Le Québec dans l’œil du monde en 2017

Mauvaise année pour le Québec dans la presse internationale 

Parfois, quand je traite de la question du Québec vu par la presse internationale, certains me disent que c’est superficiel. Pourquoi s’intéresser au regard des autres ? En quoi les perceptions étrangères peuvent-elles avoir un impact notoire sur nos affaires ? Ne devons-nous pas nous définir uniquement par nos forces et nos valeurs ? 

Dans les faits, le regard des médias étrangers a un impact direct sur trois secteurs de notre économie : la promotion touristique, les investissements étrangers et l’immigration de travailleurs ou d’étudiants. Chacun des reportages contribue à bâtir l’équité de marque et à convaincre, peu à peu, des Américains, des Français, des Mexicains ou des Chinois de passer nous dire bonjour pour dépenser quelques dollars. 

La quiétude du climat social, notre environnement festif et notre timide dollar ne sont que quelques-uns des arguments pour séduire l’étranger. Pour plusieurs, le Québec, c’est le PPP : Paris, pas loin, pas cher. 

Il faut donc mesurer attentivement l’évolution des indicateurs. Certes, le taux d’occupation des chambres d’hôtel est important. Le pourcentage d’étudiants étrangers est aussi une donnée fort utile. Quant à elle, la nature de la couverture médiatique permet de comprendre ce qui peut influencer directement l’humeur du « client ». Auriez-vous eu envie d’aller passer une petite semaine tranquille en France après la tragédie du Bataclan ? 

En règle générale, le Québec génère une couverture « bonbon » dans les médias étrangers. Plus de 54 % des mentions font référence aux attraits touristiques, aux bonnes tables et à la culture. 

Tout a changé en 2017 

La culture, le tourisme et les bonnes tables ont perdu globalement 32 % de leur impact médiatique cette année. 

La nouvelle de l’année au Québec – l’attentat à la Grande Mosquée de Québec – est aussi celle qui a généré le plus d’attention internationale sur nous depuis 16 ans.

Son rayonnement exceptionnel a contribué à une hausse de 45 % du poids médiatique international accordé aux faits divers québécois. En 2017, ceux-ci ont occupé plus d’espace qu’à l’habitude, s’établissant à 16 % de l’ensemble de la couverture de la province dans le monde, contre 11 % en moyenne depuis le début des années 2000. 

La montée de l’extrême droite au Québec, les incidents raciaux, l’affaire Rozon, la loi sur le port du voile et le dossier des demandeurs d’asile ont aussi joué un rôle important dans ce phénomène. 

Mais l’effet ne s’arrête pas là. De façon générale, le Québec bénéficie d’une image empreinte d’ouverture à la différence, que ce soit envers les nouveaux arrivants, la communauté gaie, etc. L’attentat de Québec a fait en sorte que les médias étrangers ont doublé leur attention pour les relations avec les communautés culturelles. De son côté, la question de l’immigration a grimpé de l’ordre de 60 % ! 

En comparaison, la mort de Leonard Cohen, l’arrivée de Didier Drogba à Montréal et le succès remporté par Xavier Dolan à Cannes avec Mommy avaient été les nouvelles dominantes à propos du Québec au cours des trois dernières années. 

Avec le 375e anniversaire de Montréal et le 150e anniversaire du Canada, on aurait pu s’attendre à une augmentation du poids média du tourisme et de la culture à l’étranger. Ces grandes fêtes n’ont pas eu l’impact médiatique escompté. En fait, même au Québec, ces événements ont rencontré, malgré leur caractère exceptionnel, une percée médiatique mitigée, n’arrivant pas à dépasser la couverture des autres festivals et événements bien établis. 

Et Québec inc. ? 

Cette année, nos nouvelles économiques ont connu une croissance de 3 points de pourcentage comparativement à la moyenne du sujet depuis 2001, pour se fixer à 5 %. Toutefois, on aurait tort de crier victoire trop rapidement. Au-delà du fait que ce chiffre demeure plutôt bas, cette augmentation a été, en grande partie, générée par l’imposition de droits compensatoires à Bombardier. Par ailleurs, le secteur économique québécois demeure, chaque année, le parent pauvre de l’intérêt médiatique international à notre endroit. 

Depuis le début des années 2000, c’est la deuxième fois que nous assistons à une pareille transformation de l’image du Québec.

De 2012 à 2013, le Québec est devenu pour la première fois un énorme fait divers dans la presse internationale. L’affaire Luka Rocco Magnotta, les nombreuses manifestations, les émeutes et arrestations dans le cadre du conflit étudiant, l’évasion spectaculaire de Saint-Jérôme, les révélations de la commission Charbonneau, l’attentat au Métropolis, l’arrestation de Michael Applebaum et la démission de Gérald Tremblay avaient contribué à faire chavirer notre image enjôleuse pour ne devenir qu’une série de feuilletons de romans policiers. 

La bonne nouvelle, s’il en est une, c’est que l’histoire récente nous a démontré que le phénomène était réversible. On ne peut pas revenir en arrière, mais on peut espérer un renversement de situation. La période noire qu’a connue le Québec avait commencé à s’estomper et près de trois ans ont été nécessaires pour que les journalistes étrangers nous trouvent à nouveau festifs et accueillants. 

Toutefois, trois ans, c’est long. Ce n’est pas une simple pub dans le New York Times qui va arranger les choses. La pensée magique ne fonctionne pas dans ce secteur. Nous aurons besoin de temps, de travail et d’espoir. Oui, d’espoir. Il faut que le climat social actuel, teinté par l’intolérance, s’atténue.

Il va aussi falloir que nos politiciens prennent le temps de parler plus souvent aux médias étrangers pour expliquer leur point de vue et leurs orientations. Prenons par exemple la loi sur le port du voile : elle a été mal comprise, ou mal expliquée, auprès de la presse étrangère, mais qu’importe, le résultat est le même. 

Les organismes de promotion touristique auraient avantage à faire front commun, pour quelque temps du moins. Après tout, un touriste en Montérégie peut-il être aussi intéressant pour Montréal ou Québec ? 

Bien que nous vivions une année faste en tourisme et en immigration, le contexte actuel aura plus tôt que tard un impact marqué sur notre économie. Maintenant que nous le savons, voyons ce qui sera fait. 

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