Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés 

Un organisme d’une efficacité discutable 

Le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB) a été créé en 1987. L’un des mandats du CEPMB est d’assurer que le prix des médicaments brevetés ne soit pas « excessif ». Une des façons d’évaluer le prix « excessif » est de vérifier si le prix du médicament au Canada est dans la médiane parmi sept pays de comparaison.

Le Canada est l’un des seuls pays à exercer une méthode d’imposition directe de prix pour les médicaments brevetés, les autres pays s’en remettant à un contrôle indirect qui découle de la décision de couvrir ou non ces médicaments dans le cadre d’un régime d’assurance. Ironiquement, le Canada est l’un des pays où les médicaments brevetés sont les plus chers. Sur les 35 États membres de l’OCDE, seuls les États-Unis et le Mexique affichent des prix plus élevés que le Canada. En 2015, les prix médians de l’OCDE pour les médicaments brevetés étaient en moyenne de 22 % inférieurs à ceux du Canada.

Nécessairement, ces données laissent perplexe quant à l’efficacité du CEPMB.

Le gouvernement fédéral, étant aussi de cet avis, a proposé une série de modifications à la réglementation et aux lignes directrices du CEPMB. Ces modifications viseront entre autres à modifier la liste des pays de comparaison. Notamment y seront supprimés les États-Unis pour ajouter la Corée du Sud, où le prix des médicaments est moins élevé. Il est aussi proposé de conférer au CEPMB le rôle d’évaluer la valeur thérapeutique de certains médicaments.

La première réflexion qui nous vient à la lecture de ces propositions est que celles-ci auront bien pour résultat de diminuer les prix affichés des médicaments brevetés.

En poussant la réflexion, on en vient toutefois à se demander si, dans les faits, les Québécois retireront un bénéfice net de l’adoption de ces propositions.

Souhaitons-nous toujours favoriser l’innovation ?

En 2017, le gouvernement du Québec a publié la Stratégie québécoise de la recherche et de l’innovation. La volonté de faire du Québec un leader dans le domaine y ressort clairement et confirme la poursuite de cette volonté qui avait été explicitée lors de la publication, en 2007, de la Politique québécoise du médicament. Cette politique insistait particulièrement sur deux idéaux : l’accès raisonnable et équitable aux médicaments et l’innovation. Pourquoi l’innovation ? Parce qu’elle permet l’accès à de nouveaux médicaments et la création d’emplois de haut niveau qui contribuent à notre économie.

La réforme du CEPMB permettra-t-elle toujours aux Québécois de moduler leurs politiques afin de maximiser l’atteinte de leurs idéaux ?

CEPMB : toujours pertinent ?

Le contexte de commercialisation et de remboursement des médicaments a considérablement changé depuis 1987.

D’une part, à l’époque, les autres pays et les gouvernements provinciaux ne négociaient pas le prix des médicaments directement avec les fabricants.

Depuis, non seulement ces négociations confidentielles leur permettent de bénéficier de prix réduits, mais elles leur confèrent aussi une autonomie décisionnelle indéniable. Les contrats, beaucoup plus évolutifs qu’une loi, ont cette particularité de représenter un coffre à outils permettant de s’ajuster à différentes problématiques : prix trop élevés, efficacité du médicament, ampleur des investissements en recherche, etc.

L’accroissement du pouvoir du CEPMB aura indubitablement un effet de balancier, diminuant par le fait même l’autonomie des provinces dans leur pouvoir de négociation avec les fabricants. Est-ce bien ce que nous souhaitons ?

D’autre part, depuis 1987, l’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé (ACMTS) et l’Institut d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) ont développé une expertise relative à l’évaluation de la valeur économique et thérapeutique des médicaments. L’ACMTS agit pour l’ensemble des provinces canadiennes à l’exception du Québec qui s’en remet aux recommandations de l’INESSS.

L’ajout du CEPMB à titre de nouvel évaluateur fait sourciller d’autant plus qu’une duplication des ressources (ACMTS et INESSS) destinées à l’analyse de la valeur du médicament est déjà discutable.

Considérant ce nouveau contexte, on en vient à se demander si la réforme proposée du CEPMB ne représente pas en fait un moyen de justifier l’existence d’un organisme qui n’a plus de réelle raison d’être. 

Ma thèse de doctorat portait sur le choix rationnel dans l’établissement de politiques publiques. J’y fais ressortir le fait que certains fonctionnaires, souvent de façon inconsciente, auront tendance à favoriser le développement de politiques qui justifient l’existence de l’organisme pour lequel ils travaillent. Faisons-nous face ici à une telle situation ?

Chose certaine, l’accroissement du pouvoir de cet organisme fédéral aura, pour le Québec, des ramifications qui iront au-delà du prix des médicaments. Souhaitons-nous moins d’autonomie décisionnelle permettant la réalisation de nos idéaux ? Nos idéaux ont-ils changé ? 

Ces seules questions justifient que la réforme du CEPMB se fasse dans un contexte plus large, plus transparent, mieux documenté et surtout, il importe que nos représentants provinciaux s’expriment davantage dans ce dossier.

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