Sécurité dans les hôpitaux 

Les agents réclament plus de formations et de ressources

Le suicide d’une dame, la démence d’un patient tentant constamment de fuguer, la présence marquée de personnes fortement intoxiquées. Les agents de sécurité dans les hôpitaux sont appelés quotidiennement à intervenir dans des situations particulièrement ardues. Or, des agents déplorent un manque d’accès à des formations qu’ils jugent pourtant centrales pour effectuer leur travail adéquatement, surtout en milieu psychiatrique et aux urgences. 

« Les agents sont parfois garrochés sur le terrain », affirme Marc-Antoine St-Pierre, qui travaille au Pavillon Albert-Prévost, l’unité de santé mentale de l’hôpital du Sacré-Cœur. Il dénonce une situation de stress psychologique telle que des collègues ont quitté leur emploi après à peine trois jours.

« On ne sait pas comment on va sortir psychologiquement et physiquement [de nos journées] », affirme de son côté Pierre-Charles Guindon, agent au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM). Ancien agent dans le milieu événementiel, il a « appris sur le tas » comment intervenir en milieu hospitalier. 

Des restrictions budgétaires relégueraient au second plan l’importance de la formation du personnel de sécurité en milieu hospitalier, croit Patrick Pellerin, président du Syndicat des Métallos pour le Québec. La gestion de la sécurité des hôpitaux est « laissée au bon vouloir des directeurs de centres hospitaliers », explique-t-il. Il décrit une situation dans laquelle les hôpitaux attribuent des contrats de sécurité aux plus bas soumissionnaires sans égard à l’allocation de fonds spécifiques à la formation. 

« Le contrat est alloué au plus bas soumissionnaire conforme aux exigences [de la Loi sur les contrats des organismes publics] », précise Marie-Claude Lacasse, relationniste au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).

« Pas de lignes directrices »

Outre l’obtention d’un permis de travail, ainsi que quelques heures de familiarisation avec les lieux, aucune formation obligatoire n’est spécifique au milieu de la santé. « Le MSSS n’a pas de lignes directrices uniformes », souligne Marie-Claude Lacasse. C’est aux établissements de gérer eux-mêmes la formation de ceux qu’ils emploient, ajoute-t-elle.

Pour les agents sur le terrain, les risques sont principalement liés à l’instabilité des personnes présentes et à la grande accessibilité des lieux. 

« On travaille avec les multipoqués de la vie. Si quelqu’un veut frapper, on ne peut pas faire grand-chose. »

— Michel Marceau, agent de sécurité 

Michel Marceau a travaillé quelques mois à l’Hôpital général de Montréal, où l’on rapportait d’ailleurs récemment un climat d’insécurité ressenti par le personnel hospitalier ainsi que la présence de gangs de rue.

Les agents de sécurité ont les mêmes droits que tout civil et ne peuvent utiliser la force que dans des cas de légitime défense, où leur intégrité physique ou celle d’un autre est compromise. Ils ne possèdent généralement aucun outil de répression supplémentaire. 

Apprendre la pacification

Une formation existe pourtant afin de préparer les intervenants à agir auprès de patients agressifs, mais celle-ci n’est pas obligatoire. Nommée Oméga, elle a fait l’objet de rapports positifs, notamment lorsqu’elle a été prodiguée aux employés de l’Institut de la santé mentale de Montréal. 

« C’est censé être tous les employés qui l’ont eue, Oméga, mais il y a tellement de roulement que parfois, c’est juste le quart des employés qui ont la formation », explique Marc-Antoine St-Pierre, qui a plus de sept ans d’expérience. 

« Oméga, ça coûte cher, mais ça devrait être obligatoire ! », explique Isabelle Bouvier, qui a été agente de sécurité à la Cité de la santé et à l’hôpital de Saint-Jérôme.

La formation, donnée par l’Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail du secteur affaires sociales (ASSTSAS), coûte entre 10 000 $ et 15 000 $ environ pour qu’un duo de formateurs soit accrédité. Ces deux personnes pourront, à leur tour, donner les enseignements à l’ensemble de leurs collègues. Des personnes accréditées pour donner Oméga sont présentes dans 25 des 34 centres hospitaliers du Québec, soutient l’ASSTSAS. Un nombre trop peu élevé, jugent les agents rencontrés. 

« Il y a des agents qui ne sont pas formés du tout. »

— Patrick Pellerin, président du Syndicat des Métallos

M. Pellerin estime que la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) devrait se pencher sur ce dossier. 

« Aucun moyen ne peut être imposé par les inspecteurs aux employeurs », répond Alexandre Bougie, porte-parole de CNESST. Il précise que la CNESST peut se prononcer sur la présence d’un risque et suggérer des pistes de solution.

GardaWorld et les Commissionnaires du Québec, les deux principales agences de sécurité embauchées dans les hôpitaux du Québec, se dédouanent des responsabilités liées à l’apprentissage. Les formations comme Oméga doivent être faites à la demande de l’hôpital, explique Cedric Dyevre, directeur des comptes au bureau de GardaWorld à Montréal. « C’est vraiment selon les demandes des clients [les hôpitaux] », ajoute Sylvain Lacaille, des Commissionnaires du Québec.

Présence sur le terrain 

Outre les enjeux de formation, des problèmes de conformité liés à l’équipement fourni sont rapportés par des agents sur le terrain. « Il n’y a aucune ligne qui a été tracée par le gouvernement sur l’équipement et la formation », affirme M. Pellerin, du Syndicat des Métallos. 

Les heures et le nombre d’agents sur le terrain sont également montrés du doigt par des agents. « On était trois agents, maintenant on est seulement deux. Sur les heures de dîner, on se retrouve seul », explique M. St-Pierre, agent au Pavillon Albert-Prévost de l’hôpital du Sacré-Cœur. Depuis trois ans, le budget en sécurité de cet hôpital stagne. C’est le cas pour plusieurs centres hospitaliers de la région métropolitaine.

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