Analyse

LE COUPABLE

DENVER — Quand le Canadien éprouve des difficultés et qu’il part à l’étranger, le grenouillage commence souvent à Montréal. Les tribunes téléphoniques se déchaînent, on cherche des coupables, les potins deviennent des faits...

À tort ou à raison, P.K. Subban a été la cible des critiques au cours des derniers jours. Bien plus que son jeu, c’est sa personnalité qui semble l’avoir mis sur la sellette.

« Je ne m’attends pas à moins de la part des médias, nous a-t-il dit après le match. Je m’attends désormais à tout entendre. Je m’attends à entendre des rumeurs de transactions, à des suppositions au sujet de querelles entre coéquipiers et avec les entraîneurs... Je m’attends à tout. Mais je ne me soucie pas de ce que les gens disent. »

Mais voilà : hier à Denver, c’est son jeu, et non sa personnalité, qui a mis son équipe dans l’embarras.

À peine deux minutes à faire en troisième période, et la marque est égale 2-2. Subban tente une incursion en zone adverse le long de la rampe et ne sent pas le moindre souffle d’un joueur de l’Avalanche dans son cou. « Sinon, j’aurais envoyé la rondelle en fond de territoire », a-t-il plaidé après le match.

Or, son entraîneur sait qu’au moins un point est à la portée de son équipe si elle empêche l’Avalanche de marquer pendant encore quelques instants. Il ne veut surtout pas de jeu téméraire.

Mais Subban perd pied, Mikhail Grigorenko récupère le disque et relance l’attaque qui mènera au but vainqueur de Jarome Iginla. Furieux à l’endroit de son joueur vedette, Michel Therrien n’aura même pas recours à lui durant la dernière minute de jeu alors que le CH cherche à créer l’égalité.

Dans le vestiaire, P.K. Subban n’a pas voulu porter le blâme et parlait davantage d’une malchance que d’une erreur. Son coéquipier Lars Eller n’était pas du même avis, Michel Therrien non plus, bien entendu.

C’est quand même incroyable : cette équipe incapable d’acheter une victoire contre les équipes de l’Ouest cette saison, qui rentre à Montréal avec trois revers successifs dans son sac, venait de démontrer face à l’Avalanche qu’elle entendait encore se battre pour demeurer dans la course.

Et voilà que celui qui, à gauche et à droite, venait d’être déclaré suspect numéro un dans les déboires de l’équipe – le premier marqueur de l’équipe et le joueur le plus utilisé – commettait une gaffe qui donnait raison à ceux qui le critiquent.

Ça ne s’invente pas.

« Les gens vont lancer des hypothèses, mais j’ai toujours eu une grosse cible dans le dos, nous a dit Subban. Je m’attends à ce que le jeu qui est arrivé ce soir devienne une grosse histoire. Je suis le joueur le mieux payé de cette équipe, je dis ce que je pense, et les gens ont une opinion sur moi. C’est correct. Moi, je veux juste être le meilleur joueur que je puisse être.

« Mais je comprends aussi que tous les soirs ne seront pas en notre faveur. »

COMME KANE ET SEGUIN

Subban le mauvais coéquipier. Subban la grosse tête. Subban en brouille avec le capitaine Max Pacioretty... Comme si, dans les différents milieux de travail, tout un chacun s’entendait à merveille avec tous ses collègues.

Le numéro 76, en dépit de ses frasques et de ses gestes téméraires, demeure le meilleur défenseur du Canadien. Si pépin il y a véritablement, l’équipe aurait avantage à trouver des façons pour que ça fonctionne avec lui plutôt que sans lui.

« C’est drôle, quand vient le temps de faire la distinction entre le joueur et le coéquipier, tout le monde souligne à quel point ma personnalité est différente de celle des autres, a fait remarquer Subban. Mais regardez dans les autres équipes, la situation est la même. Patrick Kane et Jonathan Toews ne sont pas le même genre de gars et ils trouvent des façons de s’entendre. Jamie Benn et Tyler Seguin à Dallas, même chose. Pourquoi est-ce différent avec moi ?

« Tout ce que je veux, c’est agir pour le mieux de l’équipe. »

Malheureusement, un geste « individualiste » – pour reprendre le terme de Michel Therrien – n’était pas le remède prescrit.

TOUT S’EFFACE

Le Tricolore vient de perdre les trois derniers matchs sur la route dans lesquels il a marqué le premier but. C’est impitoyable pour la confiance d’une équipe en ses moyens. Et il ne revendique que cinq gains en 19 matchs face aux équipes de l’Association de l’Ouest – le pire dossier de la ligue sur ce plan. Il explique en partie les précieux points qui lui manquent au tableau.

Le résultat d’hier masque plusieurs éléments positifs dans ce match, comme la soirée de travail d’Andrei Markov (24 min 48 s) et celle de Tom Gilbert (24 min 42 s), de même le rendement des jeunes Jacob De La Rose et Lucas Lessio. Et aussi le fait que, malgré l’enjeu que représentait ce match pour l’Avalanche, c’est le Tricolore qui a dicté l’allure de la rencontre par grands bouts.

Mais tout ça s’efface. Se noie dans un océan de mauvaise fortune.

Y en aura pas de faciles.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.