Québécois assassiné au Pérou

Les deux accusés passeront au moins 18 mois en prison

Un ami d’enfance de Jonathan Raymond a admis au tribunal l’avoir tué, mais il a plaidé la légitime défense.

Les deux Canadiens originaires de la Rive-Sud de Montréal qui sont soupçonnés du meurtre de Jonathan Raymond au Pérou resteront derrière les barreaux au moins 18 mois. Philippe Truchon, ami d’enfance de la victime, a avoué être l’auteur du crime, mais il a plaidé la légitime défense.

Les deux suspects portaient des gilets pare-balles lorsqu’ils ont été emmenés par les policiers devant le juge, à Yurimaguas, à quelque 1000 km au nord de Lima.

Dans une déclaration rapportée par des médias locaux péruviens et corroborée en partie par la mère de la victime, Philippe Truchon a affirmé qu’il regardait la télé avec Jonathan Raymond le soir du drame.

Son ami lui aurait « demandé plusieurs choses », avant de le frapper. « Ce n’était pas la première fois », a-t-il dit dans une déclaration.

Jonathan Raymond se serait alors levé pour se diriger vers sa chambre. « Je l’ai suivi parce qu’il y gardait deux pistolets de calibre 22 et un chargeur. Dans la chambre, je l’ai poussé et il est tombé sur le lit. J’ai pris l’arme qui était près du lit avec le chargeur et j’ai tiré », a-t-il déclaré, selon la déclaration rapportée par le journaliste Antonio Hipushima Isminio, qui a assisté à l’audience.

Les motifs du geste n’ont pas été expliqués.

Le corps en décomposition de Jonathan Raymond a été retrouvé 73 jours après sa disparition, enseveli dans un terrain vague à 12 kilomètres au sud de Yurimaguas. Les enquêteurs ont affirmé qu’il avait le crâne transpercé d’un projectile d’arme à feu. Les deux suspects ont été appréhendés après que les policiers eurent scruté l’appartement de Raymond au luminol, produit chimique qui fait apparaître les traces de sang.

Truchon, qui était le bras droit de Jonathan Raymond sur ses plantations de cacao, a admis en cour qu’il avait d’abord caché le corps dans le logement, puis l’avait déplacé la nuit suivante avec sa camionnette.

Accusé de meurtre et d’enlèvement, il a tenté de disculper complètement Nathan Deslandes, 33 ans, l’autre suspect dans cette affaire. Le juge a cependant décidé de maintenir les accusations d’enlèvement et de complicité qui pèsent sur Deslandes, lui imposant également 18 mois de détention préventive.

Les deux suspects habitent le Pérou depuis plusieurs années et détiennent la double citoyenneté canadienne et péruvienne. Tout comme Raymond, ils avaient des dossiers criminels au Québec pour des délits mineurs remontant à plusieurs années.

Amis inséparables

Philippe Truchon et Jonathan Raymond sont décrits par trois personnes qui les connaissent bien comme des amis inséparables, mais ajoutent que Jonathan exerçait un certain contrôle sur Philippe.

Jonathan Raymond avait acquis les plantations de cacao et de plantains en recrutant des investisseurs parmi ses connaissances, notamment au Québec. Dans une affiche de recrutement diffusée sur Instagram, il promettait un retour sur investissement de 85 % après 24 mois et des profits de 50 % par année sur dix ans. Sa propre mère dit avoir investi 20 000 $ dans le projet.

Ces derniers mois, il avait officiellement transféré la propriété de certaines de ses plantations à Truchon, pour des raisons qui restent floues.

Les familles des deux suspects sont actuellement en contact avec l’ambassade canadienne à Lima pour s’assurer que le reste du procès se déroule normalement. « L’ambassade ne peut pas s’immiscer dans les procédures. Elle se concentre sur les conditions de détention », indique Martine Laberge, membre de la famille de Truchon.

La mère de Raymond a de son côté entamé des démarches pour faire incinérer le corps et rapatrier ses cendres au Canada.

— Avec Mathieu Perreault, La Presse

Transports

Nouveau bras de fer entre Québec, Uber et… les jeunes libéraux

Québec — Les relations entre Québec et Uber sont à nouveau tendues. Alors que le gouvernement annonce un resserrement des règles régissant le projet pilote prolongé d’un an lui permettant d’offrir ses services dans la province, l’entreprise californienne estime que ces nouvelles mesures menacent ses activités, ce que redoutent également les jeunes libéraux.

Le ministre des Transports, Laurent Lessard, a annoncé hier qu’il obligerait désormais Uber à donner 35 heures de formation à chaque nouveau chauffeur, soit l’équivalent de ce qui est imposé aux chauffeurs de taxi actifs dans le Grand Montréal. De plus, l’entreprise devra faire vérifier les antécédents judiciaires de ses chauffeurs par les corps policiers, plutôt que par une firme externe, et imposer une inspection mécanique des véhicules qui transportent des clients tous les 12 mois. 

Selon la commission jeunesse du Parti libéral du Québec, ces nouvelles demandes exigent « à un modèle innovant d’entrer dans un carcan administratif lourd et complexe ».

« Les jeunes libéraux croient que les restrictions sévères imposées par le gouvernement auront un effet néfaste pour la réputation du Québec auprès des entreprises de technologie. Les jeunes libéraux invitent donc le ministre Lessard et les différents acteurs à retourner à la planche à dessin pour trouver une solution équitable pour tous qui saura démontrer l’ouverture du Québec à l’innovation », a-t-on dit hier par voie de communiqué. 

Pour le président de la commission jeunesse, Stéphane Stril, « on ne peut pas demander à une entreprise d’économie du partage de s’adapter aux règles de l’industrie du taxi », offrant du même souffle au ministre Laurent Lessard de s’asseoir avec lui pour trouver un terrain d’entente avec Uber.

Partira, partira pas ? 

Après l’annonce du gouvernement, hier, Uber n’a pas affirmé clairement que l’entreprise se soumettrait aux nouvelles règles imposées par Québec.

« Le ministère des Transports nous a informés [hier] de la nouvelle réglementation rétrograde qui favorise les anciennes politiques plutôt que d’intégrer les avantages des nouvelles technologies. Nous sommes extrêmement déçus de ces changements additionnels qui mettent en péril notre capacité de continuer à opérer au Québec », a pour sa part indiqué Jean-Christophe de Le Rue, porte-parole d’Uber au Québec. 

Questionné pour savoir s’il craignait que l’entreprise américaine ne quitte le Québec, le premier ministre Philippe Couillard s’est montré peu impressionné.

« Ça serait étrange, alors que ce qu’on fait, c’est d’insister sur la sécurité et la formation [des chauffeurs]. […] Si on nous demande d’autres concessions, on n’est pas dans le domaine de la réalité », a-t-il affirmé en point de presse.

« Qu’Uber prenne sa décision. On a voulu ouvrir, faire l’expérience de ce nouveau type d’économie, mais on s’attend à ce que les entreprises s’ajustent au cadre du Québec. »

Un groupe de travail réunissant le ministère des Transports, le ministère des Finances et l’industrie du taxi sera également mis sur pied pour évaluer les pertes et les impacts subis par les propriétaires de taxi avec l’arrivée d’Uber sur le marché. À titre d’exemple, selon le rapport du comité sur la modernisation de l’industrie du taxi, la valeur des permis a chuté de 38,6 % sur l’île de Montréal de janvier 2014 à juin 2017. 

Rémunération des médecins de famille

Québec contrôle à peine 5 % des hausses

QUÉBEC — Québec s’est réservé un plein contrôle sur 15 des 265 millions supplémentaires qui seront versés aux médecins de famille en trois ans. Ainsi, 95 % de l’enveloppe sera dépensée selon des priorités définies par la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ).

Comme La Presse le révélait plus tôt cette semaine, les 9500 membres de la FMOQ toucheront une augmentation moyenne de 10 % en trois ans, ce qui représente une somme récurrente de 265 millions. C’est ce que prévoit l’entente de principe conclue avec le gouvernement Couillard.

Les deux parties se sont entendues pour que 250 millions en hausses de rémunération soient dépensés selon les priorités de la FMOQ. Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) décidera à quoi seront consacrés les 15 millions restants – environ 5 % de l’enveloppe. Il a déjà tranché que 5 millions serviraient à financer davantage la garde en disponibilité.

Dans un rapport déposé à l’automne 2015, le Vérificateur général du Québec dénonçait l’effritement du pouvoir de l’État dans la rémunération médicale. Il déplorait que les accords en vigueur fassent en sorte que « le MSSS perdra, pour une part importante des versements convenus, sa capacité à orienter la manière dont les sommes à verser seront utilisées. Il perdra également sa capacité à se servir de la rémunération comme levier pour améliorer entre autres l’accessibilité et l’organisation des services médicaux ».

Pas de commentaires

L’entente de principe ne semble pas inverser la tendance. Ni le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, ni le président du Conseil du trésor, Pierre Moreau, n’ont voulu faire de commentaires, plaidant que l’accord n’avait toujours pas été ratifié par les membres de la FMOQ.

Selon les informations obtenues par La Presse, la FMOQ veut qu’une part de l’enveloppe soit consacrée à une augmentation paramétrique, donc à une hausse de rémunération identique pour tous ses membres. Une autre part servira à financer des priorités définies par le syndicat : la prise en charge de patients, les soins à domicile, la pratique en CHSLD, les services en santé mentale et l’implication de médecins dans l’administration.

La FMOQ reconnaît qu’elle a une large autonomie dans l’utilisation des sommes. Mais le ministre doit ultimement approuver les changements apportés à la grille tarifaire de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), plaide-t-elle. Il y a déjà eu des désaccords dans le passé selon le syndicat, qui se souvient d’un accrochage avec le gouvernement Marois. Mais le MSSS partage bien souvent les priorités syndicales, estime la FMOQ. Il veut lui aussi consacrer de nouvelles sommes à la pratique en CHLSD et aux soins à domicile, par exemple.

Québec a toutefois certaines priorités qui diffèrent de celles de la FMOQ. Le MSSS veut favoriser le travail en collaboration avec les infirmières praticiennes spécialisées – les fameuses « super infirmières » –, un dossier litigieux avec le corps médical.

L’entente de principe prévoit aussi le versement de 756 millions, non récurrents, aux médecins de famille de 2017 à 2023. Cette cagnotte représente des sommes que Québec leur avait accordées dans le passé mais ne leur avait pas encore versées.

Meurtre de Clémence Beaulieu-Patry

Tshilumba dit avoir fait une « bonne action »

Randy Tshilumba a assuré hier avoir fait une « bonne action » en tuant violemment Clémence Beaulieu-Patry pour « protéger » les clients du supermarché Maxi de la folie meurtrière de cette femme « dangereuse ». D’une voix froide, voire robotique, l’homme de 21 ans a raconté au jury hier que Clémence avait lancé un ultime cri à l’aide avant de mourir pour inciter ses amies à le tuer.

« Je suis gentil, pacifique », a dit Randy Tshilumba hier au second jour de son témoignage pour son procès pour meurtre prémédité. Les « troubles mentaux » de l’accusé sont au cœur de la thèse de la défense, a soutenu jeudi l’avocat Me Philippe Larochelle. « Je vous rappelle qu’il souffre d’un délire », a-t-il dit.

Hier, Randy Tshilumba n’a pas changé sa version d’un iota : Clémence et ses quatre meilleures amies cherchaient à le tuer depuis plus d’un an. Elles l’avaient même suivi jusqu’au Congo trois mois avant le meurtre, a-t-il dit. Pour sa « survie », il devait convaincre les cinq femmes de l’épargner.

Une semaine avant le meurtre, il parle avec la victime au Maxi. « Bye, fais attention à toi », lui lance Clémence Beaulieu-Patry en partant. Cette phrase banale, l’accusé l’interprète comme un grave avertissement.

Son couteau de chasse dans les poches, « comme en tout temps », Randy Tshilumba se rend au Maxi du quartier Saint-Michel pour faire la « paix » avec Clémence Beaulieu-Patry. Mais dans l’autobus, il hésite entre le Maxi ou l’hôpital pour soigner ses « problèmes de constipation ». Près du supermarché, il aperçoit une fourgonnette noire. Il comprend que Clémence et ses amies l’attendent à l’intérieur.

« J’étais terrifié »

Dans le magasin, il s’approche de Clémence. Mais une insulte a l’effet d’un déclic. « Elle m’a dit : “Pas encore toi, sale nègre.” Ça m’a vraiment surpris. Avec son index, elle m’a pointé du doigt et elle a regardé les autres clients. J’ai compris que ça voulait dire qu’elle allait prendre un gun de sa poche pour me tirer », a témoigné Randy Tshilumba. Quand Clémence crie à l’aide, il « continue à la poignarder », craignant pour sa vie. « Soulagé » par l’intervention prochaine de la police, il prend la fuite et se terre au Tim Hortons. « J’étais terrifié que Clémence et ses amies me tuent », soutient-il, même si la victime avait reçu une dizaine de coups de couteau.

Sur son téléphone, il tape le nom de la victime sur Google pour vérifier si « Clémence et ses amies ont réussi à tuer du monde ». Le lendemain du meurtre, il cherche des moyens de brûler ses vêtements ou de se débarrasser de preuves pour éviter que sa mère ne lui « confisque son couteau ».

Un an avant le meurtre, il avait d’ailleurs « supplié » sa mère de déménager « au plus vite », parce qu’il croyait que sa vie était en danger. Il a raconté hier avoir songé plusieurs fois à se suicider, dont la veille du meurtre, alors qu’il était cloîtré dans les toilettes du Maxi. Son témoignage se poursuit lundi.

Ugo Fredette transféré vers un hôpital québécois

Ugo Fredette, parti en cavale avec un enfant de 6 ans la semaine dernière et accusé du meurtre de Véronique Barbe, a été transféré vers un hôpital québécois, selon la Police provinciale de l’Ontario. La porte-parole Carolle Dionne a confirmé qu’il a été remis aux autorités québécoises hier, en fin d’après-midi. Son avocat avait indiqué la veille qu’il était sur le point d’obtenir son congé de l’hôpital, après une tentative de suicide. La Sûreté du Québec (SQ) a seulement confirmé que l’homme était dans une ambulance, mais elle ne s’est pas avancée davantage. La SQ l’interrogera par rapport à la mort d’Yvon Lacasse, cet homme de 71 ans dont les autorités ont trouvé le corps mercredi. Dans sa fuite, Ugo Fredette, 41 ans, se serait emparé du véhicule de M. Lacasse à une halte routière de Lachute. Par ailleurs, l’individu qui était considéré comme un témoin important dans cette affaire n’est finalement plus recherché par les autorités. La SQ a indiqué hier que cette personne avait été « identifiée et rencontrée » et qu’elle n’était « aucunement reliée au dossier concerné ». Le corps policier avait préalablement publié un portrait-robot d’un homme dans la quarantaine qui aurait été aperçu à Rouyn-Noranda en compagnie d’Ugo Fredette et de l’enfant. 

— La Presse canadienne

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