Religions

QU’EST-CE QUE L’ÉGLISE DU MONSTRE EN SPAGHETTI VOLANT ?

Le Monstre a été décrit par le physicien Bobby Henderson dans une lettre au Conseil de l’éducation du Kansas en réaction à la décision de l’autorité scolaire d’ouvrir la porte aux doctrines scientifico-religieuses comme le dessein intelligent ou le créationnisme. Il a mis au défi de démontrer que sa « croyance » était moins légitime que ces deux doctrines et fait valoir qu’elle devrait aussi être enseignée dans les écoles de l’État. Reprise par de nombreux grands journaux, sa lettre a rapidement fait le tour du monde. Le mouvement est peu à peu devenu un symbole de résistance à l’envahissement des mouvements religieux fondamentalistes qui cherchent à imposer leur vision des choses sur la société, notamment la science.

QU’UN SEUL DOGME : LES DOGMES SONT INTERDITS

Ses adeptes sont des pastafariens.

Au paradis des pastafariens, il y a des volcans de bière et des usines à stripteaseuses. En enfer, la bière des volcans est éventée et les stripteaseuses ont toutes des maladies sexuellement transmissibles.

S’ils manifestent publiquement devant un tribunal où une cause qui les intéresse est entendue, les adeptes scandent très fort : « Pasta ! Pasta ! Pasta ! »

Lorsqu’ils prient, les pastafariens concluent leur prière en disant « Ramen ». C’est le nom d’un type de nouilles japonaises.

Un juge fédéral a récemment décrété, dans une décision aux États-Unis, que l’Église du Monstre en spaghetti volant n’est pas une vraie religion.

— Bruno Bisson, La Presse

PERMIS DE CONDUIRE

Quand le MTQ croise le fer avec l’Église du monstre en spaghetti volant

Québec a dépensé 16 000 $ pour se prémunir contre des demandes d’accommodements raisonnables des « pastafariens »

Le ministère des Transports du Québec (MTQ) a dépensé 16 140 $, l’automne dernier, pour un avis d’experts visant à déterminer si une personne qui croit que le monde fut créé par un monstre en spaghetti volant a le droit de porter un chapeau de pirate sur sa photo de permis de conduire.

Si vous n’avez rien compris à la phrase précédente, vous êtes parfaitement normaux. Reprenons les choses, une à la fois.

Le 22 octobre 2015, le Ministère a passé un contrat de gré à gré avec le professeur associé au département de science des religions de l’UQAM, Louis Rousseau. Son mandat : « effectuer toutes les analyses, recherches et travaux requis afin de produire une expertise écrite sur le caractère religieux d’une croyance, et plus particulièrement de déterminer si cette croyance peut se qualifier à titre de religion permettant de réclamer des accommodements raisonnables autrement octroyés aux autres croyants ».

Hier, en commission parlementaire, la députée caquiste de Montarville, Nathalie Roy, a demandé au Ministère de lui expliquer pourquoi il avait fait cette dépense.

Le sous-ministre associé André Meloche a expliqué que ce mandat a été financé à la demande du Procureur général du Québec, dans le cadre d’un recours légal pris à l’encontre de la Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ) par une adepte du pastafarisme, qui invoquait un motif religieux pour porter son chapeau de pirate lors d’une prise de photo officielle.

« Elle a perdu sa cause », a indiqué M. Meloche.

ADEPTE DE L’ÉGLISE DU MONSTRE EN SPAGHETTI VOLANT

L’affaire commence en mars 2014. Une Montréalaise, Isabelle Narayana, se présente à un bureau de la Société de l’assurance automobile du Québec pour faire prendre sa photo de permis de conduire. Elle est habillée en pirate. On lui demande de retirer le chapeau pour la photo. Le règlement stipule que « la tête doit être libre de tout couvre-chef, à moins que celui-ci soit porté tous les jours pour des raisons religieuses ou médicales ».

Or, Mme Narayana est une adepte de l’Église du monstre en spaghetti volant (Church of the Flying Spaghetti Monster). Celle-ci prêche que le monde a été créé par un monstre dont le corps est constitué d’un nœud de spaghettis et de deux grosses boulettes de viande sous les yeux. Et il vole. Il aurait créé le monde il y a 4000 ans alors qu’il était en état d’ébriété. Cela expliquerait certaines imperfections de la Terre.

L’Église du monstre en spaghetti volant est évidemment une parodie de religion. Elle a été créée en 2005 par Bobby Henderson, un diplômé en physique de l’Université d’État de l’Oregon, pour ridiculiser la décision d’une institution du Kansas d’inscrire à son programme scolaire l’enseignement du « design intelligent ». Cette doctrine pseudo-scientifique veut que l’univers ne puisse pas être le seul produit de l’évolution, et que sa complexité suppose une intervention de nature divine dans sa création.

« DES MILLIONS, SINON DES MILLIERS »

Les adeptes de la fausse Église seraient « des millions, sinon des milliers » à travers le monde. L’Église du monstre en spaghetti volant a le statut officiel de religion en Pologne et aux Pays-Bas. En Nouvelle-Zélande, elle a même le droit depuis peu de célébrer des mariages qui sont légalement reconnus.

L’Église vénère les pirates. Ils seraient les premiers adeptes de cette religion, et leur disparition serait en partie responsable des changements climatiques. Parmi ses pratiques, l’Église suggère à ses membres de porter leurs costumes, en certaines circonstances. Ce que faisait Mme Narayana, quand elle s’est présentée à la SAAQ, en mars 2014.

En août 2014, la « croyante » a déposé une requête en jugement déclaratoire contre la décision de la SAAQ, affirmant qu’elle a pu conserver son chapeau de pirate pour la photo de sa carte d’assurance-maladie, prise le même jour. Elle a également fait valoir qu’elle est retournée à la SAAQ en portant un voile semblable à ceux que portent certaines femmes mulsumanes, et que cette photo-là a été acceptée.

(En fait, c’était une ruse, parce que Mme Narayana a confié au juge qu’elle portait un costume de Sayyida al Hurra, une reine pirate ayant régné jadis sur l’est de la Méditerranée, et qui, ça s’adonne, était musulmane.)

« LES PASTAFARIENS N’ONT QU’À BIEN SE TENIR »

Le 6 octobre 2015, la Cour supérieure a accueilli une requête en irrecevabilité de la SAAQ pour faire déclarer la requête de Mme Narayana « sans fondement et abusive ».

La députée de la Coalition avenir Québec (CAQ), Nathalie Roy, a toutefois demandé au Ministère d’expliquer hier comment le contrat avec le professeur Louis Rousseau a pu être utile dans cette cause, puisqu’il a été conclu 16 jours après que la Cour supérieure a rendu verdict sur l’irrecevabilité du recours.

Les fonctionnaires présents hier, à l’étude des crédits du Ministère, ne pouvaient pas l’expliquer. Des vérifications sont en cours.

La députée Roy a aussi demandé le dépôt de l’étude de M. Rousseau.

Le dernier mot est revenu au ministre des Transports, de la Mobilité durable et de l’Électrification des transports, Jacques Daoust, qui a estimé qu’avec cette étude de 16 140 $, la SAAQ sera désormais mieux outillée pour faire face à de tels recours juridiques.

« Les pastafariens, a-t-il dit, n’ont qu’à bien se tenir. »

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