Banques alimentaires

Une carte de la faim à Montréal

À Montréal, la clientèle des banques alimentaires augmente plus vite que les ressources. Pour arriver à répondre efficacement aux besoins des Montréalais, un groupe se lance dans une cartographie des ressources et besoins de la ville.

« Il faut une cartographie, parce qu’elle n’existe pas, explique Alain Gignac, directeur général de la Société des célébrations du 375e anniversaire. Présentement, on ne connaît pas le déploiement de l’écosystème de la pauvreté et des besoins de la faim à Montréal. On sait qu’il y en a, mais on veut les localiser pour poser les bons gestes. »

Ce projet est lancé par la Société des célébrations du 375e anniversaire, qui dévoilait hier les derniers détails de son chantier pour lutter contre l’insécurité alimentaire. Le groupe passe le flambeau à la Fondation du Grand Montréal et à la Fondation McConnell.

« À Montréal, le taux d’insécurité alimentaire est de 11 % alors qu’il est de 8 % ailleurs au Canada », a précisé Yvan Gauthier, président et directeur général de la Fondation du Grand Montréal. « Qu’est-ce qui se passe à Montréal pour qu’on ait ces difficultés-là avec la faim ? »

« Il y a plein d’initiatives à Montréal, plein d’énergie et de ressources financières qui sont investies pour combattre l’insécurité alimentaire, mais tout le monde le fait un petit peu à sa façon et n’est pas organisé ensemble. »

— Richard Daneau, porte-parole de Moisson Montréal

Cette cartographie vise à voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, pour s’attaquer à la faim avec des actions plus précises. Ensuite, explique Yvan Gauthier, la situation sera présentée à une « task force » qui réunit des bailleurs de fonds, des représentants de la Ville, du gouvernement du Québec, des banques alimentaires et des fondations privées.

Pourquoi dépenser pour faire une carte alors que les besoins dans les banques sont criants ?

Pour mieux investir ensuite ! 

« On a besoin d’agir intelligemment, d’avoir un discours d’optimisation pour avoir plus d’impact avec le même argent, explique Richard Daneau, de Moisson Montréal. Demander plus d’argent, c’est trop court. Il faut miser sur les bonnes pratiques, et cet exercice va nous permettre d’identifier ça. »

Faire des gestes précis

Ce chantier a aussi permis d’ajouter un nouveau camion réfrigéré chez Moisson Montréal. C’est un ajout qui fait une grande différence, explique Richard Daneau, car il permet de multiplier la récolte d’ingrédients frais, denrées précieuses pour les comptoirs alimentaires. Environ 20 % des fruits et légumes récupérés sont perdus par les organismes communautaires parce que ce sont des produits fragiles. Ce nouveau camion permet, par exemple, de récupérer de la viande congelée, un ingrédient rare. « Les épiceries jettent la viande le jour de la date d’expiration, explique Richard Daneau, de Moisson Montréal. On leur demande de la congeler pour arrêter la prolifération bactériologique, on la récupère, on garantit la chaîne de froid et on la donne aux organismes. »

Au Dépôt alimentaire Notre-Dame-de-Grâce, le tiers de ce qui est redistribué ou cuisiné vient de Moisson Montréal. Le groupe complète son offre en achetant des produits, souvent du lait, des œufs et des fruits et légumes. Daniel Roy, responsable de l’approvisionnement du groupe, est passé maître dans l’art de négocier de bons prix auprès des grossistes en alimentation. Il contacte aussi directement des cultivateurs. Et il s’assure d’avoir toujours des produits sains qui ont bonne mine.

S’adapter aux nouveaux besoins

Au Dépôt alimentaire de Notre-Dame-de-Grâce, les choses bougent très vite. D’abord, la population change. L’arrivée de réfugiés et d’immigrants dans le quartier a fait bondir la demande. « On pense au Notre-Dame-de-Grâce riche, mais 25 % de la population du quartier vit sous le seuil de la pauvreté », dit Daniel Rotman, qui dirige le Dépôt depuis quatre ans. Le rôle de la banque alimentaire change aussi : en plus d’offrir des paniers, on permet aux gens de prendre leur repas dans un local qui n’inspire pas la misère. Le groupe communautaire s’est installé dans un ancien restaurant. La clientèle, très diversifiée, comporte un bon nombre de personnes âgées qui vivent seules et qui sont bien heureuses de trouver de la compagnie avec leur repas. Autour de l’assiette, le groupe est devenu un Centre communautaire d’alimentation et offre une myriade de services, dont des cours de cuisine, des jardins communautaires et même des services-conseils en logement, pour les gens qui peinent à joindre les deux bouts.

Pour Daniel Rotman, le but est clair : il faut briser le cercle de la pauvreté qui fait que moins on a d’argent pour faire l’épicerie, plus on achète des produits de faible qualité nutritive. Et moins on se nourrit sainement, plus on est malade. C’est pour cette raison que les jours de services au Dépôt, une nutritionniste est sur place pour conseiller les familles qui viennent chercher leur panier. Elle en profite pour leur refiler quelques recettes et conseils pour cuisiner les produits qu’elles mettent dans leur panier. Selon une évaluation faite auprès de sa clientèle, 75 % des gens estiment avoir une meilleure santé physique depuis qu’ils fréquentent le Dépôt et 88 % des participants sentent qu’ils font partie d’une communauté.

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