flash

Sébastien B Gagnon remporte le Prix des libraires en poésie

Le Prix des libraires en poésie est décerné cette année à Sébastien B Gagnon pour son deuxième recueil, mèche, publié aux Éditions L’Oie de Cravan. Un recueil qui navigue entre éclats et intimité autour de l’amour : « je t’écrirai avec une pointe de flèche/des mots qui mourront dans tes bras/ma ligne de vie s’attachera à tes cils/tes yeux tristes annonceront leur métamorphose », y écrit-il. — Mario Cloutier, La Presse

Chronique

Séries moins

Levez la main, ceux qui sont abonnés à Séries+. Je suis convaincue que vous êtes plus que trois. Dans les faits, il paraît que vous êtes 2 millions. Ce n’est pas rien. C’est une ville, une île, une communauté.

Reste que peu importe votre nombre, si vous regardez Séries+, c’est que vous aimez les séries de tous genres, y compris les séries québécoises que Séries+ offre depuis 2003. Vous voulez des titres ? Le petit monde de Laura Cadieux, la série de Denise Filiatrault (inspirée du film C’t’à ton tour Laura Cadieux), qui mettait en vedette Pierrette Robitaille et Lise Dion, dont nous avons découvert les talents d’actrice. Quelle autre série encore ? Hommes en quarantaine avec André Robitaille, Les Ex avec Patrick Labbé et Brigitte Paquette, la délicieuse François en série, qui fut brièvement promise à NBC pour un remake. D’autres titres ? Miss Météo, scénarisée par moi-même avec la désopilante Anne-Marie Cadieux entourée de Mahée Paiement et de Sophie Prégent, sans oublier Malenfant, En thérapie, Mon ex à moi, Mirador jusqu’à Plan B, l’actuelle série de Louis Morissette qui fait un tabac sur Séries+.

Or, si vous êtes un abonné de Séries+ un peu en raison de ces productions originales québécoises, vous feriez mieux de vous désabonner tout de suite. Pourquoi ? Parce que Séries+, propriété depuis 2013 du groupe torontois Corus, a décidé de mettre fin à son volet de fictions québécoises auquel elle consacrait 1,5 million par année.

Pourquoi cette soudaine rupture ? À cause de l’assouplissement d’un règlement de ce bon vieux CRTC qui, la semaine dernière, a levé l’obligation pour les réseaux privés comme Corus de produire du contenu francophone original.

L’annonce n’avait pas 24 heures que Séries+ tirait littéralement la « plogue » sur trois nouvelles séries québécoises en développement.

Officiellement, la directrice Brigitte Vincent nie tout dans un communiqué fait pour calmer les esprits : « Bien que certains projets de fiction étaient en développement ou en évaluation chez nous, ils n’avaient pas reçu le feu vert pour passer à l’étape de production. Notre décision de reporter la mise en chantier d’une série originale pour Séries+ ne constitue pas un abandon de la production francophone ; et les choix de programmation que nous faisons à ce moment-ci ne déterminent pas les choix que nous ferons dans le futur », a-t-elle fait écrire par son porte-parole sans avoir le courage de livrer son message de vive voix.

Mais ça, je le répète, c’est la version officielle. Sauf que personne n’y croit, ni la Société des auteurs (la SARTEC), qui réfléchit activement à des mesures de protestation, ni Vincent Graton, qui se fend d’un appel aux armes sur Facebook, ni l’auteur des Parent, Jacques Davidts, qui n’en revient pas que la ministre Mélanie Joly ait laissé faire un tel gâchis, ni même le néo-démocrate Pierre Nantel qui, dans une lettre ouverte au Devoir, parle de dégâts majeurs, ajoutant : « Si rien n’est fait dans cinq ans, nous ne verrons tout simplement plus des séries québécoises sur nos écrans. »

Ont-ils raison de s’agiter le pompon de la sorte ? Et comment ! Parce que même si Séries+ n’est pas un acteur majeur en production fiction, il offre une option intéressante, et parfois même une rampe de lancement, autant aux scénaristes qu’aux réalisateurs qui, dans certains cas, y ont fait leurs premières armes ou qui ont pu y prendre certains risques que les grands réseaux n’étaient pas en mesure d’assumer.

Ce n’est pas pour rien que Plan B de Louis Morissette, un concept audacieux avec ses retours incessants dans le passé, se retrouve à Séries+ et non pas à Radio-Canada ou à TVA.

Les grands diffuseurs n’auraient jamais pris le risque d’un tel concept. Or, on s’entend que, depuis le succès remporté par la série, ils s’en mordent les doigts.

François en série se réclamait d’une autre forme, mais qui était tout aussi audacieuse. François, le personnage principal, voyait se matérialiser devant lui (et à travers divers acteurs) toutes les facettes de sa personnalité. NBC avait même pris une option sur la série pour en faire une version américaine. Et même si le remake n’a jamais vu le jour, cela m’amène à un point important : les ventes internationales de plusieurs de ces séries (y compris ma chère Miss Météo) qui ont rapporté en droits d’auteur comme en retombées et en rayonnement. Mais de toute évidence, Corus n’en a rien à cirer du rayonnement des séries québécoises à l’étranger, ni de la survie de ses auteurs.

Autant dire qu’il y a plusieurs coupables dans toute cette histoire : d’abord le CRTC qui, dans sa grande naïveté, n’a pas vu que son assouplissement aurait un effet dévastateur sur la production francophone, puis la ministre Joly qui, à force de faire des « conversations » à n’en plus finir, finit par ne rien faire, sans oublier Corus évidemment qui, depuis son lointain Toronto, donne l’impression de se contreficher du public québécois qu’il s’apprête à gaver des séries américaines et canadiennes doublées en nous disant « Thank you Québec », version polie de « F*** you ragoût ! »

Tout ce qu’il reste à espérer, c’est que cette décision ne contamine pas le monde de la diffusion canadienne et que, dans cinq ans, elle n’ait pas fait disparaître totalement les séries québécoises de nos écrans, contrairement à ce que craint Pierre Nantel.

En attendant, puisque Séries+ menace de nous en donner moins pour notre argent, nous n’avons d’autre choix que de voter… avec notre argent. En anglais, cela s’appelle se désabonner.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.