Extrait

T’es où, Célestin ?, d’Alain Poissant

« Le beau temps revenu, ils semèrent le sarrasin. Dans leur tête, l’automne était déjà là, avec des récoltes si miraculeuses qu’ils se voyaient payer leur dette au seigneur. [...] Ils oubliaient les plaintes, les injustices, les fusils. Mais parfois, au milieu d’une tâche ingrate, ils ouvraient grand les yeux sur le mécontentement accumulé des dernières années. [...] Ailleurs au Canada la richesse affluait, des fortunes se construisaient, écrasant les petites espérances nées du travail. La situation ressemblait de plus en plus aux histoires entre gros et petits racontées aux enfants : c’était amusant, bien sûr que c’était amusant, jusqu’au moment où ceux qui racontaient découvraient que l’histoire était vraie et qu’ils faisaient partie des petits. »

Biblio

LES CICATRICES DES PATRIOTES

T’es où, Célestin ?

Alain Poissant

Éditions Sémaphore, 194 pages

3 étoiles et demie

Sur fond de Rébellion des Patriotes, ce récit suit la vie de Célestin Verdier, qui se voit entraîné dans les événements menant aux confrontations de 1837-1838. Au-delà des revendications, ce roman s’attarde à la servitude des Canadiens devant les Anglais, la dépossession des terres et la rupture des familles happées par cette révolte prestement anéantie. La famille, justement, se retrouve au cœur de cette œuvre. Quelles sont les cicatrices laissées par un conflit à ceux qui ont dû prendre parti, ne serait-ce que par les gestes portés par un père, un mari ? La narration, qui suit les Verdier avant, pendant et après la Rébellion, s’étend avec sensibilité sur les ravages de l’éloignement et des pertes de toutes sortes. De l’espoir, aussi, transmis en partie par les apprentissages, en particulier de l’écriture, qui relie les différents destins. L’auteur témoigne de ces vies fracturées, de cette famille sans contrôle sur les jeux politiques et des décisions arbitraires prises par des élites aussi puissantes que distantes qui font, en définitive, bien peu de cas des peuples ne voulant que vivre en toute simplicité sur leurs terres.

— Jean-François Villeneuve, La Presse

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