Exploration spatiale

Ballet cosmique réussi pour David Saint-Jacques

L’astronaute David Saint-Jacques est devenu le premier Québécois à effectuer une sortie spatiale, hier, lors d’une mission extravéhiculaire de 6 heures et 29 minutes couronnée de succès. Retour sur un ballet cosmique qui a tenu en haleine un grand nombre de passionnés d’espace.

Environnement hostile

Bien des Québécois ont pesté, hier matin, en mettant le pied dehors pour affronter la pluie, le verglas ou la neige. À la même heure, à 400 kilomètres au-dessus de la Terre, leur compatriote David Saint-Jacques commençait sa semaine de travail en quittant le confort relatif de la Station spatiale internationale pour mettre le nez dehors pour la première fois depuis son arrivée, le 3 décembre dernier. Et il y a affronté un environnement autrement plus hostile que celui d’un hiver québécois qui s’éternise. « Quand le soleil lui frappe le visage, David est exposé à des températures de 120 degrés Celsius. Mais son dos, pendant ce temps, est à l’ombre à - 120 degrés Celsius », a expliqué Dave Williams, l’astronaute canadien qui compte le record de sorties extravéhiculaires au pays (trois sorties totalisant 17 heures). C’est sans compter l’absence d’air, le risque de se faire heurter par des microparticules et le danger de mal s’accrocher à la station et de dériver dans l’espace. Ces sorties extravéhiculaires, toujours délicates et dangereuses, sont planifiées dans les moindres détails.

Un astronaute heureux

Les plans initiaux ne prévoyaient pas de sortie extravéhiculaire pour David Saint-Jacques pendant sa mission de six mois dans la Station spatiale internationale. L’astronaute québécois, pourtant, en rêvait. « C’est peut-être la chose la plus typique du métier d’astronaute, et je pense qu’on en rêve tous », avait-il confié avant son départ. En octobre dernier, l’explosion d’une fusée Soyouz en plein vol a bouleversé le calendrier et fait en sorte que David Saint-Jacques a hérité de cette tâche. « Je lui ai parlé samedi et il était très, très excité de pouvoir sortir », a raconté l’ex-astronaute canadien Dave Williams. Un peu après 7 h 30, hier, on a vu les jambes de David Saint-Jacques émerger du sas pour gagner l’espace. Au siège social de l’Agence spatiale canadienne, à Saint-Hubert, où on diffusait les manœuvres en direct sur écran géant, les journalistes et les employés présents ont retenu leur souffle. Il fallait voir l’immense sourire qu’arborait l’astronaute en se faisant retirer son casque, 6 h 29 min plus tard, pour deviner qu’il a apprécié l’expérience. David Saint-Jacques est devenu le quatrième astronaute canadien à effectuer une sortie extravéhiculaire, après Chris Hadfield, Steve Maclean et Dave Williams.

Entre émerveillement et concentration

L’ex-astronaute Dave Williams explique que le grand défi pour David Saint-Jacques hier a été de savourer ce moment magique pendant lequel il a flotté dans l’espace sans murs ni toit autour de lui tout en restant concentré sur ses tâches. « Samedi, je lui ai dit : “Prends des moments pour regarder la Terre et prendre des photos.” C’est une vue tellement, tellement incroyable. Il faut prendre du temps pour profiter de ça, et on voit qu’il le fait. Pas beaucoup, mais il prend des 15 ou des 30 secondes pour regarder la Terre. » David Saint-Jacques avait par ailleurs devant lui une sortie décrite comme « particulièrement chargée ». De concert avec sa collègue américaine Anne McClain, il a déplacé une plaque destinée à fixer des batteries, a posé des câbles pour établir une nouvelle connexion sans fil dans la Station spatiale internationale, a installé un nouveau circuit électrique pour alimenter le bras canadien et a mis en place une plateforme extérieure qui servira à accueillir des expériences scientifiques.

Un ballet au ralenti

L’une des choses qui frappaient hier en regardant les manœuvres est l’impression qu’elles se déroulaient au ralenti. « En l’absence de résistance, les astronautes doivent bouger très lentement, sinon ils perdent le contrôle de leurs mouvements », a expliqué l’astronaute Dave Williams, qui compare la sensation à celle d’évoluer sur une patinoire. Les astronautes utilisent surtout leurs doigts pour se mouvoir. « Ça fait à peine une heure que David est dans l’espace et il a une excellente technique. Il se déplace très gracieusement », a commenté M. Williams au début de la sortie extravéhiculaire. David Saint-Jacques a travaillé étroitement avec Anne McClain, une astronaute avec laquelle il s’est entraîné pendant des années. Il a déjà confié qu’il la considérait comme sa sœur. On a vu les deux astronautes se taper dans les mains en signe de victoire (high-five) après avoir réussi une manœuvre.

Jeûne, couche et déshydratation

David Saint-Jacques n’a rien mangé pendant les six heures et demie de l’opération et avait à peine un litre d’eau à boire. « Il va revenir déshydraté et très fatigué – une fatigue autant physique qu’émotionnelle », a prédit l’ex-astronaute Dave Williams. Pour les autres besoins naturels, c’est la couche qu’il faut utiliser – une option qui, selon M. Williams, ne sert pas souvent, les astronautes faisant tout pour ne pas vivre avec cet inconfort. Selon lui, malgré une combinaison qui tempère grandement les écarts thermiques, il est possible que David Saint-Jacques ait souffert du froid ou de la chaleur pendant la sortie. « On a souvent froid aux doigts, par exemple », dit-il. « Toutes les sorties sont complexes, mais celle-ci sera particulièrement exigeante sur le plan physique parce qu’il y a plusieurs tâches et parce que les astronautes doivent se déplacer partout sur la station », a commenté Ken Podwalski, gestionnaire de programmes à l’Agence spatiale canadienne. Pour David Saint-Jacques, une telle sortie est l’aboutissement de plusieurs d’années d’entraînement. « Voir le drapeau canadien sur l’épaule de David, à l’extérieur, en train de faire cette marche spatiale historique, fait d’aujourd’hui est un jour très spécial », a dit l’ex-astronaute Dave Williams.

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