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« Ça prend du monde, ça presse ! »

Le maire Régis Labeaume a souligné hier l’importance du défi de l’immigration pour sauver l’économie de Québec

La ville de Québec, « la ville blanche, judéo-chrétienne parlant français », comme la décrit son maire, a un urgent besoin d’immigrés pour pourvoir les 17 000 postes disponibles dans la région et devra donc apprendre à se métisser, a prévenu hier Régis Labeaume.

Lors d’un discours prononcé hier midi devant les membres de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, le maire Régis Labeaume a souligné l’importance du défi de l’immigration pour sauver l’économie. « Ça prend du monde, ça presse ! », a-t-il lancé avant d’ajouter : « Il faut qu’il se passe quelque chose, sinon, on va frapper le mur. »

Régis Labeaume participera aujourd’hui au Salon de l’immigration et de l’intégration qui se déroule à Montréal pour faire du recrutement. « Je viens voir les immigrants qui n’ont pas d’emploi pour les amener à Québec. C’est très clair, mon objectif. On est ici pour venir chercher des travailleurs », a expliqué le maire de Québec, précisant que le français était toutefois une condition d’embauche.

Le maire reconnaît également qu’il lui faut préparer ses concitoyens et expliquer la « démographie catastrophique ». « La ville de Québec et sa région seront définitivement appelées à se métisser dans la prochaine décennie. Si les politiciens peuvent arrêter de s’en servir pour gagner des votes, ça va nous aider », a-t-il commenté.

Lorsque le président de la Chambre de commerce, Michel Leblanc, a suggéré que l’accueil des immigrés à Québec était peut-être difficile, M. Labeaume a tranché qu’il s’agissait d’une fausse perception émanant de certains animateurs à la radio, sans toutefois les nommer. « À Québec, il y a des haut-parleurs qui sont un prisme déformant de ce que l’on pense. […] Les Québécois sont très accueillants, très tolérants. Ce sont des gens aimants. Il ne faut pas s’occuper des haut-parleurs », a-t-il affirmé.

Quant aux différents groupes associés à l’extrême droite et opposés à l’immigration très actifs à Québec, comme Atalante ou La Meute, le maire Labeaume a laissé entendre qu’il traverserait ces obstacles. « On va gagner », a-t-il tranché.

DÉJÀ À L'œUVRE

La capitale intensifie déjà ses efforts de recrutement à l’international pour combler ses besoins de main-d’œuvre en misant sur le fait français « comme une valeur ajoutée ».

« Nous ciblons principalement les bassins [de travailleurs] francophones et francophiles », souligne Line Lagacé, vice-présidente croissance des entreprises et investissements étrangers à Québec International.

Elle précise que l’organisme de promotion économique en est à sa 35e mission dans des pays étrangers depuis 10 ans. Une délégation réunissant 32 entreprises de la région s’est d’ailleurs rendue à Paris, les 28 et 29 mai.

« Nous sommes allés au Brésil, fin avril, et nous allons bientôt participer à des rencontres en Tunisie, précise la vice-présidente. En résumé, une dizaine de missions, dont trois virtuelles, seront déployées sur divers marchés prometteurs cette année. »

« Étonnamment, il y a aussi beaucoup d’Américains intéressés à s’installer à Québec. On peut même parler d’une recrudescence d’intérêt venant de leur part. Ces candidats nous disent qu’ils ont l’impression que la politique américaine pose problème. »

— Line Lagacé, vice-présidente croissance des entreprises et investissements étrangers à Québec International

ATTIRER ET INTÉGRER

Du côté de la Chambre de commerce et d’industrie de Québec, on ne cache pas que la question entourant le recrutement et l’intégration des immigrants sur le marché du travail est un enjeu majeur.

« Il faut non seulement attirer de la main-d’œuvre étrangère, relève sa PDG Julie Bédard, mais il importe aussi d’intégrer les nouveaux travailleurs et, surtout, bien les accueillir pour qu’ils demeurent dans la région. »

Elle soulève le sujet délicat touchant la « reconnaissance des diplômes » des nouveaux arrivants, et l’importance de leur « donner des mandats » à la hauteur de leurs qualifications.

« Les employeurs qui recrutent à l’étranger sont amenés à repenser leur façon de faire avec leurs nouveaux employés. Ça peut même aller jusqu’à revoir la gestion des ressources humaines, trouver des façons de fidéliser les employés immigrants pour ne pas les perdre. »

— Julie Bédard, présidente et directrice générale de la Chambre de commerce et d’industrie de Québec

En d’autres termes, la présidente croit que les entrepreneurs qui ont des besoins de main-d’œuvre à combler peuvent très bien recruter à l’étranger des employés qui vont pouvoir continuer de travailler… dans leur pays.

« Il n’est pas toujours nécessaire de les faire travailler au siège social, fait-elle valoir. Avec tous les moyens technologiques [permettant le travail à distance], il est plus facile d’être imaginatif. C’est de cette façon qu’on devient attractif. »

UN FREIN AU DÉVELOPPEMENT

Chose certaine, la région de Québec, avec un taux de chômage légèrement au-dessus des 4 %, « va très bien sur le plan économique », indique Line Lagacé. « Le défi, ajoute-t-elle, c’est de maintenir la cadence et de poursuivre sur notre lancée. Nous sommes comme un marathonien [qui est près du but à atteindre]. Nous devons maintenir la cadence ! »

Il n’en demeure pas moins, souligne de son côté Julie Bédard, que les problèmes de main-d’œuvre sont « un frein à la croissance des entreprises ».

Elle rappelle à ce propos l’intervention du premier ministre Philippe Couillard, qui a dévoilé sa Stratégie nationale sur la main-d’œuvre, il y a deux semaines. Précisons que le plan d’action sur 10 ans prévoit que les immigrants devraient constituer le second bassin le plus important de travailleurs, dans une proportion de 22 %.

FORMATION PROFESSIONNELLE ADAPTÉE

Par ailleurs, la vice-présidente de Québec International concède qu’il ne suffit pas d’attirer des travailleurs venus d’ailleurs pour pourvoir des postes d’avenir.

« Nous devons aussi former la main-d’œuvre localement, insiste-t-elle. Pour cela, il est important d’offrir aux candidats à l’emploi une formation professionnelle adaptée, entre autres dans les entreprises technologiques, comme le numérique. »

« Il y a des jeunes qui sont intéressés à évoluer dans ces secteurs de pointe et qui ont besoin d’être stimulés par des projets novateurs, ajoute-t-elle. Il faut leur faire de la place, et leur donner les moyens de se former adéquatement. »

EN CHIFFRES

19,3 % Hausse du taux d’immigration permanente depuis cinq ans

6000 Nouveaux arrivants (travailleurs spécialisés et conjoints) depuis 10 ans

Source : Québec International, avec La Presse canadienne

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