À BIEN Y PENSER

Les étoiles au firmament

J’ai vécu de très près la visite de Jean-Paul II avec quelques confrères policiers en civil. Je garde une photo sur laquelle on voit le cardinal Turcotte, le pape, René Lévesque et moi-même. Ces étoiles nous ont quittés. Il ne reste que moi, petite police qui regarde la photo chaque jour en me remémorant le cardinal et Jean-Paul II qui transpiraient une bonté extrême.

— Jacques Morin

Opinion  Assurance médicaments

Des factures abusives

Les prix artificiellement gonflés peuvent tripler le coût des médicaments et des honoraires des pharmaciens

Pour soigner une vilaine laryngite, mon fils s’est fait prescrire un antibiotique (Cefprozil, en suspension orale). Le prix du produit est normalement 11,85 $, auquel il faut ajouter les honoraires professionnels du pharmacien (environ 10 $ par ordonnance). Mon régime privé d’assurance médicaments couvre 80 % de mes dépenses et je m’attendais donc à payer 4,40 $ de ma poche en coassurance. J’ai toutefois dû payer 47,89 $. Bienvenue dans le monde surréaliste de l’assurance médicaments du Québec !

J’ai questionné mon pharmacien, mon assureur et la RAMQ pour comprendre pourquoi je devais payer dix fois plus cher que le montant prévu. J’ai compris que le générique m’avait été vendu au prix du médicament de marque (33,88 $). En effet, certains fournisseurs de médicaments génériques ne listent plus leurs produits pour les régimes publics afin de contourner la réglementation des prix et ne les vendent qu’aux régimes privés à des prix plus élevés. Cette stratégie permet plus de profits pour le fabricant (et plus de ristournes pour les pharmacies).

Ensuite, les honoraires professionnels exigés par mon pharmacien étaient de 30 $, un montant tout à fait abusif que les assureurs privés remboursent normalement sans rien dire, puisqu’ils n’ont pas la capacité de réguler ces frais. En effet, au Québec, les pharmacies n’ont pas à divulguer les montants exigés pour le médicament ou les honoraires professionnels, ce qui permet des abus. Les compagnies d’assurance ont peu intérêt à changer les choses, puisqu’elles sont payées en pourcentage des dépenses en médicaments.

Plus les médicaments coûtent cher, plus leurs revenus sont élevés.

Mon employeur en Ontario plafonne les montants remboursés pour les honoraires professionnels du pharmacien et il m’a donc fallu payer la différence de ma poche. Bref, le médicament aura finalement coûté 286 % du prix payé par le régime public, alors que les honoraires professionnels s’élevaient à 330 % de ceux demandés au régime public. Pour ma part, j’ai payé un montant dix fois supérieur à celui que j’aurais payé si j’avais été couvert par le régime public.

Mon expérience n’est pas exceptionnelle. À la fin du mois de mars, le Commissaire à la santé et au bien-être du Québec a publié un rapport sur le coût et l’usage des médicaments qui démontre que ce type d’expérience est plutôt la norme. Le rapport recommande de rendre plus transparente la facturation des ordonnances et de permettre aux régimes privés de ne pas rembourser les frais abusifs par le plafonnement des honoraires professionnels et l’instauration de la substitution générique obligatoire. Ces réformes tombent toutes sous le sens commun.

Le rapport recommande aussi que le régime public recoure à des ententes confidentielles avec les fabricants pour réduire les coûts des médicaments. À noter que le projet de loi 28 actuellement débattu à l’Assemblée nationale permettrait au régime public de recourir à de telles ententes. Le problème est que ces ententes généreraient des ristournes confidentielles pour le régime public, tout en maintenant des prix officiels artificiellement gonflés. Puisque les régimes privés ne recourent pas à de telles ententes, ils devront payer ces prix gonflés. Les patients assurés au régime public, eux aussi, devront payer leur franchise et leur coassurance (de 32,5 %) à partir du prix artificiellement gonflé des médicaments, plutôt qu’à leur prix réel. Bref, le régime public pourra ainsi équilibrer son budget, non pas en contenant le coût des médicaments, mais en pelletant les coûts sur les patients et les régimes privés.

En attendant que nos décideurs politiques mettent fin au gaspillage, nous devrons continuer d’acquitter des factures abusives contre lesquelles nous n’avons aucun recours.

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