Paul Buissonneau en mouvement

Une leçon de théâtre et de vie

Avant de nous quitter, le 30 novembre 2014, Paul Buissonneau passait ses journées à coucher ses souvenirs sur papier. « Mais c’était de bric et de broc, sans fil rouge », se souvient son ami Jean-Fred Bourquin. L’homme de théâtre ne voyait pas qui pourrait mettre de l’ordre dans les pages de sa vie. « Je lui ai proposé de l’écrire moi-même… Paul était ravi ! », raconte le biographe.

Après deux ans et demi de travail, ce livre sort enfin. Paul Buissonneau en mouvement témoigne à la fois des voyages et des exils du regretté comédien fort en gueule, mais aussi de son côté révolutionnaire, son caractère enflammé, bouillonnant. 

« Un tourbillon a traversé nos vies », illustre l’auteur Michel Tremblay qui a découvert « la transposition théâtrale » en voyant, à 14 ans, La tour Eiffel qui tue montée par Buissonneau au théâtre de Verdure. Et qui a alors décidé de devenir écrivain.

Une « injustice » réparée

Ancien journaliste et producteur à la radio et à la télévision suisse romande, ex-président de la Commission des radios publiques de langue française (un poste qui l’a souvent mené à Montréal dans les années 80 et lui a permis de rencontrer le cofondateur du Quat’Sous), Jean-Fred Bourquin signe un ouvrage fouillé, bien écrit, à la construction originale, d’où se dégagent une grande admiration et une belle tendresse pour son sujet.

« Il fallait publier ce livre posthume pour réparer une injustice », dit-il en entrevue à La Presse, la semaine dernière, dans le hall du Quat’Sous.

Injustice, le mot n’est pas trop fort ? « Non, si Paul était aimé et connu, il a aussi été snobé, voire méprisé par des gens du milieu. On ne saisissait pas son rôle ni son importance dans le théâtre québécois, parce qu’il était un clown, un gueulard, Picolo, etc. Or, à titre de metteur en scène, Paul est à mes yeux comparable à Peter Brook. »

« Sa vision du théâtre, sa connaissance des textes, son désir de transmission aux jeunes, tout ça le rend supérieur à ces anciens détracteurs qui parlent de “Théââââtre” avec la bouche en cul de poule ! »

— Jean-Fred Bourquin, à propos de Paul Buissonneau

Le metteur en scène Yves Desgagnés abonde en ce sens dans l’ouvrage : « Tous ceux qui font de la mise en scène aujourd’hui, des plus jeunes aux plus vieux, nous sommes tous redevables à Paul Buissonneau. »

Le travail de l’artisan

En effet, parce qu’il travaillait avec des amateurs (avec La Roulotte), une certaine élite l’a mis de côté dans les années 50 et 60. Mais cela lui a permis de s’illustrer à la télévision, puis de cofonder le Quat’Sous en 1965 avec Yvon Deschamps, Louise Latraverse, Claude Léveillée et Jean-Louis Millette.

Fils d’une famille d’ouvriers d’un quartier de prolétaires et d’immigrés (le 13e arrondissement à Paris), ayant perdu ses parents très jeune durant la Seconde Guerre mondiale, Paul Buissonneau est un créateur doué qui a appris son métier sur le tas.

« Toute sa vie, Paul est resté sensible au monde des ouvriers et des artisans. Il a travaillé dans un atelier de rembourrage. Alors, quand il abordait une nouvelle pièce, il mettait vraiment la main à la pâte. »

— Jean-Fred Bourquin

Selon Bourquin, son ami avait « une sensibilité rare vis-à-vis des êtres. Il cherchait toujours le meilleur chez les autres ». L’auteur a récolté les témoignages de pas moins de 36 personnalités du milieu : de Lothaire Bluteau à Michel Tremblay, en passant par les Deschamps, Charlebois, Forestier, Desgagnés, et aussi Pierre Bernard, Valérie Blais, Andrée Lachapelle…

Mais il y a une absente : Louise Latraverse, qui a été la conjointe de Buissonneau dans les années 60, avant de lui succéder à la barre du Quat’Sous, en 1984. « Louise m’a dit avoir été bouleversée par la mort de Paul, et qu’elle ne voulait pas (re)brasser tous ces souvenirs douloureux… »

La vie d’un tourbillon charrie bien des merveilles, mais aussi des blessures. Paul Buisonnneau n’avait plus de nouvelles de son fils unique depuis des décennies. « On ne sait même pas s’il était présent à la basilique Notre-Dame lors des funérailles de son père… »

Paul Buissonneau doutait de bien des choses, mais par-dessus tout, il craignait l’oubli. Avec ce livre, sa mémoire est sauve.

Paul Buissonneau en mouvement

Jean-Fred Bourquin

Boréal

340 pages

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