Tragédie aux Îles-de-la-Madeleine

Le pilote était un pionnier de l’internet au Québec

Pascal Gosselin, pilote de l’avion qui s’est écrasé mardi aux Îles-de-la-Madeleine en tuant ses sept occupants, avait créé au début des années 90 le premier fournisseur d’accès à l’internet québécois destiné au grand public.

« Si un jour s’écrit l’histoire de l’internet au Québec, il faudra qu’il y ait un chapitre consacré à Pascal Gosselin », a résumé hier le rédacteur en chef de Bazzo Mag, Michel Dumais, observateur de longue date de l’univers technologique québécois.

Alors que seuls des universités et quelques établissements profitaient d’un accès à l’internet, M. Gosselin avait fondé en 1993 un organisme à but non lucratif, Communications accessibles Montréal (CAM), dont les installations étaient situées… dans le cagibi de son condominium, près du marché Atwater.

« On descendait dans le sous-sol, il ouvrait la porte, et tu sentais une bouffée de chaleur sortir. Il y avait une pile de modems 14,4 K qui fonctionnaient. »

— Michel Dumais, rédacteur en chef de Bazzo Mag

C’était avant même la mise sur pied du web, première vitrine grand public de l’internet, essentiellement constituée des sites web. Les premiers clients de CAM n’avaient accès qu’à des services plus rudimentaires, comme les babillards électroniques.

Peu de temps après, M. Gosselin a fondé Mlink, un fournisseur d’accès qu’il a revendu en 2000 pour plusieurs millions de dollars à l’américaine PSINet.

Mlink hébergeait notamment la Toile du Québec, premier grand succès de l’internet québécois.

« C’est lui qui était venu nous voir pour nous dire qu’on ne savait pas dans quoi on s’embarquait ! », se souvient l’un des cofondateurs de la Toile, Chrystian Guy, aujourd’hui vice-président chez CakeMail.

« La Toile était alors hébergée sur des espaces personnels, c’est lui qui nous a enregistré un nom de domaine et qui nous a expliqué comment ça fonctionnait. Nous, on était des gars des médias. Il nous hébergeait gratuitement, à condition que l’on mette son logo. »

L’histoire correspond parfaitement aux souvenirs de M. Dumais, selon qui M. Gosselin était un enthousiaste très généreux de son aide pour divers projets et qui avait tendance à oublier d’envoyer sa facture.

PREMIER CENTRE D'INTERCONNEXION

M. Gosselin avait aussi joué, avec Mlink, un rôle actif dans la création du premier centre d’interconnexion québécois, le Montreal Internet Exchange (MIX).

« À l’époque, si tu étais à Montréal et que tu demandais un site internet hébergé à Montréal, ta connexion passait quand même par New York », explique André Laurendeau, directeur général chez Synergitic, qui avait lui aussi participé à cet effort conjoint mené par les rares fournisseurs québécois d’accès à l’internet de l’époque.

« Il a définitivement joué un rôle important dans le déploiement de l’internet au Québec. Ce n’est pas le seul, mais il a eu un rôle important. »

— André Laurendeau, directeur général chez Synergitic

Même à cette époque où il s’amusait avec la technologie, c’est l’aviation qui demeurait la véritable passion de M. Gosselin, selon toutes les personnes interrogées. Il s’y est consacré à temps plein dès la vente de son entreprise et a fini par y laisser sa vie.

« Ce n’était pas un cowboy, il était très pépère et conservateur, assure M. Dumais. C’était un ami de Jean Lapierre. A-t-il voulu l’aider, lui a-t-il dit, dans les circonstances, avec le décès de son père : “On va être là, fais-moi confiance” ? Ça aurait été tout à fait lui. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.