S’extirper du canapé, tous les jours de l’année

Il y a les influenceurs qui recherchent l’attention et les « j’aime » en folie. Et il y a Audrey Hammond, une mère de famille de Candiac qui aimerait bien vous influencer, mais dans votre propre intérêt.

Dans son quartier, pourtant très familial et résidentiel, les parcs lui semblent parfois bien dégarnis, même la fin de semaine. Où sont-ils, tous ces enfants gambadant joyeusement ? Probablement rivés à leur écran.

« L’an dernier, j’ai commencé à sortir tous les jours en hiver et constaté que j’étais la seule à le faire. Au début, c’était pour le plaisir, mais peu à peu, je me suis rendu compte que j’influençais des gens. »

— Audrey Hammond

Prenant le taureau par les cornes (et les poignées de porte), la courtière immobilière, mère de deux enfants de 1 et 3 ans et belle-mère d’une adolescente de 13 ans, a décidé de se lancer un défi sur le long terme : aller mettre le nez dehors en famille, 365 jours par année, beau temps, mauvais temps. Afin de se motiver elle-même et d’inciter les autres à l’imiter, elle alimente des comptes Facebook et Instagram (@WorkhardPlayOutside) avec des photos de ses sorties quotidiennes.

Depuis le 1er janvier, elle s’applique consciencieusement à atteindre son objectif, passant de 30 à 45 minutes dehors avec ses enfants bien emmitouflés.

« Mon aspiration, ce n’est pas que tout le monde s’engage à aller dehors 365 jours par année, mais inspirer les gens à sortir davantage, les ramener à l’essentiel », précise l’entrepreneure, qui est travailleuse autonome.

« C’est un défi intéressant », juge l’ergothérapeute Francine Ferland, professeure émérite à l’Université de Montréal et auteure de l’ouvrage Viens jouer dehors !.

« Il faut le voir comme un moment agréable à passer ensemble, même si ça ne dure que 15 minutes, avec un élément de plaisir, essentiel pour les enfants, mais aussi pour les parents. »

— Francine Ferland, auteure de l’ouvrage Viens jouer dehors !

« Pas d’excuses »

Mais dans notre société dopée aux agendas surchargés et aux séries télé addictives, toute famille peut-elle vraiment trouver le temps et la motivation pour passer le seuil ? « Tout le monde a des contraintes… mais tout le monde est capable d’être créatif par rapport à sa situation », est persuadée Mme Hammond qui, avant de sortir, doit habiller ses deux jeunes enfants, Adélie et Frédérique, ce qui constitue déjà un défi en soi. Et pour motiver Alyssa, adolescente un peu réticente dont elle a la garde une semaine sur deux, c’est une autre paire de manches. La clé reste la créativité. « On fait des cours de planche, des séances de photo, du shopping », énumère la mère de famille.

Pour Francine Ferland, la plus grosse motivation demeure l’attitude des parents. « Les enfants, ce sont des éponges. Et leur meilleur modèle, ce sont les parents. Quand la mère sort, si elle dit : “Allez, on sort, c’est bon pour votre santé”, ça ne motive personne. Mais si elle a du plaisir à s’habiller et à sortir, c’est ça qui va motiver l’enfant. Après, si elle trouve des idées nouvelles, ça vient bien sûr renforcer cette motivation », souligne-t-elle.

Et le fait de vivre dans un milieu très urbanisé, loin des parcs, ne constitue pas une excuse. Il y a toujours un moyen d’inventer de nouvelles activités originales et de s’approprier l’environnement pour le rendre stimulant. « Sauter dans les flaques d’eau un jour de pluie, explorer les ruelles, faire un bonhomme de neige non pas debout, mais sur une chaise de jardin… on peut toujours trouver des choses étonnantes », énumère Mme Ferland.

La professeure pointe également toutes sortes de craintes brandies par les parents comme prétextes pour s’encabaner : trop froid, trop chaud, les moustiques, les plans d’eau, les prédateurs sexuels… « Dans un sens, ils se sentent plus en sécurité si leur enfant est devant un écran plutôt qu’à l’extérieur. Il faut qu’ils fassent le tour de leurs peurs et qu’ils réalisent à quel point ce n’est pas toujours justifié. »

Bref, tout salon familial pourrait arborer le slogan qui a déjà rayonné dans le vestiaire du Canadien de Montréal : « Pas d’excuses ».

Emboîter le pas (de porte)

Le défi qu’Audrey Hammond s’est imposé a commencé à porter ses fruits, ayant d’abord des effets dans son entourage.

Ainsi, Vanessa L’Écuyer a été convaincue de la démarche de son amie. « Ce n’est pas toujours facile, mais cela nous permet de déconnecter du travail et de reconnecter sur l’instant présent avec les enfants », témoigne-t-elle.

Des personnes dans des cercles plus éloignés ont aussi été inspirées. « Le défi lancé par Audrey m’a apporté des prises de conscience sur la vie en général. Que ce soit l’envie de se dépasser, l’envie de développer de nouveaux projets, méditer tout en marchant ou prendre le temps d’apprécier le décor, ça fait du bien à l’âme. S’engager à sortir tous les jours, beau temps, mauvais temps, c’est ça, la vie ! », s’enthousiasme Mélanie Baillargeon, qui s’est sentie inspirée par le projet.

Et vous, qu’attendez-vous pour aller voir dehors ?

trois livres sur le sujet

Pour jouer

Viens jouer dehors !, de Francine Ferland

Pour les parents en panne d’inspiration, cet ouvrage propose de nombreux jeux simples, sécuritaires et peu coûteux adaptés à plusieurs âges et saisons.

Pour reconnecter avec la nature

Perdus sans la nature, de François Cardinal

Avec une recherche fouillée sur la question de l’abandon graduel du jeu extérieur et du contact avec la nature, notre collègue fait le tour de la question et suggère un manifeste.

Pour s’inspirer

101 activités extérieures pour enfants, de Dawn Isaac

En panne d’inspiration ? Une mère architecte de jardins nous dévoile de nombreuses activités originales, durant 10 minutes ou plusieurs heures, en faisant appel à l’imagination ou aux habiletés manuelles des enfants.