Québecor

Des revenus en chute libre pour les journaux

S’il est vrai que les quotidiens de Québecor « ont toujours fait de l’argent », comme l’affirme le PDG Pierre Karl Péladeau, ils n’ont pas échappé à la crise qui frappe les médias. Leurs revenus et les bénéfices ont constamment chuté depuis au moins cinq ans, et ils pourraient boucler l’année 2018 avec des pertes pour la première fois.

Les états financiers de Québecor permettent en effet de constater que le bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) pour la catégorie « Édition de journaux » est passé de 24,7 millions en 2014 à 4,5 millions en 2017. Cette catégorie regroupe notamment Le Journal de Montréal, Le Journal de Québec et le quotidien gratuit 24 heures.

Les revenus ont suivi une courbe semblable, comme permet de le constater une compilation effectuée par La Presse. De 256 millions en 2014, ils ont constamment baissé pour atteindre 183,5 millions pour l’année 2017, soit une chute de 28 %.

Pratiquement toutes les catégories de revenus ont considérablement baissé, à l’exception du « numérique », qui a connu une hausse de 10,5 % entre 2014 et 2017.

Les revenus publicitaires, notamment, sont passés de 134,3 à 84,4 millions, une baisse de 37 %.

Cette semaine, Québecor a par ailleurs annoncé que ses journaux avaient subi des pertes de 1,8 million pour le premier trimestre de 2018. « Ça dépend des trimestres, parce qu’il y a une saisonnalité », a expliqué le PDG Pierre Karl Péladeau en entrevue à Radio-Canada avec Gérald Filion.

Notre demande d’entrevue avec M. Péladeau est restée sans réponse de la part de Québecor. 

« Rentabilité marginale »

Ce n’est effectivement pas le premier trimestre qui se conclut par une perte : la situation avait été la même en 2016, avec une perte de 100 000 $. Ce qui n’avait pas empêché la catégorie « Édition de journaux » de terminer l’année avec un bénéfice de 10,7 millions, grâce à trois trimestres plus profitables.

Tout indique cependant que l’exploit sera plus difficile à reproduire en 2018, avec des revenus et un bénéfice constamment en baisse.

Selon Michel Magnan, professeur de comptabilité et titulaire de la chaire sur la gouvernance des entreprises à l’Université Concordia, les revenus tirés des publicités publiées par Vidéotron et TVA dans les journaux de Québecor pourraient aider à gonfler leurs résultats.

« Le contenu de leurs quotidiens provient en grande partie de TVA et de Vidéotron. Il y a une note aux états financiers de Québecor qui fait état des différents segments d’activités, et des transactions entre ceux-ci.

« On y voit que les opérations entre segments sont d’une certaine ampleur et pourraient avoir servi à gonfler la rentabilité d’un segment, même si on ne peut conclure définitivement », dit-il.

M. Magnan s’étonne qu’aucun actionnaire n’ait jamais proposé que Québecor se départisse de ses journaux, compte tenu de leur faible rentabilité.

« Ça fait des années que c’est une rentabilité marginale. Peut-être pas assez importante pour justifier une révolte ou attirer l’attention des investisseurs. »

— Michel Magnan, professeur de comptabilité et titulaire de la chaire sur la gouvernance des entreprises à l’Université Concordia

« Mais la question est tout aussi pertinente, comme d’autres l’ont posée à l’égard de Power Corporation et de La Presse. »

Important recul chez Vidéotron

Dans une note publiée hier, l’analyste Maher Yaghi, de Desjardins Marchés des capitaux, remarque par ailleurs que la perte d’abonnés s’accélère chez Vidéotron.

L’entreprise a perdu 15 000 abonnés au câble au premier trimestre de cette année, en hausse de 50 % par rapport à l’an dernier.

« Il s’agit de la troisième année consécutive où la croissance des abonnés ralentit, contrairement à ce que l’on constate chez BCE où la tendance s’améliore », écrit M. Yaghi.

La progression des abonnés au service internet de Vidéotron a aussi déçu, avec un gain net de 8100 foyers, soit près de 40 % sous les attentes du marché.

Enfin, 18 900 foyers ont annulé leur abonnement à la téléphonie par câble de Vidéotron, alors que les analystes prévoyaient une perte de 11 900 comptes.

« C’est le recul le plus important en termes absolus jamais enregistré dans les trois premiers mois de l’année financière, et le plus fort en pourcentage tous trimestres confondus », indique M. Yaghi.

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