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Un écureuil pour parler du cancer aux enfants

Que dire à son enfant lorsqu’on est atteint d’un cancer ? Quels mots utiliser ? Quand l’annoncer ? Psychologue au département d’oncologie du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), Line St-Amour accompagne depuis 14 ans des parents qui doivent procéder à ces pénibles annonces. Estimant que peu de ressources existent pour guider les parents et leurs enfants dans cette épreuve, elle planche actuellement sur la création d’un site internet spécialisé.

« Dans le cadre de ma pratique, j’offre du soutien à la famille et aux proches de gens atteints du cancer. Mais il y a quelques années, j’ai réalisé que peu d’outils s’adressaient aux enfants. Pourtant, les parents qui nous consultent nous demandent presque toujours ça en premier : comment je vais l’annoncer à mes enfants ? », explique la psychologue. Aidée du caricaturiste Marc Beaudet, Mme St-Amour a publié deux livres pour enfants ainsi qu’un livre d’accompagnement pour les parents en 2013.

Dans l’un des ouvrages, on retrouve Luron, un petit écureuil dont la mère reçoit un diagnostic de cancer. Le livre explique la maladie, parle de la désorganisation qui peut toucher la famille durant les traitements de même que des effets secondaires – comme la perte de cheveux – qui peuvent survenir.

Dans l’autre bouquin, Luron accompagne son ami Zébulon le raton laveur dont la mère meurt du cancer. Le processus de soins palliatifs est vulgarisé. « Des adultes qui ont vécu ce genre d’épreuve étant plus jeunes nous ont dit qu’ils auraient vraiment aimé avoir de tels ouvrages à l’époque », témoigne Mme St-Amour.

Pleurer en dessinant

Marc Beaudet ne le cache pas : illustrer ces livres a été très difficile pour lui sur le plan des émotions.

« Les seules fois dans ma carrière où j’ai braillé ma vie en dessinant, c’est lorsque j’ai eu à dessiner lors des attentats du 11 septembre 2011, lors des attentats à Charlie Hebdo et lorsque j’ai illustré les contes de Luron… »

— Marc Beaudet

Avec Mme St-Amour, le caricaturiste est toutefois en train de remettre ça et planche sur le lancement du site internet qui s’adressera directement aux enfants par l’entremise de Luron. « On veut rendre l’information accessible au plus grand nombre », affirme Mme St-Amour. Sur le site, des informations et des ateliers seront offerts aux enfants. Une section sera également destinée aux parents.

Mme St-Amour estime que le sujet du cancer chez les parents est « tabou ». « On ne veut pas en parler aux enfants, sauf si on est obligé », dit-elle. Mme St-Amour juge toutefois que les enfants devraient être éduqués sur ces réalités de la maladie grave et de la mort. « Avant, la religion abordait ces thèmes. Aujourd’hui, on n’a plus les modalités pour en parler. Mais les enfants sont capables de composer avec ça. Ils sont en droit de comprendre », dit-elle.

Que dire ou ne pas dire à son enfant ?

Il y a quelques années, un homme atteint d’un cancer et suivi par la psychologue Line St-Amour a dit à son enfant, pour vulgariser sa maladie, qu’une « bébite » était dans son ventre. Dans les jours suivants, le petit a souffert de maux de ventre importants. Il pensait avoir lui aussi cette « bébite ».

«Avec les enfants, le choix des mots est très important », souligne Mme St-Amour. Justement, que dire à son enfant quand on doit lui annoncer qu’on souffre du cancer ? Mme St-Amour suggère d’annoncer la nouvelle à un moment calme. « Il faut l’annoncer en présence de tous les enfants. Pour qu’il y ait cohérence dans le propos et pour favoriser la solidarité entre eux », dit-elle.

Mme St-Amour recommande aussi de nommer le mot « cancer » et d’éviter les autres termes. « Il faut dire la vérité et surtout ne pas faire comme si rien ne se passait. Les enfants sont sensibles au climat et vont enregistrer toutes sortes d’informations. La vérité est préférable », affirme Mme St-Amour. 

Et que répondre à un enfant qui demande à son parent s’il va mourir ? « S’il est capable de poser la question, il est capable de recevoir la réponse », soutient Mme St-Amour. Quand le pronostic est incertain, le parent peut indiquer qu’il y a de l’incertitude à ce sujet, mais que de bons traitements existent et que tout sera fait pour que ça se déroule bien. « Mais si le pronostic est défavorable, il faut le dire », précise Mme St-Amour.

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