DISCRIMINATION SYSTÉMIQUE

Bonne élève, mauvaise élève

Alors que les programmes d’accès à l’égalité ne produisent que des résultats timides, sinon nuls, au Québec, la Société de transport de Montréal (STM) fait figure d’exception. En matière d’égalité en emploi, elle est citée en exemple par la Commission des droits de la personne. À l’opposé, la Sûreté du Québec, qui affiche un piètre bilan, a bien du travail à faire.

DISCRIMINATION SYSTÉMIQUE

La STM, élève modèle

La recette de la STM ?

Cela prend une volonté forte de la direction et une sensibilisation des gestionnaires. Ç’a été le cas dès 1987, à la STM (anciennement la STCUM). Le projet était porté à l’époque par la PDG Louise Roy, qui en a fait une priorité. « Elle a pris l’engagement de mettre sur pied un programme d’accès à l’égalité, avec un plan structuré, costaud et des objectifs clairs », explique Alain Brière, directeur exécutif des ressources humaines. Il y avait deux objectifs : rendre la Société de transport à l’image de la population qu’elle dessert et rendre un service exempt de discrimination.

À l’époque, il n’y avait que 3 % de femmes chauffeuses de bus. Aujourd’hui, elles sont 25 %. Pour y arriver, on a revu le processus d’embauche, sans amoindrir les exigences, de façon à surmonter les obstacles systémiques qui faisaient en sorte que les femmes ne posaient pas leur candidature.

La même chose a été faite pour attirer des candidats de minorités. « Nous allons nous-mêmes à la rencontre des groupes communautaires parce que les gens ne nous connaissent pas, n’ont pas de contacts à l’interne… Donc, nous allons nous faire connaître et expliquer quels sont nos processus d’embauche, les postes disponibles et nos exigences. »

Les compétences d’abord

Les PAE ne visent pas à donner des privilèges aux employés qui en bénéficient au détriment des candidats blancs francophones. « On n’a aucune mesure préférentielle. On ne dit pas : “Toi, tu viens de tel pays, on t’engage !”, précise Alain Brière. Les gens suivent le processus d’embauche. S’ils réussissent, ils sont embauchés de plein droit. C’est la meilleure personne, la plus qualifiée qu’on embauche. »

Qui bénéficie des PAE ?

Des candidats qui, selon de nombreuses études, se butent à de la discrimination systémique. Des gens comme David Levry, ingénieur originaire de Côte d’Ivoire. Arrivé à Montréal en 2010 avec sa famille, M. Levry a dû surmonter plusieurs obstacles pour faire reconnaître son diplôme, se mettre à niveau et décrocher un poste à la hauteur de ses compétences. Après avoir travaillé dans une manufacture et essuyé des refus d’employeurs au privé sous prétexte qu’il n’avait pas d’expérience canadienne – une excuse jugée discriminatoire par la Commission ontarienne des droits de la personne –, M. Levry était prêt à retourner en Côte d’Ivoire s’il ne trouvait pas d’emploi dans son domaine.

C’est grâce à une présentation de la STM au Centre d’appui aux communautés immigrantes (CACI) qu’il a vu la lumière au bout du tunnel. Il a finalement pu y décrocher un emploi d’ingénieur en 2013 et y est très heureux.

DISCRIMINATION SYSTÉMIQUE

La SQ, mauvaise élève

Pas une priorité

La Sûreté du Québec (SQ) fait piètre figure en matière d’égalité en emploi.

Dans un rapport publié en 2015, la Commission des droits de la personne observe que la SQ « n’a pas mis en place les mesures raisonnables pour corriger la sous-représentation des groupes visés au sein de ses effectifs policiers, ni fait de l’accès à l’égalité en emploi une priorité au cours de la première période d’implantation [du PAE] ».

Peu ou pas de progression

La croissance importante des effectifs de la SQ a légèrement bénéficié aux femmes, mais pas aux minorités visibles, aux minorités ethniques ou aux autochtones. Leur présence respective est toujours inférieure à 1 % du personnel policier.

Femmes absentes au sommet

Même si on note une augmentation du nombre de femmes policières à la SQ et au sein des cadres intermédiaires, elles continuent de briller par leur absence dans les postes de cadres supérieurs.

Minorités visibles et ethniques

Alors que la présence des minorités visibles n’a pas augmenté au sein de la SQ, celle des minorités ethniques a même diminué. On note toutefois que leur présence a doublé parmi les sergents.

Autochtones toujours sous-représentés

La Commission recommande à la SQ de « réviser ses processus d’embauche afin d’éliminer les effets de discrimination systémique » envers les autochtones.

Qu’en dit la SQ ?

Le directeur général de la SQ, Martin Prud’homme, a refusé de m’accorder une entrevue à ce sujet. La CDPDJ, qui avait demandé à la SQ de lui rendre un rapport en avril 2016, lui a accordé un délai supplémentaire jusqu’au 31 mars 2017. Des discussions ont eu lieu entre-temps pour faire avancer les choses. La CDPDJ dit qu’elle a perçu à la SQ « une volonté réelle de changement ».

« Dès la sortie du rapport, on a pris les recommandations au sérieux », dit Mélanie Dumaresq, porte-parole à la SQ. Un comité a été mis en place et un plan d’action a été élaboré. Différentes mesures ont été adoptées : taux de nomination préférentiel dans l’embauche des cadets et des recrues, présence accrue dans les foires d’emploi, agents recruteurs qui vont faire connaître la SQ, information sur les PAE à l’interne, conception d’un guide interactif sur la gestion de la diversité…

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