Chronique 

J’ai tué mon père

Chaque rentrée littéraire nous réserve son lot de surprises. Sans tambour ni trompette, de jeunes auteurs créent l’étonnement avec un livre qu’on n’attendait pas. L’une des surprises de cette rentrée d’automne est sans contredit le roman S’en aller, de Francis Rose.

Cette œuvre, hautement maîtrisée pour une première expérience, aborde le sacro-saint thème de la famille. Entre une mère qui a décidé de partir (elle est mystérieusement retrouvée morte à Baie-Comeau) et un père qui lui glisse entre les doigts, un jeune homme tente de recoudre les morceaux épars de sa vie. Il tente surtout de retrouver les sentiments qui devraient souder cet improbable trio.

À la manière d’un « road novel », le narrateur nous entraîne avec lui dans le périple qu’il effectue pour récupérer le corps de sa mère. Cela se fait à coups de scènes marquantes. Très marquantes. 

L’écriture de Francis Rose se fait voir, se fait entendre (l’auteur est musicien), se fait sentir (il est souvent question d’odeurs), se fait ressentir. L’auteur aurait-il hérité de ses parents cinéastes (Micheline Lanctôt et Hubert-Yves Rose) le sens du décor et de l’ambiance ? Sans doute, car son roman est composé de tableaux puissants qui jonglent avec les émotions du lecteur et le tiennent en haleine.

Jouant sans cesse sur le flash-back, Francis Rose compose des instants d’une grande force. Je pense à celui où le narrateur et des amis se retrouvent sur le toit d’un immeuble de Brooklyn et assistent horrifiés au suicide d’un chien. Je pense aussi à celui où le personnage principal se rend au chalet de sa mère et dépèce avec rage un chevreuil retrouvé mort dans la forêt.

Les scènes les plus bouleversantes demeurent celles entre le père et le fils. Empruntant autant à la tragédie grecque qu’à l’univers freudien, ces moments sont déchirants. De la scène d’ouverture qui se déroule dans une église en passant par une traumatisante partie de pêche aux crabes jusqu’à la scène finale éminemment « dolanesque », le fils mène une douloureuse croisade pour retrouver l’amour de son père. Il mène aussi un terrible combat contre le mal intérieur qui le ronge et dont le lecteur finira par découvrir l’existence.

Durant l’un des rares gestes d’affection que le paternel aura pour son garçon, ce dernier croira entendre les mots « je t’aime ». Dans ce désir et ce fantasme de jeune homme mal aimé, il y a tout le drame du narrateur. Il y a, malheureusement, la réalité de plusieurs hommes.

Peu importe votre expérience de vie, lisez ce livre. Vous en sortirez peut-être écorché, mais assurément grandi. Vous y découvrirez aussi un auteur qu’il faut dorénavant suivre de très près.

Francis Rose sera en séance de dédicaces au Salon du livre de Montréal aujourd’hui à 13 h au stand de Leméac

S’en aller

Francis Rose

Leméac, 199 pages

Tout le monde en scène !

Alors qu’un joyau patrimonial de Montréal est parti en fumée jeudi (un incendie a rasé l’édifice Robillard qui a abrité le premier cinéma du Canada), voilà que paraît un livre composé de photos d’archives sur l’histoire du divertissement au Québec. Des premiers cirques venus chez nous au XIXe siècle jusqu’aux théâtres qui accueillaient les spectacles de vaudeville ou de burlesque, l’album En scène ! 1865-1970 nous montre à quel point le monde du spectacle québécois est né sous diverses influences.

L’histoire du divertissement au Québec n’a pas le lustre des grandes villes d’Europe. C’est notre envie de l’émerveillement et du rêve qui a bâti cette industrie. Les textes et documents photographiques fascinants présentés dans ce livre illustrent bien le côté parfois « broche à foin » des débuts de notre show-business. Un cadeau de Noël idéal pour celui ou celle qui s’intéresse à l’histoire du spectacle.

En scène ! 1865-1979

Frédéric Kantorowski

Éditions du Québec, 205 pages

Les politiciens et les livres

Le Salon du livre de Montréal bat son plein. J’ai le plaisir d’animer aujourd’hui une table ronde sur le thème « Nos politiciens parlent de littérature » en compagnie de Dominique Anglade, Alexandre Boulerice, Amir Khadir et Réal Ménard. Venez nous entendre ! Nous ferons cela de 15 h 30 à 16 h 30, à la Grande Place.

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