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Édition du 22 janvier 2017,
section ACTUALITÉS, écran 11
Les premiers carnavals sont l’affaire des élites, surtout anglophones, qui cherchent à attirer des touristes fortunés. « Toutes les activités sont concentrées dans la partie ouest de la ville, autour du Square Dominion (devenu Dorchester) et du mont Royal », note Martin Landry, de Montréal en histoires. Les journaux anglophones accordent une couverture étendue à l’événement, comme le montre le Canadian Illustrated News du 27 janvier 1883. Des journaux francophones, tels L’Opinion publique, La Patrie et La Presse, évoquent aussi l’événement. Dans son numéro du 18 janvier 1883, L’Opinion publique sert un avertissement aux festivaliers. « Ne nous amusons pas de façon à nuire à la réputation de notre pays à l’étranger », écrit-on.
Que serait un carnaval sans son château de glace ? Montréal a le sien, œuvre de l’architecte Alexander Cowper Hutchison. Membre fondateur de l’Ordre des architectes et futur maire de Westmount, Hutchison a entre autres dessiné les plans de l’hôtel de ville de Montréal de 1871 (avec Henri-Maurice Perreault) et du musée Redpath. Avec lui, Montréal aura ses palais de glace, illuminés à l’électricité, au cours des cinq carnavals des années 1880. Mieux encore, ses châteaux de glace sont si populaires qu’il est invité à aller construire celui du carnaval de Saint Paul (Minnesota) en 1886.
« Au carnaval de 1885, les francophones, qui avaient été laissés de côté, décident de se joindre au mouvement et d’organiser des activités dans le secteur de la place d’Armes et du Vieux-Montréal », écrit Martin Landry. Ce dernier ajoute qu’on cherche à attirer les touristes dans cette partie de la ville et à profiter des retombées économiques. Justement, le Vieux-Montréal a aussi ses « attractions », tel le Condora, monument faisant la une du journal Le monde illustré du 31 janvier 1885. « Cette étrange structure s’inspire d’une pagode bouddhiste de la vallée du Gange », écrit Sylvie Dufresne dans un article fouillé dans la revue Histoire urbaine sur les carnavals d’hiver. En 1887, un labyrinthe de glace de 600 pi est construit sur la place d’Armes.
Que fait-on au carnaval ? La liste des activités est longue ! Défilés, bals, glissoires, patin, promenades en traîneau et beaucoup de sports sont au programme. Le carnaval de 1883 donne lieu au premier championnat de hockey sur glace au Canada, avec trophée à l’appui (notre photo), lit-on sur le site du musée McCord. C’est l’équipe de l’Université McGill qui remporte le précieux trophée. Pendant ce temps, chez les francophones, le clergé tente de décourager les gens à participer aux activités pour des raisons de moralité, nous dit Martin Landry. N’est-il pas vrai que des activités réunissant les deux sexes risquent de conduire à des rapprochements…
Après 1889, le carnaval d’hiver montréalais a vécu. L’augmentation des coûts, les problèmes de financement et la concurrence de carnavals américains ont raison des organisateurs, dit-on dans une chronique Montréalité des Archives de Montréal. De nouvelles tentatives sont faites en 1909 et 1910, comme on le voit sur cette une de La Presse du samedi 13 février 1909. Une autre tentative en 1938 est aussi un échec. « Les quotidiens se moquèrent allègrement du palais de glace en le qualifiant d’“amas informe de blocs d’eau gelé”, de “pâle résidu de frigidaire” et de “honteuse rognure de banquise” », écrit Mario Robert dans Montréalité. Une autre tentative est faite en 1961, puis le carnaval revient en 1984 avec la première Fête des neiges.