard, contrairement au fédéral. Québec a décidé d’assumer entièrement la facture que devaient payer les municipalités de la région de Montréal, au fil des années, avec le concept de captation de la plus-value foncière. Cette facture s’élève à 512 millions et elle ne procurera aucun rendement au gouvernement.

Au début du projet, la Caisse misait beaucoup sur ce concept, qui devait faire payer davantage les villes bénéficiaires du REM, comme Brossard. Cette formule a été abandonnée, car elle est politiquement, financièrement et légalement trop complexe. Les municipalités pourront disposer de cette marge de manœuvre foncière pour éponger d’autres aspects du projet.

Autres factures pour Québec : les actifs connexes (221 millions) qui devront être mis en place avec le REM (terminus d’autobus, bretelle d’autoroute, etc.) de même que les coûts de déplacement de certains services publics et de décontamination des sols (171 millions).

Voilà qui fait le compte des 2,2 milliards.

Précisons que les deux dernières factures ne sont pas comprises dans le coût global du projet annoncé sur la place publique, de 6,04 milliards. En revanche, en plus de l’apport de Québec, d’Ottawa et de la Caisse à l’investissement de 6,04 milliards, il faut compter sur la participation d’Hydro-Québec.

Cette société d’État contribue pour l’équivalent de 295 millions dans l’électrification du réseau et elle récupérera son investissement avec les frais d’électricité du REM à long terme.

En somme, le gouvernement du Québec contribue massivement au REM, davantage que prévu. Cet apport est toutefois indispensable et donne au REM des assises solides, qui devraient lui permettre de connaître le succès.

Il fera taire bien des critiques, d’autant plus que la Caisse a résolu, cette semaine, la question de la protection de certains territoires agricoles et les questionnements sur la capacité d’absorber la croissance d’achalandage.

Prochain élément crucial : la réception des offres des consortiums, au cours de l’été. Espérons que les gens de la Caisse ont bien fait leurs estimations et qu’on ne se dirige pas vers d’éventuels dépassements de coûts.

1) Basé sur l’année 2022-2023

2) Selon mes recherches, des sommes annuelles ont effectivement été prévues dans le dernier budget fédéral pour le REM, mais sans annonce précise.

3) Par la suite, dès que Québec aura obtenu ses 3,7 %, grâce à un boom de l’achalandage, le reste des profits sera partagé selon la participation de chacun (51/24,5/24,5).

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