Malartic

Bruit, poussière et vibrations

Même si d’autres enjeux les préoccupent – comme la perte de milieux humides ou la restauration du site après la fin de l’exploitation de la mine –, le bruit, la poussière et les vibrations causés par Canadian Malartic sont au cœur des préoccupations des citoyens et des organisations qui prendront la parole devant le BAPE à compter d’aujourd’hui.

LE BRUIT

Pour le porte-parole de Mining Watch, Ugo Lapointe, il n’y a pas d’équivoque. « La minière dépasse clairement les normes québécoises en matière de bruit », dit-il. Une directive du ministère de l’Environnement fixe la limite à 45 décibels le jour et 40 dB la nuit en milieu résidentiel. Or, un règlement municipal, sur lequel la directive devrait avoir préséance, limite les nuisances de bruit à 55 dB le jour et 50 dB la nuit. « Il y a une différence d’interprétation », reconnaît le directeur général de la mine, Serge Blais. L’écart peut sembler ténu, mais « chaque fois que tu montes de 3 dB, tu doubles la puissance sonore », souligne Ugo Lapointe. La société minière affirme que le respect de la directive compromettrait la viabilité économique de la mine et nécessiterait une réduction importante de la cadence de production la nuit, note dans son mémoire le Conseil régional de l’environnement. Or, selon le Conseil, « pour assurer la viabilité économique d’un projet selon les principes du développement durable, il ne revient pas à la population impactée d’augmenter sa tolérance au bruit, mais plutôt au promoteur de mettre en place les mesures nécessaires permettant le respect des seuils de bruit » déterminés par le ministère de l’Environnement. Plus du tiers des 183 avis de non-conformité adressés à la mine depuis 2010 étaient liés au bruit.

LA POUSSIÈRE

La mine Canadian Malartic n’essaie pas de nier l’évidence qu’une inspection même sommaire des piscines, jardins et fenêtres des résidants de Malartic révèle immanquablement : l’exploitation de la fosse entraîne des quantités importantes de poussière. « On ne dit pas qu’on n’a pas d’impact, à proximité d’un centre-ville, mais on est capables d’opérer de façon conforme », dit le directeur général, Serge Blais. La mine n’a reçu aucun avis de non-conformité aux normes de pollution atmosphérique au deuxième trimestre de 2016 – un signe, selon M. Blais, des progrès de la société minière depuis qu’Agnico Eagle et Yamana Gold en ont fait l’acquisition en 2014.

Ce n’est pas l’avis de nombreux citoyens et organisations. « Il n’existe pas de seuil en dessous duquel il n’y a pas d’impact sur la santé causé par une exposition à la matière particulaire », souligne l’épidémiologiste Norman King, retraité du réseau de la santé publique et coauteur d’un mémoire commun de l’Association canadienne des médecins pour l’environnement (ACME), Mining Watch et la Coalition Québec meilleure mine (CQMM). Une telle exposition peut notamment accroître le risque de développer un cancer et l’incidence de maladies respiratoires ou cardiovasculaires, note-t-il.

À l’instar du Conseil régional de l’environnement de l’Abitibi-Témiscamingue, les trois groupes réclament l’imposition de normes pour les particules dites PM10 (d’un diamètre inférieur à 10 microns), qui ne sont pas mesurées à Malartic, une demande de longue date de la Direction de la santé publique. Ils suggèrent aussi de réduire de moitié la limite de particules totales, présentement fixée à 120 μg/m3, « considérant que la moyenne de 70,9 μg/m3 observée de 2012 à 2014 a résulté en des taux de dérangement élevés ».

LES VIBRATIONS

Priscille Trudel travaille de nuit. En fin de matinée, un moment où la mine procède régulièrement à des sautages, elle dort. « Il y en a des assez forts pour que je me lève en sursaut dans mon lit. J’ai le cœur qui bat jusqu’à ce que je réalise que c’est le sautage de la mine qui vient de se passer, et non un tremblement de terre », écrit cette Malarticoise dans son mémoire au BAPE. Dans la zone sud de Malartic, de 71 à 78 % des répondants à une enquête de la Direction de la santé publique dont les résultats ont été publiés en 2015 se sont dits dérangés ou fortement dérangés par les vibrations liées aux dynamitages. S’inspirant de normes recommandées en Australie, l’ACME, Mining Watch et la CQMM suggèrent une vitesse maximale des vibrations six fois plus faible que la limite actuelle. Il faut dire que les dynamitages n’ont pas seulement des effets sur les humains : les fondations des immeubles souffrent aussi. « Ma maison a tremblé de toutes les façons, d’où de nouvelles fissures sur la structure ancienne », dit Lise Therrien, qui a quitté Malartic l’an dernier.

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