Spectrum Productions

Créer avec des autistes

« La raison pour laquelle je viens ici, c’est parce que je trippe sur les dessins animés. J’en ai regardé enfant et je continue à en regarder maintenant, explique Lucas Leroy, 19 ans. Comme je faisais déjà mes propres films à la maison, je me suis dit que je viendrais en faire d’autres ici avec le matériel de Dan et Liam. »

Dan et Liam, ce sont Dan Ten Veen et Liam O’Rourke, les fondateurs de Spectrum Productions qui, entre autres choses, forme des adultes atteints d’un trouble du spectre de l’autisme (TSA) à la création multimédia. « Quand un enfant naît avec un trouble du spectre de l’autisme, explique Liam O’Rourke, ça veut dire qu’il y aura un jour un adulte avec un trouble du spectre de l’autisme qui aura besoin de soutien. »

Les deux éducateurs spécialisés se sont connus à l’école À pas de géant, établissement scolaire privé qui accueille des enfants et des adolescents autistes, où ils ont travaillé. Et où ils ont constaté que peu d’occasions s’offraient aux personnes atteintes d’un TSA et qu’il y avait un fossé entre les ressources consacrées aux jeunes et celles consacrées aux adultes. « Ça n’a pas changé », constate Dan Ten Veen.

Créer des occasions

Spectrum Productions travaille avec un objectif en tête : élargir l’éventail d’emplois auxquels les adultes autistes ont accès. Dan Ten Veen et Liam O’Rourke déplorent en effet que les personnes atteintes d’un TSA sont très souvent confinées à des emplois axés sur les tâches répétitives – l’entrée de données, par exemple. « C’est une option, mais ce sont des boulots ennuyants », dit Dan Ten Veen.

« Ils ont beaucoup à dire et on ne leur donne pas l’occasion de faire entendre leur voix », poursuit-il. 

« Une des choses qu’on a vues avec presque toutes les personnes avec lesquelles on a travaillé, c’est une extraordinaire créativité et une extraordinaire façon de voir les choses. Ça valait la peine de les partager. »

— Liam O’Rourke

En plus d’un camp de jour destiné aux enfants, qui fonctionne depuis 10 ans, Spectrum Productions propose aussi des ateliers d’animation le samedi matin, un club social pour les 14 ans et plus le vendredi soir (repas, ciné, discussions) et des plages d’activités après l’école. Le Labo Créatif, lui, est destiné à offrir une formation multimédia de niveau professionnel à des jeunes de 17 ans et plus.

Lucas Leroy est de ceux qui sont inscrits au programme. Il s’agit d’une « expérience très utile » pour son avenir, juge-t-il. Le jeune homme ne manque pas de projets, en effet. Il développe déjà ses propres séries (dont l’une est baptisée Lucky Toons) et ses propres bandes dessinées (« J’ai toujours aimé dessiner », dit-il), et il caresse le rêve de les adapter en dessins animés avec le concours de Spectrum Productions.

Changer les mentalités

Dan Ten Veen estime que l’expérience acquise au studio, qui effectue des contrats professionnels, permet aux jeunes autistes d’avoir une meilleure confiance en eux et de « s’imaginer dans différents rôles » comme animateur, monteur ou encore désigner sonore. À travers Spectrum Productions, Liam O’Rourke et lui souhaitent d’ailleurs valoriser les autistes et, ultimement, contribuer à changer la perception que la société a d’eux.

« On a des gars ici qui sont prêts à travailler pour des compagnies de production, mais il faut changer la manière dont les gens voient l’autisme », estime aussi Liam O’Rourke. « Ma vie est enrichie par la vie du studio, dit Dan Ten Veen, par les idées apportées par les participants, par leurs personnalités. Je souhaite partager cette vision-là. »

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