Opinion Boucar Diouf

Tony ou Tout nu Clement 

Pour aborder l’histoire de ce député conservateur qui récolte la tempête, parce qu’il a semé sa graine à tout vent, l’Africain et biologiste en moi a envie de vous raconter une histoire mélangeant rhinocéros et médias sociaux.

Les rhinocéros blancs utilisent leur bouse évacuée dans des latrines communes d’une façon bien originale. D’après les travaux de Courtney Marnewec, de l’Université du KwaZulu-Natal et de ses collaborateurs, les latrines communes des rhinos sont comme un réseau social. Ici, chaque animal a son compte « Facebouse » et le profil de chaque individu y est bien détaillé.

Dans ce réseau où on est certain de ne pas retrouver de pirates russes, à partir des indices chimiques émanant du fumier, les rhinos reniflent des informations sur l’âge, le sexe, la taille, le statut et la disponibilité sexuelle des propriétaires. Ces gros mammifères s’adonnent à cette activité comme nous consultons notre fil d’actualité Facebook.

Et quand nous y publions des trucs, nous laissons nous aussi de précieuses informations, que s’arrachent d’ailleurs les publicistes, exactement comme les mouches qui pataugent avec joie dans les toilettes à ciel ouvert de ces gros mammifères. 

Si beaucoup de nos renseignements personnels sont aujourd’hui manipulés par les Facebook, Twitter, Instagram et autres, c’est parce que, comme les rhinos, nous partageons le même tas d’informations planétaires. 

Malheureusement, dans les réseaux sociaux humains, il y a des gens qui ne comprennent pas encore, pour paraphraser l’autre, que l’intelligence artificielle se nourrit de la stupidité naturelle. C’est ce qui est arrivé incompréhensiblement au très conservateur député Tony Clement, dont la carrière politique vient d’être abrégée par une histoire de sextapes.

J’ai bien dit incompréhensiblement, parce qu’en général, les conservateurs se présentent comme les gardiens incontestés de la morale. Alors quand un de ces rois de la pureté se fait littéralement prendre les culottes à terre, j’ai bien de la difficulté à être empathique s’il se ramasse le cul à l’eau. Pour cause, s’il avait suivi un bon cours de cette éducation à la sexualité qui dérange bien des conservateurs, Tony aurait peut-être compris que penser séduire une inconnue avec des images de sa bizoune, c’est accorder beaucoup trop de valeur à des bijoux de famille qui ne seront jamais de l’or en barre, malgré tout le temps qu’il prenait manifestement à les astiquer. 

On lui aurait certainement dit dans ce cours : « Tu sais mon Tony, comme elle savait que le sexe du mâle serait souvent au garde-à-vous pour une éventuelle conquête, la nature a simplifié sa mécanique génitale en misant sur un banal système hydraulique : des pompes, des tuyaux, des pistons. Un appareil aussi rudimentaire qu’une robinetterie de cuisine, pourrait-on dire. Et pour faciliter encore davantage sa mise en marche, il n’y a qu’à laisser opérer les sens : le boyau mâle s’allonge à l’odeur, à la vue, au toucher, au goût et à l’ouïe. »

Une simple pensée, même, peut suffire à activer la pompe, disait une pas si sage. Le fonctionnement du pénis humain est aussi simple que le fait d’ouvrir une porte d’armoire. La nature, disait la mère d’une amie, nous avait équipés de cette extension bien pratique et pourtant, on trouvait quand même le moyen de manquer la cible et de laisser des traces sur le rebord des toilettes. 

Bref, mon Tony, le pénis, surtout celui d’un gars de 57 ans, est bien pratique, mais pas suffisamment esthétique et « capotant » pour faire perdre la raison à une jeune fille devant son écran.

Tout ce qui risque d’arriver, c’est qu’elle montre tes parties intimes à ses amies qui manifesteront des gestes de dégoût avant de détourner le regard. Autrement dit, envoyer des images de son intimité à une inconnue, mon Tony, n’a jamais été le catalyseur d’un désir immédiat de s’envoyer en l’air pour la grande majorité des belles.

Pour cause, si l’homme est doté d’un système mécanique, la femme semble avoir un système électronique. Est-il important de rappeler ici, mon Tony, que l’électronique, c’est toujours plus compliqué ? Pour que madame éprouve l’envie de passer au lit, il faut entre autres que monsieur réussisse à apaiser son stress et désactiver dans son cerveau les centres de la peur. Et ça, mon Tony, pas besoin d’être un sexologue pour savoir qu’on n’y arrive pas en envoyant à l’autre des images de ses organes génitaux. Un poème aurait peut-être mieux fait l’affaire. 

Disons que pour quelqu’un appartenant à un mouvement de droite dont le contrôle du corps de la femme est souvent au programme, je pensais sérieusement, mon Tony, que tu avais au moins lu le manuel d’instruction.

Tout laisse croire, au contraire, que tu as confondu être fier d’être membre d’un parti et être fier de son membre et de ses parties. 

Comme dans le Facebouse des Rhinos blancs, tu as appris douloureusement que les médias sociaux ne sont pas toujours cléments avec ceux qui n’ont pas la sagesse, la retenue et le flair pour détecter les fouteurs de merde qui y abondent, mon Tony. Quelle triste fin de carrière quand même !

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