ATTENTION CHIENS MÉCHANTS
Des pitbulls, comme des armes à feu
La Presse
Des narines déchirées. Des paupières arrachées. Des semaines d’école ratées. Des jeunes qui n’osent plus se montrer en public sans porter un masque.
De tous les chiens agressifs, les pitbulls font en moyenne les pires ravages, observe année après année le chef de la chirurgie plastique à l’hôpital Sainte-Justine.
Pour le D
Daniel Borsuk, qui a reconstruit le visage de Vanessa Biron, les crocs de ces molosses peuvent infliger l’équivalent des blessures par balle, voire des morsures d’ours. Ce qui explique pourquoi certains de ses confrères traitent carrément ces bêtes de « requins terrestres ».« Quand les pitbulls mordent le centre du visage – le nez, la bouche, la joue ou les paupières – et qu’ils arrachent complètement les tissus, on ne peut les remettre à leur place. »
— Le D
Daniel BorsukÀ Cincinnati, un chirurgien pédiatrique indigné a pris la peine d’alerter le public en 2014. « Une nuit, j’ai vu un enfant saigner à mort sur la table d’opération, parce qu’un chien lui avait arraché la gorge. Je répare actuellement un enfant dont la moitié du visage a été déchirée jusqu’à l’os », expose la lettre ouverte du D
David A. Billmire.« Dans tous les cas, le chien en cause est un pitbull ou un mélange de pitbull », précise l’Américain.
À Montréal, le D
Borsuk voit d’autres atrocités. Et le cas de Vanessa n’est même pas le plus terrible, assure-t-il.Trois études médicales américaines publiées l’an dernier le confirment. Les pitbulls chargent plus souvent sans avoir été provoqués et infligent des blessures plus catastrophiques (voir plus bas).
En 1989, déjà, le prestigieux
sonnait l’alarme, rapportant que les pitbulls tuent près de trois fois plus que les bergers allemands (1). Des chercheurs texans ont ensuite conclu que le risque d’être tué par un pitbull était 2500 fois plus élevé que celui d’être tué par un labrador (2). À leurs yeux, la loi devrait donc traiter ces molosses de la même manière que d’autres espèces dangereuses, comme les léopards.Sur le terrain, à Montréal, le patrouilleur canin Gilbert Trahan croit qu’on fait fausse route en ciblant un type de chien. « Le seul chien qui ne mordra jamais est en peluche », ironise l’employé de l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, qui a déjà vu des caniches et des chihuahuas féroces.
Les études présentées ci-dessus font en effet état d’agressions commises par plus de 20 autres races – essentiellement des molosses (rottweilers, mastiffs, cane corso, parfois boxers), des bergers allemands, des chiens nordiques et quelques retrievers.
On voit aussi des cas de petits chiens qui ont mordu au visage de très jeunes enfants les ayant dérangés, rapporte le D
Mirko Gilardino, qui dirige l’unité de chirurgie cervicofaciale à l’Hôpital de Montréal pour enfants.Vrai, les petits chiens n’ont pas la force requise pour faire autant de dommages qu’un pitbull, nuance-t-il. « Mais les blessures les plus graves que j’ai vues ont été causées par un husky affamé. Il avait arraché la moitié du visage d’un petit Inuit qui était entré dans son enclos. »
« L’été dernier, un de nos patients avait été mordu par un golden, renchérit le D
Borsuk. Tu ne peux pas dire que tous les autres chiens sont gentils et que tous les pitbulls sont horribles. Certains sont excellents. »1. « Dog-Bite Related Fatalities From 1979 through 1988 »,
, 19892. « Mortality, Mauling, and Maiming by Vicious Dogs »,
, 2011LISEZ LES TROIS ÉTUDES DE 2015 ( EN ANGLAIS )
EN CHOC POST-TRAUMATIQUE
Plus de la moitié des enfants mordus par des chiens ont encore des symptômes de choc post-traumatique des mois après l’agression (1).
« Leur terreur est incroyable, puisque leur vie a été menacée de façon primitive. Certains se retrouvent dans le même état que les enfants que j’ai vus en Haïti après le séisme », expose la psychologue clinicienne Sandra Rafman, chercheuse à l’UQAM et auteure de publications sur les traumatismes.
Quand le chien appartient à un ami ou à un membre de la famille – qui décide de garder l’animal –, la blessure s’intensifie. « C’est comme une trahison. L’enfant comprend que la vie du chien passe avant la sienne ; ça bouleverse toute sa notion du bien et du mal », prévient la psychologue, en repensant à deux jumeaux de 5 ans, suivis jadis à l’Hôpital de Montréal pour enfants.
Le garçon avait failli mourir sous les crocs des deux molosses d’un proche parent, devant les yeux de sa sœur impuissante. Le souvenir de l’attaque était si intolérable que la fillette implorait la psychologue d’effacer ses notes et barbouillait ses propres dessins. « Elle me demandait toujours : Vérifie s’ils ont tué les chiens, prends de bonnes jumelles pour aller voir », raconte la D
Rafman.L’enfant soupçonnait qu’une des deux bêtes vivait toujours à quelques portes de chez elle. Elle ne croyait pas les adultes autour d’elle. Et elle avait raison.
— Marie-Claude Malboeuf,
1. « Posttraumatic stress disorder after dog bites in children »
2004