Tragédie aux Îles-de-la-Madeleine

« Ça fait réfléchir à la précarité de la vie »

Daniel Villeneuve a serré très fort sa conjointe et ses enfants, mardi soir. C’est que le pilote a bien failli être dans l’avion qui s’est écrasé aux Îles-de-la-Madeleine. Son ami pilote Pascal Gosselin lui avait demandé la veille de l’assister durant le vol, comme il l’avait fait en mai 2015 pour transporter Jean Lapierre. Un voyage salutaire à Québec l’a toutefois obligé à décliner l’offre.

« C’est assez particulier comme sensation. On voit ça dans les films que le gars ne prend pas l’avion et que l’avion s’écrase. Quand ça arrive pour vrai, c’est spécial… », raconte-t-il, encore renversé par les événements. Quelques heures après la tragédie, plusieurs amis pilotes, et même sa mère, l’ont appelé pour s’assurer qu’il n’était pas à bord de l’avion.

« J’ai apprécié beaucoup la présence de ma blonde et de mes enfants [mardi] soir et [hier matin], mais surtout, j’ai apprécié ça en pensant à Pascal, qui laisse trois enfants et une épouse derrière lui. J’ai apprécié le privilège de pouvoir serrer mes enfants dans mes bras et d’être encore là. »

— Daniel Villeneuve

Lundi après-midi, Pascal Gosselin a communiqué avec lui pour s’enquérir de ses disponibilités pour un vol de dernière minute. Puisqu’il n’était pas libre, c’est finalement le pilote français Fabrice Labourel, père d’un jeune enfant, qui a été recruté comme copilote pour le vol fatidique.

Même s’il avait le droit de piloter l’avion seul, Pascal Gosselin, un pilote d’expérience, voulait compter sur un copilote qui s’occuperait des communications et de la navigation, afin de pouvoir se concentrer sur le pilotage. 

« Il savait que la météo serait pourrie aux Îles. On savait qu’il y aurait de gros vents, de la pluie et de la neige. Si pour un vol ça prenait quelqu’un pour alléger la tâche du pilote, c’est vraiment pour ce genre de vol-là », soutient Daniel Villeneuve, directeur de la photographie au cinéma et à la télévision.

Un an plus tôt, les deux hommes avaient effectué le même vol avec le même appareil pour transporter Jean Lapierre, qui allait visiter son père aux Îles-de-la-Madeleine. Les conditions météo étaient toutefois bien meilleures ce jour-là. Il s’était d’ailleurs promené dans les îles pendant plusieurs heures avec Pascal Gosselin. « On avait ramené cinq ou six caisses de homards dans l’avion ! », se remémore-t-il.

UN PILOTE D’EXPÉRIENCE

Daniel Villeneuve préfère ne pas émettre d’hypothèses sur les causes exactes de l’accident. Il rappelle toutefois que le pilote Pascal Gosselin avait accumulé beaucoup d’heures de vol sur cet avion. « Ce n’était pas ses premiers vols. C’est quelqu’un qui a beaucoup d’expérience en aviation. » De plus, ce modèle d’avion n’est pas « dangereux », précise-t-il.

Même si les conditions météo étaient mauvaises aux Îles-de-la-Madeleine en début d’après-midi, mardi, elles ne rendaient pas impossible une tentative d’approche d’atterrissage, estime-t-il. « Il pouvait au moins tenter l’approche aux instruments. Si l’approche n’était pas réussie, il pouvait aller à l’aéroport de dégagement. […] C’est sûrement ça qu’il a dû essayer de faire. Ce qui est arrivé après, c’est de la spéculation totale. On ne peut pas dire ce qui s’est produit. »

Malgré tout, pas question pour Daniel Villeneuve de passer des heures à réfléchir à ce qui aurait pu se produire s’il avait été en mesure d’assister son ami aux commandes de l’appareil. « Si j’avais été là, on ne sait pas ce qui serait arrivé. Ça ne veut pas dire que le résultat du vol aurait été le même. Ça aurait peut-être été le même [résultat], ça aurait peut-être été différent. On ne peut pas supposer à outrance », dit-il, philosophe.

« Ça fait beaucoup réfléchir à la précarité de la vie en général. On est chanceux. C’est arrivé en quelques secondes, ç’a dû débouler en un rien de temps. En un instant, la vie est finie pour des personnes. Je suis chanceux. La vie me fait un cadeau. »

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