Chronique

Dix chantiers pour relancer l’Impact

C’est l’histoire d’un petit club de soccer devenu grand. Très vite. Trop vite. Comme un adolescent dont les jambes ont poussé de six pouces pendant son sommeil, il marche un peu tout croche.

Dans une ligue en progression constante, l’Impact de Montréal peine à rester en équilibre. Depuis sept ans, une crise n’attend pas l’autre. Le président s’en prend aux joueurs, qui s’en prennent au président, qui s’en prend aux partisans, qui s’en prennent au président, qui s’en prend à la Ville pour des impôts fonciers jugés trop élevés. Il y a plus de drame autour de l’équipe que dans une classe de cinquième secondaire le jour de la Saint-Valentin.

En trois mots : c’est lourd.

Ça donne une image négative du club. Ça n’aide pas la vente de billets. La MLS reçoit les articles et les rapports de ventes. Sa patience s’effrite. On me dit que le commissaire Don Garber s’attend à mieux de l’Impact. Pour la MLS, Montréal est un grand marché qui ne tient pas ses promesses, surtout aux guichets.

Le fondateur de l’Impact, Joey Saputo, a donc choisi de quitter la présidence de son équipe, hier. Il en restera le propriétaire. Il s’est engagé à financer le club pour au moins les trois prochaines années, au terme desquelles il souhaite que l’entreprise dégage un profit. Quant aux raisons expliquant son départ, M. Saputo a été clair : l’équipe a besoin d’un président « entièrement dédié à la croissance, au succès du club, avec sa propre vision et sa propre philosophie ».

Pendant que Joey Saputo sort côté cour, Kevin Gilmore entre côté jardin. Ancien vice-président du Canadien, des Kings de Los Angeles et des Mighty Ducks d’Anaheim (entre autres), c’est lui qui veillera à faire marcher droit l’Impact. Déjà hier, il a donné le ton. 

« Ça prend un changement de culture. Parce qu’on est dans l’ombre du Canadien, on se dit qu’on est dans un petit marché. [Mais] Montréal est un gros marché. »

— Kevin Gilmore, nouveau président de l’Impact

Des mots qui plairont à la MLS, à son commissaire et aux partisans de l’Impact, qui exigeaient des changements depuis quelques mois.

Maintenant, comment retrouver l’équilibre et se mettre à marcher au même pas que le reste de la ligue ? Voici les 10 travaux qui occuperont Kevin Gilmore et son équipe dans les trois prochaines années.

1. Vendre plus d’abonnements

Dans la NFL ou le baseball majeur, les équipes touchent des revenus substantiels des contrats nationaux de télévision. Pas dans la MLS. La vente d’abonnements, c’est le poumon de chaque organisation. L’Impact compte autour de 9000 abonnés. C’est moins que la moyenne de la ligue (de 12 000 à 13 000). La MLS est insatisfaite. Gros défi pour Kevin Gilmore, d’autant que le prix moyen des billets à Montréal augmentera en 2019.

2. Prendre soin des partisans

Les partisans et le club forment un vieux couple qui a ses bons moments, mais aussi ses différends. Les sorties malavisées de Joey Saputo contre le manque d’appui des amateurs ont laissé des cicatrices. La situation s’est améliorée l’été dernier. « Il faut supporter les supporteurs, c’est tout. Nous offrons nos cœurs à l’équipe », m’a indiqué hier le cofondateur du groupe 1642 MTL, Anthony Lizzi. Son groupe a accueilli positivement l’arrivée de M. Gilmore. Le nouveau président m’a confié hier vouloir « rapprocher » l’organisation et ses fans.

3. Amener les gens au stade Saputo

Selon Kevin Gilmore, il y aurait 1,9 million d’amateurs de soccer dans la région de Montréal. C’est une projection qui me semble pour le moins optimiste. Mais il y a une certitude : une grande proportion de ces amateurs n’a jamais mis les pieds dans le stade Saputo. L’Impact compte profiter de son partenariat avec TVA Sports pour mieux montrer l’ambiance dans le stade, un peu comme le diffuseur l’a fait lors de la finale de la ligue à Atlanta.

4. Cibler les régions

Kevin Gilmore estime qu’il y a assez de fans à Montréal pour remplir le stade Saputo à tous les matchs. Des employés de l’équipe pensent toutefois qu’il y aurait des gains à faire dans les régions. Vrai qu’on voit peu d’autobus de partisans de Trois-Rivières, Gatineau ou Sherbrooke, comme c’était le cas lors des matchs des Expos ou des Alouettes.

5. Réviser l’horaire des matchs à l’extérieur

L’Impact disputera son match d’ouverture le samedi 2 mars à… 22 h. Pas optimal pour les jeunes fans. « Dans une ligue centralisée, [des décisions] pour le bien commun peuvent affecter des clubs à l’échelle locale. Il faut trouver [un équilibre] », a expliqué M. Gilmore. Il me semble que c’est un dossier sur lequel l’Impact peut mieux faire valoir son point.

6. Réviser l’horaire des matchs à domicile

Kevin Gilmore m’a souligné vouloir rapprocher l’équipe de la communauté des affaires. L’Impact aimerait vendre davantage de loges d’entreprise. Une plainte récurrente : les parties d’été disputées le samedi soir. C’est un moment où plusieurs dirigeants d’entreprise ou leurs clients sont à l’extérieur de la ville ou à leur chalet. L’Impact devra faire preuve d’écoute dans sa tournée de sollicitation.

7. Embaucher des vedettes

La MLS souhaite que ses franchises suivent les exemples de Portland et de Kansas City, qui se maintiennent parmi l’élite sans grande vedette internationale. La ligue et Joey Saputo sont ici sur la même longueur d’onde. Kevin Gilmore semble aussi partager cette philosophie. « La clé, ce n’est pas de faire du bruit en amenant quelqu’un qui a un nom, c’est de faire du bruit sur le terrain », a-t-il indiqué hier. N’empêche, je pense qu’on est ici devant un cas où Montréal ne réagit pas comme les autres marchés. Les amateurs – surtout les occasionnels – semblent désirer des vedettes comme Didier Drogba. Une question à laquelle la nouvelle administration devra réfléchir.

8. Stabiliser l’effectif

Les transferts de joueurs sont fréquents au soccer. Mais l’Impact est particulièrement hyperactif. Seuls Ignacio Piatti, Evan Bush, Victor Cabrera et Anthony Jackson-Hamel sont avec l’équipe depuis 2016. Un peu de stabilité pourrait améliorer le sentiment d’appartenance.

9. Faire pression pour des places internationales

Toutes les équipes de la MLS possèdent huit places pour des joueurs internationaux. Mais il y a un hic : Washington distribue ses cartes de résidence permanente comme des bonbons, alors qu’Ottawa les donne au compte-gouttes. Les clubs canadiens sont désavantagés. Kevin Gilmore a souligné hier que des pourparlers étaient en cours avec la ligue « pour que tout le monde joue sur le même terrain ».

10. Ne pas confondre l’Impact et le Canadien

Fort de son expérience comme vice-président exécutif et chef de l’exploitation du Canadien, Kevin Gilmore est très bien outillé pour son nouveau poste. Il connaît bien le marché montréalais, le milieu des affaires et l’économie du sport. Mais l’Impact n’est pas le Canadien. On rend moins vite les appels, les assistances fluctuent selon les victoires, c’est un produit beaucoup plus difficile à vendre à la communauté des affaires. Heureusement, Kevin Gilmore a démontré hier qu’il savait reconnaître les différences. J’ai bon espoir qu’il évitera le piège de vouloir importer des recettes qui ont fait leurs preuves chez le Canadien et qu’il saura implanter sa propre vision, comme le souhaite Joey Saputo.

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