Malartic

Quelques extraits des mémoires obtenus par La Presse

« Le projet d’agrandissement de la minière est un projet qui créera de nouveaux emplois et en maintiendra d’autres ; cependant, avant que ce projet ait l’aval des autorités gouvernementales, il faut absolument que la réalité citoyenne soit prise en compte et qu’une zone tampon soit établie et que les normes soient observées. »

— Diane Gagnon, résidante de la zone sud de Malartic

« Nous voulons partir tout simplement pour ne pas vivre trop longtemps dans notre petit village plein de nuisances. Mais c’est impossible car on est en otage dans notre propre maison. On se sent comme un oiseau en cage, on voit la sortie, on voit qu’on pourrait être mieux ailleurs, mais personne n’ouvre la porte pour nous libérer. »

— Priscille Trudel, résidante

« La patience du citoyen est épuisée avec tout ce qu’on lui demande de vivre et de subir depuis ces dernières années, c’est insensé. De plus, le citoyen impacté doit se débattre pour le respect de ses droits contre un géant ; et en attendant, la minière poursuit ses troubles de voisinage. »

— Comité de citoyens – Zone sud de la voie ferrée de Malartic

« L’absence de normes strictes adaptées au contexte de mine à ciel ouvert en milieu urbain démontre clairement qu’un autre projet de ce type ne doit pas voir le jour dans la province, et ce, tant et aussi longtemps que l’encadrement législatif n’est pas adapté. »

— Conseil régional de l’environnement de l’Abitibi-Témiscamingue

« Malartic est devenu un vaste laboratoire vivant avec cette immense mine à ciel ouvert. La proximité de la ville oblige à d’incroyables acrobaties de chiffres et de données [pour] démontrer à la Commission [d’enquête du BAPE] qu’il n’y aura pas vraiment de problème [et] que l’on respecte les normes et les règlements. »

— Me Nicole Kirouac, personne-ressource au Comité de vigilance de Malartic et au Comité de citoyens  – Zone sud de la voie ferrée de Malartic

« Je veux juste pouvoir vivre tranquillement »

Hélène Mazur-Daigle n’a rien contre l’industrie minière. Au contraire. Son père, un immigré polonais arrivé en Abitibi après la Seconde Guerre mondiale, était mineur d’or. Son mari Marcel a gagné sa vie sous terre pendant plus de trois décennies. Et ses garçons ? Mineurs tous les deux.

Non, cette serveuse à la retraite, qui vit à Malartic depuis sa naissance il y a 65 ans, n’a rien contre les mines. Sauf qu’elle aimerait pouvoir vivre ses vieux jours à l’abri de la poussière, du bruit et des vibrations causées par le dynamitage qui sont devenus son lot quotidien depuis l’ouverture en 2011 de la mine d’or à ciel ouvert Canadian Malartic, à quelques centaines de mètres de chez elle.

« Je ne veux pas que la mine ferme, dit-elle. Je veux juste pouvoir vivre tranquillement et avoir la paix. »

Mme Mazur-Daigle est au nombre des 45 personnes et organismes qui présenteront des mémoires aujourd’hui et demain devant le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, au théâtre Meglab de Malartic. Le BAPE est chargé d’évaluer le projet d’agrandissement de la mine, dont les propriétaires, Agnico Eagle et Yamana Gold, souhaitent augmenter la superficie de plus de 40 % au cours des prochaines années.

Une demande revient comme un leitmotiv dans la dizaine de ces mémoires dont La Presse a pris connaissance au cours des derniers jours : la création d’une zone tampon, notamment dans la partie sud de Malartic, la plus rapprochée de la mine.

L’idée n’est pas de vider de ses habitants ce quartier pris en étau entre la fosse et la voie ferrée qui le sépare du reste de la ville, mais d’offrir à tous les résidants qui le souhaitent la possibilité d’être relogés ailleurs avec une juste compensation.

« Si le BAPE de Malartic 2016 ne pose pas clairement la question au législateur et n’en fait pas spécifiquement une recommandation […] ce sera un échec non seulement pour les citoyens de Malartic, mais pour des milliers de Québécois, particulièrement en Abitibi où pointent déjà plusieurs projets de mine à ciel ouvert », écrit l’avocate Nicole Kirouac, qui défend les droits des citoyens de Malartic depuis près de 10 ans.

DES NUISANCES OMNIPRÉSENTES

Des marges de recul obligatoires existent déjà au Québec pour les carrières (600 m) ou pour les centres de compostage extérieurs (500 m), soulignent l’Association canadienne des médecins pour l’environnement, Mining Watch et la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine, dans un mémoire commun. L’Australie et la Malaisie prévoient des distances séparatrices de 1 km pour les mines.

Les trois organisations réclament donc une zone tampon de 1 à 1,5 km (soit bien au-delà de la zone sud) à l’intérieur de laquelle tout résidant pourrait demander d’être « relocalisé » « pour des raisons de santé, de bien-être et de qualité de vie reliés à une exposition cumulée de plusieurs nuisances et contaminants, dont les matières particulaires (poussières), les vibrations/dynamitage et le bruit ». Le Conseil régional de l’environnement de l’Abitibi-Témiscamingue recommande lui aussi la création d’une zone tampon de 1 kilomètre.

Résidante du secteur sud de 1987 au printemps 2015, Lise Therrien a déménagé dans le village voisin de Rivière-Héva. « Ces dérangements au quotidien m’ont stressée, m’ont réveillée la nuit, écrit dans son mémoire cette retraitée du réseau de la santé. Je n’ai jamais eu de problèmes de sommeil antérieurement [mais] j’en étais venue à souhaiter la pluie, le vent, la tempête pour ne pas les entendre exploiter [la mine] la nuit. »

« Les nuisances des opérations minières m’ont, par ricochet, empêchée de jardiner tranquillement et (de) me reposer dans ma cour qui n’est plus du tout pour moi un havre de paix et qui est enduite d’une poussière excessive. »

— Lise Therrien, propriétaire d’une maison à Malartic

« Il n’y a pas 56 solutions, dit Ugo Lapointe, porte-parole de Mining Watch. Soit la minière modifie considérablement son mode de production – en cessant le travail de nuit ou en réduisant la production, par exemple – soit elle offre à la population la possibilité d’être relogée. »

GUIDE DE COHABITATION

La société minière a présenté à la mi-mai la version préliminaire d’un « guide de cohabitation ». Ce protocole prévoit des compensations financières de l’ordre de quelques milliers de dollars par année pour les nuisances, de même que la possibilité pour les résidants de la zone sud de faire carrément racheter leur maison par la société minière.

Le document a toutefois été très mal reçu par les citoyens. Ils déplorent notamment que le budget d’acquisition (près de 10 millions si l’agrandissement de la mine est autorisé) ait été déterminé à l’avance, sans qu’on sache combien de résidants voudront déménager. « Vont-ils faire un bingo pour savoir qui va pouvoir partir ? », ironise Mme Mazur-Daigle.

Les résidants n’acceptent pas non plus la volonté de l’entreprise de « donner la priorité aux personnes vulnérables ». La Direction de la santé publique, soulignent-ils, a déterminé que l’ensemble des résidants de la zone sud devraient être considérés comme vulnérables.

Cette notion de vulnérabilité sera écartée de la deuxième version du guide de cohabitation, qui devrait être rendu public au cours de la prochaine semaine, assure le directeur général de la mine Canadian Malartic, Serge Blais. « On cherche à enlever cet élément pour rendre le programme d’acquisition accessible à tout le monde [dans la zone sud] », a-t-il dit en entrevue la semaine dernière. Il demeure convaincu que le budget prévu pour les rachats de maisons est suffisant.

Hélène Mazur-Daigle, dont la maison est à vendre depuis deux ans, est prête à partir. « Nous sommes des citoyens “pure laine” de cette ville [et] nos liens d’attachement sont forts, écrit-elle. Mais nous avons perdu confiance. »

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