Grande entrevue

Souvenirs de Paul Byron

L’émotion était tangible dans le bureau de Bob Hartley en cet après-midi d’octobre, il y a un peu plus d’un an.

Paul Byron venait d’être réclamé par le Canadien au ballottage et il était pris d’un grand vertige. Tous les joueurs ne se réfugient pas dans le bureau de leur coach quand ils changent d’organisation, mais Hartley et Byron avaient tissé des liens étroits et les deux hommes ont même versé des larmes à cette occasion…

« Nous étions très proches, confiait Hartley au bout du fil, vendredi. Le Canadien était l’équipe favorite de son père, c’était une certaine consolation, mais il pensait enfin s’être trouvé un nid dans la Ligue nationale avec les Flames et il avait peur de recommencer à zéro. Je lui ai dit de croire en son talent et que j’allais parler de lui à Michel Therrien. »

Quand Therrien a appelé son vieux pote Hartley le lendemain, celui-ci n’a pas tari d’éloges à l’endroit de Byron. « S’il reste en santé, ça sera un vol incroyable… », lui a lancé Hartley au téléphone.

Mais justement, Byron n’était pas encore en santé et cette déchirure aux muscles abdominaux n’en finissait jamais de céder. On avait perdu espoir qu’il guérisse, chez les Flames.

Marc Bergevin a fait un pari et on l’a attendu plusieurs semaines à Montréal avant qu’il ne recouvre la santé.

Aujourd’hui, Byron occupe le poste d’ailier gauche au sein du premier trio du CH avec neuf points en 14 matchs et sa vitesse donne une autre dimension à la formation montréalaise.

Une mise en échec et trois blessures

Les malheurs de Paul Byron à Calgary ont commencé en février 2015 lors d’un match contre les Bruins après qu’il eut subi une violente mise en échec par-derrière.

« La même mise en échec lui a fracturé le gros orteil, foulé le poignet et déchiré des muscles dans l’abdomen, rappelle Hartley. Je pense qu’il savait que sa blessure à l’abdomen était plus sérieuse qu’on ne le croyait, mais il voulait continuer à se battre. »

« J’ai travaillé beaucoup avec lui sur la glace pendant sa convalescence parce que je croyais beaucoup en lui. Mais malgré toutes nos précautions, à son retour au jeu, l’abdomen lâchait après une période, un match. »

— Bob Hartley

On a finalement décidé de l’opérer sur le tard à la fin de la saison 2014-2015. Un autre rendez-vous à l’hôpital l’attendait en septembre pour qu’on lui retire une vis dans le poignet.

« Il n’avait presque pas patiné de l’été quand il s’est présenté au camp, raconte Hartley. Et dès le premier jour, il s’est blessé de nouveau. Ça a créé un doute dans la tête du personnel médical et de toute l’organisation. Un bon matin, Brad [Treliving, DG des Flames] est venu me voir au bureau en me disant qu’on allait soumettre Paul Byron au ballottage. Ça a été un très long 24 heures. J’espérais qu’il reste. Finalement, Montréal l’a choisi et on a découvert un géant dans un corps de petit homme. »

Pendant que Byron, 5 pieds 7 pouces et 155 livres de muscles et de ténacité faisait sa place chez le Canadien, les Flames connaissaient une saison difficile, sans gardien de premier plan et privés de joueurs d’expérience. Hartley a été congédié en mai dernier.

Sans amertume

Le départ de Hartley ne semble pas avoir changé grand-chose à la situation des Flames. L’équipe a remporté seulement cinq de ses 15 premiers matchs sous l’autorité de Glen Gulutzan.

Hartley n’est pas amer. Il défend régulièrement les Flames lors de sa chronique radiophonique au 91,9, à 17 h du lundi au jeudi.

« Je me suis toujours investi dans mes emplois, et pas seulement le coaching, dit-il. En tant qu’employé, tu dois une loyauté et un effort extrêmes à tes employeurs. J’ai noué de belles complicités avec beaucoup de joueurs. »

« Même si ça me fait mal de ne pas être là, je veux leur bien parce que j’ai travaillé étroitement avec ces jeunes-là. Mon expérience m’a permis de découvrir des Mark Giordano, des Johnny Gaudreau, des Sean Monahan, des Paul Byron. »

— Bob Hartley

En fin de saison dernière, Hartley se doutait un peu de la précarité de son emploi avec les Flames.

« Je savais qu’avec un troisième directeur général en quatre ans, les probabilités étaient bonnes que ça se termine plus tôt que tard. J’ai été déçu qu’on ne me laisse pas finir le travail que j’avais commencé, mais ça fait partie des risques du métier. »

Hartley a-t-il été victime d’un succès trop hâtif ? Dès sa troisième saison, alors que le club était en plein processus de reconstruction, les Flames, contre toute attente, ont amassé 97 points et franchi la première ronde des séries. L’an dernier, les attentes ont gonflé et les jeunes Flames n’ont pas joué à la hauteur des espérances de plusieurs.

« De nombreuses personnes m’ont dit ça. J’ai juste essayé de faire mon travail comme partout où j’ai été. Ma situation à Calgary ressemblait étrangement à celle à Atlanta. Les deux clubs étaient dans les bas-fonds quand je suis arrivé. La seule différence, c’est qu’il y avait beaucoup de jeunes espoirs de premier plan à Atlanta, les Kovalchuk, Lehtonen, Heatley, tandis que c’était la fin de l’époque Kiprusoff et Iginla à Calgary.

« Les réserves n’étaient pas remplies en fait d’espoirs chez les Flames, on savait qu’il y aurait une transition, mais on a voulu aussi faire mentir les experts. »

— Bob Hartley

Bob Hartley profite encore d’une année de contrat avec les Flames. Il peut se permettre d’être patient.

« J’ai discuté avec deux équipes de la KHL et une équipe suisse. En raison de mon contrat, je suis dans une position où je dois évaluer toutes les occasions qui s’offrent à moi et j’ai décliné les trois offres. Je suis aussi en discussion avec une quatrième équipe. J’aimerais bien diriger une équipe l’an prochain ou cette année. Je vais choisir le défi qui m’intéresse. »

Un projet qui lui tient à cœur

Bob Hartley a toujours été attaché à sa ville, Hawkesbury, en Ontario, à un jet de pierre de la frontière du Québec.

L’entraîneur a troqué les patins pour un casque de construction ces temps-ci. Il pilote avec trois partenaires d’affaires un projet de construction de logements pour retraités ou futurs retraités.

« On construit deux phases de 34 logements à Grenville pour les 55 ans et plus, avec stationnement intérieur, piscine et un quai avec accès direct au canal de Grenville qui mène à la rivière des Outaouais. La première phase est ouverte et on a déjà 29 logements sur 34 de loués. La deuxième phase est en train de se construire.

Bob Hartley espère aider avec ce projet une population qui a subi plusieurs coups durs, ces dernières décennies.

« Dans notre coin, ils ont perdu l’usine de papier, c’était les 500 ou 600 jobs les mieux payés d’Hawkesbury ; l’usine de pare-brise où j’ai travaillé a fermé il y a 10 ans, c’était devenu la meilleure industrie de la région, c’est encore 500 ou 600 jobs. Depuis 1982, la ville d’Hawkesbury a perdu 1200 des meilleurs emplois dans une ville de 10 000 habitants. Elle ne s’est jamais relevée de ça. »

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