Critique

Le roman préféré de Barack Obama

Les furies
Lauren Groff
Éditions de l’Olivier
428 pages
3 éoiles et demie 

Voilà un livre qui arrive précédé de tout un argument de vente : « Le meilleur que j’ai lu cette année », avait confié Barack Obama au magazine People en 2015.

Surprise, il ne s’agit ni d’un traité de politique ni d’un essai sur la diversité, mais bien d’un roman qui porte sur l’amour et le mariage.

Mais peut-on vraiment parler d’amour lorsqu’une union en apparence heureuse est en vérité construite sur des silences et des demi-vérités ?

C’est la question qu’on se pose en lisant Les furies.

L’auteure Lauren Groff, dont c’est le troisième ouvrage, raconte l’histoire de Lotto et Mathilde. Ils se rencontrent alors qu’ils sont au début de la vingtaine, encore étudiants. Il est issu d’une richissime famille, il a du charisme, c’est un homme à femmes et il est insatiable.

Mathilde, elle, a un passé mystérieux. En fait, tout ce qui entoure cette fille est énigmatique et c’est ce qui séduit Lotto, qui la demande en mariage dès qu’il la voit.

Deux très jeunes gens issus de milieux différents qui se connaissent à peine et qui se marient de manière précipitée. Tous les ingrédients sont réunis pour un fiasco conjugal, mais contre toute attente, ce couple fonctionne. Entourés d’un groupe de fidèles amis, ils débuteront dans la vie sans un sou dans le New York des années 90.

Lotto rêve d’être acteur, mais Mathilde a une révélation lorsqu’elle lit un texte qu’il a écrit durant une nuit d’ivresse. Il sera dramaturge. Après des années passées à espérer décrocher un rôle, Lotto connaît enfin le succès et la vie du couple prend un tournant. Mathilde, qui assurait jusqu’ici leur sécurité financière en acceptant des petits boulots, sera désormais la gardienne de la carrière de son mari.

La première moitié du roman est captivante, mais là où le roman devient franchement intéressant, c’est lorsqu’on change de narrateur (Groff a confié qu’au départ, il était question de publier deux romans distincts).

On passe de la vision idéalisée du couple à travers les yeux de Lotto à celle plus lucide de Mathilde, dont on découvrira le passé.

Comme un conjoint floué, le lecteur se sent un peu trahi de découvrir ce qui se cache derrière cette union idyllique. Peut-on encore parler de véritable amour ? Au lecteur de se faire une opinion.

On referme le livre en se demandant ce qui a séduit l’ancien président des États-Unis dans ce roman : le portrait d’un mariage qui n’est pas tout à fait ce qu’il prétend être ? L’union symbiotique de deux personnes aux origines très différentes ? La réflexion sur la complexité de l’amour ? Ou simplement le fait que c’est un excellent divertissement ?

EXTRAIT 

« Il remonta le courant de la foule jusqu’à Mathilde. Plus d’un mètre quatre-vingt-deux et des petites chaussettes blanches. Avec ses talons, elle avait les yeux à la hauteur des lèvres de Lotto. Elle le regarda avec détachement. Déjà, il aimait le rire qu’elle retenait en elle, que personne d’autre ne percevait.

Il sentit la puissance dramatique de la scène. Et aussi combien d’yeux étaient posés sur eux, si beaux ensemble, Lotto et Mathilde.

En un instant, il était devenu un autre homme. Le passé n’était plus. Il tomba à genoux et saisit les mains de Mathilde pour les appuyer contre son cœur. Il lui cria : “Épouse-moi !” » 

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